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Inconnu. Futur proche ? Les Queen Elizabeth et Illustrious (nouveau nom
de baptême proposé en lieu et place du Prince of Wales).
La
France décidait en 1986 puis 1994, 2007 et 2011 d'agir mieux que tout
le monde en renouvelant à moitié sa composante aéronavale. Sorte de
French touch dans l'art de la guerre aéronavale dans le monde, il ne
sera pas nécessaire de revenir sur le pourquoi du comment le budget de
l'Etat alimente autant un second porte-avions imaginaire sans cesse
amélioré au fil des années.
Une
fois que nous avons dit cela, c'est pour mieux saisir le contraste
mondial qui dépasse l'hémispère occidental qui nous englobe. Le couant
de pensée dominant nous entraînait lentement mais sûrement vers un
reniement de la guerre navale au sens large : puisque la Méditerranée,
l'Atlantique et l'océan Indien sont des lacs américano-otaniens, la mer
est utilisable par nous pour supporter nos voies de communication et
donc servir à déplacer porter le fer à terre.
Depuis
la fin du conflit Est-Ouest (1991), rien n'est venu entravé cette vue
stratégique à court terme. Les engagements des Etats-Unis d'Amérique,
des alliés ou de la France en dehors de leur sol ne craignaient pas une
menace navale critique ayant la capacité d'entraver une action
aéronavale et aéroamphibie. La configuration stratégique est telle qu'il
n'y a plus lieu de lutter pour acquérir la maîtrise temporaire et
locale de la mer pour agir à terre. Configuration stratégique tellement
favorable que les priorités sont à terre où il y a toujours à faire. Les
Etats-Unis pouvaient même imaginer descendre leur nombre de navire
porte-avions de 15 (tentative d'apogée sous l'ère Reagan) à 8, voire 6
(projets de l'administration Obama avec Robert Gates comme secrétaire
d'Etat à la Défense).
Pourquoi pas : si la Défense est le premier devoir de l'Etat, alors il nous incombe de nous adapter ?
La
fin de l'Histoire ne s'est jamais produite. Mieux encore, certains
peuples, certaines nations croient toujours au sens de l'Histoire. Tout
du moins, les ambitions ne sont pas une denrée rare parmi des puissances
émergentes. En tous les cas, l'expansion de leur économie en dehors de
leurs frontières nationales se combine avec un volet maritime et naval.
Pékin
développe des porte-avions. Pour un pays qui tente de récupérer toutes
les coques de ces navires qui sont à démolire de par le monde, ce n'est
pas une surprise qu'il y ait une ambition autre que de devenir le
champion mondial de la déconstruction de porte-avions. La refonte de
l'ex-Varyag puis l'apparition sur la toile de clichés montrant de
nombreuses infrastructures terrestres liées au fait aéronaval atteste
d'une volonté chinoise de s'approprier cet outil. De là à s'étonner que
depuis 2006, la Chine communique à chaque grande étape sur la
construction de trois porte-avions en plus de son "navire-école", c'est
plus un aboutissement de près d'une trentaine d'années d'efforts qu'une
surprise.
L'Inde ne désarme pas encore le vieux Viraat (1953-?). L'ancien joyau de la couronne britannique acquiert lui aussi un ancien porte-aéronefs soviétique : l'amiral Gorshkov qui devient depuis 2013 le Vikramaditya. Le programme Air Defense Ship puis Indigenous Aicraft Carrier
vise, ce jour, à livrer deux unités à la marine indienne. Elles seront
de conception locale (avec le concours de l'ingéniérie italienne). La
première unité, le Vikrant, est espérée pour 2018. La seconde
pour le milieu de la décennie suivante. Reste à savoir comment vont
évoluer les ambitions aéronavales indiennes au fur et à mesure des
années. Par exemple, l'Inde ne s'oriente actuellement que sur dans la
filire STOBAR et non pas CATOBAR. En attendant, New Delhi table sur
trois porte-avions d'ici à 2025.
L'Angleterre
revient elle aussi sur le devant de la scène. Le concept de Sea Control
ship incarné par la classe Invincible réduite de 6 à 3 navires n'a pu
convaincre lors de la guerre des Malouines. A leur décharge, une seule
de ces unités était alors en service : le HMS Invincible. Il
devait être vendu à l'Australie quand éclata la guerre... Les deux
porte-aéronefs en cours de finition ou de construction, de 65 000 tonnes
à pleine charge, illustrent un retour à des ambitions aéronavales plus
importantes. Le choix confirmé de la formule STOBAR et les problèmes
rencontrés dans la mise au point du F-35 retarderont la montée en
puissance du nouvel outil aéronaval de la Royal Navy. Et le rendez-vous de la refonte CATOBAR est toujours une question pendante de l'autre côté de la Manche.
Citons,
pour terminer ce tour d'horizon, que l'Australie réfléchi à voix haute
sur une possible reconstruction de ses deux navires amphibies achetés à
l'Espagne en porte-avions, que la Russie maintient ses ambitions de
remplacer et compléter le Kuznetsov, tout comme le Brésil qui souhaite au moins remplacer le Foch
avec l'intérêt de l'Argentine, que le Japon et la Corée du Sud
construisent et mettent en service de lourds porte-aéronefs ou que la
France devra se pencher sur le cas du second porte-avions assez
rapidement...
Le
basculement océanique mondial ainsi que le pivotage d'une partie des
forces américaines de la façade Atlantique à l'Asie du Sud-Est invite à
reconsidérer des espaces qui ne sont ni des lacs américains ni des lacs
otaniens. Le porte-avions était contesté du fait de l'existence d'une
stratégie d'interdiction, notamment et surtout portée par la Chine, qui
devait le condamner. Stratégie d'interdiction qui ne fait qu'imiter ce
que développait l'URSS face à l'US Navy dans les années 70 et 80 du XXe siècle, période où le porte-avions n'était pas non plus abandonné.
De
plus, l'acquisition d'un outil aéronaval hauturier par des puissances
navales émergentes déplaçent l'horizon des confrontations navales
potentielles de demain. La menace d'une fleet in being, quelque soit ses
capacités, rendra impératif de considérer et la menace d'un groupe
aéronaval en pleine croisière avant d'envisager une action à terre, tout
du moins, sans consacrer les moyens nécessaires à une maîtrise locale
et temporaire de la mer. C'était l'exemple britannique en 1982 où la
Royal Navy ne trouvait pas le porte-avions argentin.
A partir de 2015 et la recontre du porte-avions Charles de Gaulle
avec un ou deux porte-avions Indien, voire une possible croisière
lointaine du porte-aéronefs chinois, nous pourrions assister à une
reconsidération de la nécessaire acquisition d'une maîtrise temporaire
et locale de la mer afin de projeter une force aéroamphibie contre un
littoral ou pour utiliser tout simplement les communications maritimes.
Dans pareil cadre, le rôle du porte-avions pour acquérir ou défendre
cette maîtrise risque fort d'être reconsidéré.
Faudra-t-il
invoquer l'effet mimétique ou l'incapacité de trouver un autre outil
que la projection de la puissance aérienne depuis la mer pour expliquer
la reconidération de ce navire ? En tous les cas, nous pourrions très
bien voir surgir des débats aux Etats-Unis sur un nombre de porte-avions
trop bas. Tout comme les croisières des unités indiennes, chinoises et
anglaises stimuleront de nouvelles diplomaties navales qui changeront
les regards portés sur la maîtrise des espaces maritimes. En 2022, nous
serons dans une toute autre configuration stratégique...
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