© Marine nationale.
Dans une interview donnée récemment à la rédaction de Mer et Marine,
le chef d'état-major de la Marine nationale, l'amiral Bernard Rogel,
nous offre un grand tour d'horizon de l'actualité de la Flotte. Nous
pouvons en retenir la citation du CEMM qui orne l'entretien : "La marine est au-delà de son contrat opérationnel".
Phrase
qu'il faut entendre dans le sens où la Marine nationale, comme l'Armée
de Terre et l'Armée de l'air, a une activité plus importante que celle
définie dans le "contrat opérationnel" fixée par le livre blanc sur la
défense et la sécurité nationale.
Par
exemple, le livre blanc demande à la Marine nationale d'assurer deux
missions navales permanentes (contre trois précédemment). L'amiral Rogel
de dire que la Royale assure 4 à 5 missions navales permanentes. Ce qui
nous renvoie au propos d'Hervé Coutau-Bégarie (Le meilleur des
ambassadeurs, éditions Economica, 2010) qui décrivait l'orientation
inquiétante de la diplomatie navale, non plus vers des crises
ponctuelles et courtes (à l'instar de "la guerre de la morue") mais bien
vers des engagements de longue durée. Ainsi, la mission Corymbe, dans
son format actuel, est assurée dans le Golfe de Guinée depuis plus de 20
ans.
Engagements
structurants ou ponctuels qu'il faut assurer en plus d'autres missions
comme la dissuasion nucléaire qui demande l'engagement, outre d'un SNLE
en permanence à la mer, de moyens de protection et d'éclairage. Le
potentiel d'Atlantique 2, de frégates anti-sous-marine (ASM), d'avisos
et de SNA (Sous-marin Nucléaire d'Attaque) est consommé pour conduire
cette mission.
Sans
oublier l'engagement du GAn (Groupe Aéronaval) constitué, outre le
porte-avions, d'une frégate ASM, d'une autre de Défense Aérienne (DA),
d'un SNA et d'une unité logistique.
Enfin,
dans la même interview, le chef d'état-major de la Marine confirme,
comme chaque année depuis 1982, que les missions de l'Action de l'Etat
en Mer (AEM) tiennent une place de plus en plus importante au sein de la
Marine nationale. Les zones économiques exclusives ainsi que la
maritimisation des économies imposent de grandes exigences en matière de
maîtrise des espaces aéromaritimes. Parfois ou souvent c'est même une
question de souveraineté territoriale élémentaire. L'ancien CEMM, l'amiral Forissier, expliquait à EchoRadar
qu'en raison de la géographie navale française, il était préférable
d'avoir une Marine nationale et non pas une garde-côtière pour assurer
ces missions. Notons au passage que le développement des énergies
marines demande un accroissement des missions de déminage effectuées par
la Marine nationale.
Le format de la Marine nationale décidé à travers le livre blanc
se constitue de 4 SNLE, de 6 SNA, d'1 porte-avions, de 3 BPC, de 15
frégates de 1er rang, d'une force de guerre des mines, d'une quinzaine
de patrouilleurs et de 6 frégates de surveillance. C'est ce que nous
proposons d'appeler la "flotte contractuelle", celle qui existe dans le livre blanc, dans les débats budgétaires entre l'Exécutif, le Législatif et Bercy.
Non pas par opposition mais par complément à celle-ci nous proposons de considérer l'existence d'une "flotte virtuelle".
L'amiral Rogel, toujours dans la même interview, se refuse à se
plaindre. Toutefois, le chef d'état-major de l'Armée de Terre disait
devant les députés que témoigner des difficultés rencontrées pour
effectuer les missions ne revient pas à se plaindre mais à tenir informé
de la réalité le Parlement. Le concept de flotte virtuelle permettrait
ainsi de matérialiser le décalage entre l'activité opérationnelle
définie par le livre blanc et les moyens attribués et de l'autre côté
les décisions d'engagement des forces ordonnées par le politique selon
les ambitions de la France sur la scène internationale.
L'actuelle flotte virtuelle pour 2015 consacre des différentiels positifs et négatifs.
Pour le côté positif, cette flotte virtuelle ne nécessite pas un second porte-avions. Mais au regard de ce qui s'est déroulé pendant l'opération Harmattan (2011) au large de la Libye, il est apparu que le format à 6 SNA était trop juste et pour protéger la mission de dissuasion océanique et pour soutenir le GAn au Sud de Toulon. Manque-t-il un SNA ? Une autonomie plus importante par navire ? Le passage de 2 missions navales permanentes (flotte contractuelle) à 4 ou 5 (flotte virtuelle) demande un très grand effort à la flotte de surface. Celle-ci vient de perdre une frégate qui est vendue à l'Egypte. Le CEMM souhaite recevoir 4 FREMM d'ici à 2016.
Pour le côté positif, cette flotte virtuelle ne nécessite pas un second porte-avions. Mais au regard de ce qui s'est déroulé pendant l'opération Harmattan (2011) au large de la Libye, il est apparu que le format à 6 SNA était trop juste et pour protéger la mission de dissuasion océanique et pour soutenir le GAn au Sud de Toulon. Manque-t-il un SNA ? Une autonomie plus importante par navire ? Le passage de 2 missions navales permanentes (flotte contractuelle) à 4 ou 5 (flotte virtuelle) demande un très grand effort à la flotte de surface. Celle-ci vient de perdre une frégate qui est vendue à l'Egypte. Le CEMM souhaite recevoir 4 FREMM d'ici à 2016.
Pour le côté négatif, cette flotte virtuelle enregistre une décrue très importante de ses moyens dédiés aux missions de l'AEM.
La frégate de surveillance Nivôse subissait un incendie fin 2014 qui
la retire temporairement du service opérationnelle. Le nombre de
patrouilleurs subit une décrue importante d'ici à 2019 alors que la
Marine tente péniblement de renouveler une partie de ces moyens (B2M,
B3M, B4M, BSAH et PLG). Ce qui n'empêchera pas des ruptures temporaires
de capacité. Tout ceci en attendant le programme BATSIMAR et de
connaître la succession des frégates de surveillance pour la prochaine
LPM.
Si
témoigner n'est pas se plaindre, afficher le décalage entre une flotte
contractuelle et une flotte virtuelle ne le sera peut-être pas non plus.
Une nouvelle manière de matérialiser le décalage entre les ambitions,
les nécessités et les moyens attribués ?
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