© Inconnu. Lancement de l'INS Vikrant, porte-aéronefs de 262 mètres de longueur, 60 mètres de maître-bau pour 40 000 tonnes. |
Après avoir bousculer les équilibres eurasiatiques vis-à-vis de l'Union soviétique en se rapprochant de la Chine (1969 - 1974), les États-Unis doivent conduire la manœuvre inverse : équilibrer la Chine. Face à l'impossibilité actuelle de renforcer la position de la Russie dont la diplomatie tend à se rapprocher de Pékin dernièrement, Washington soutiendrait un "nouvel" acteur dans ce triangle dont les relations ne sont plus l'apanage de Moscou : l'Inde.
La volonté américaine de favoriser l'émergence maritime de l'Inde vise à trouver un allié pour le contrôle de l'océan Indien. Le contexte de cette coopération débute par la fin de l'embargo, décrété au lendemain des essais nucléaires des 11 et 13 mai 1998, via la signature avec New Delhi de deux accords de partenariat dans le nucléaire civil (2006 et 2008). Ce climat appaisé offre de nombreuses opportunités pour soutenir l'émergence navale de l'Inde. Une première manifestation aurait été une éventuelle cession du porte-avions à propulsion classique Kitty Hawk (CV-63) à la marine indienne (2008) en l'échange d'une commande de 65 F/A-18 Hornet.
En 2015, l'affaire prendrait une ampleur moindre en volume mais plus efficiente sur le plan qualitatif. Un accord serait en discussion depuis plusieurs mois entre Washington et New Delhi pour la vente de technologies aéronavales à l'Inde. Il serait essentiellement question, depuis que la non-sélection du F-35 pour le MMRCA, du transfert technologique des catapultes électromagnétiques.
L'Inde rentrerait dans le cercle fermé des puissances maritimes bénéficiant (par vente, accord, traité, etc) de certaines capacités stratégiques développées et expérimentées par la marine américaine. Depuis peut-être bien plus d'un demi-siècle, la France est la seule nation à avoir acheté des catapultes à vapeur de conception et fabrication américaine. Depuis le dernier achat français (2007-2011), la fabrication de catapultes à vapeur est abandonnée au profit des nouvelles catapultes électromagnétiques. Les anciens rivaux du camp socialiste, la Russie et la Chine, n'ont toujours pas mis au point un équivalent à l'une ou l'autre des technologies de catapultes.
Les catapultes à vapeur sont à la portée de tous pays industriellement avancé. L'enjeu ne semble pas tant technologique que financier et temporel. Le coût du développement peut être mis en balance avec celui d'un autre programme, comme par exemple un aéronef spécialisé, souvent multiplicateur de forces du groupe aérien embarqué. L'installation du système prototype est coûteuse sur une coque qu'il faut disponible et toucher à la structure d'un navire (une fois ? plusieurs ?) est rarement indolore sur le plan financier.
La réception et maîtrise de cette technologie à son stade électromagnétique, développée et rendue opérationnelle pour l'US Navy (à bord du CVN-78), permettrait de faire naviguer une marine à
l'âge électromagnétique car l'architecture électrique doit suivre et être au diapason des exigences de cet équipement (un défi en soi). Cette modernité impacterait fortement la diplomatie navale indienne.
Les groupes embarqués de ces ponts plats ne seraient pas
sous les terribles contraintes d'une configuration STOBAR. L'INS pourrait s'essayer à des appareils "lourds" (de 25 à 37 tonnes) si les EMALS
sont autant capables que les catapultes à vapeur de 90 mètres. Ce qui change lourdement la donne aéronavale par rapport au rayon d'action du navire ou au volume de sa salve.
Le Vikrant est lancé et est achevé à flot. Le futur Vishal,
deuxième porte-aéronefs de conception nationale, n'est ni mis sur cale,
ni totalement arrêté dans les choix de ses capacités (son tonnage est
encore évolutif : 40 000, 65 000 tonnes ?). Il pourrait être à propulsion classique ou nucléaire et disposer de catapultes ou reprendre
la configuration STOBAR.
Ce
qui constitue une perspective où seuls les
États-Unis (F-18 E/F, F-35C) et la France (Rafale M) pourraient proposer
des avions catapultables à New Delhi, à moins que l'Inde mène avec
grand succès ses propres programmes. Resterait alors comme puissances
mis en face du défi technique la Russie (Su-33, Mig-29K, PAK-FA ?) et la
Suède (Sea Gripen ?). Il semble exclu que l'Indian Navy
s'approvisionne en Chine.
La marine indienne gagnerait alors probablement 5 ans, peut-être 10, voire plus, sur la Chine car :
Premièrement, même si l'ordre était donné dès aujourd'hui de refondre le porte-aéronefs chinois Liaoning avec des catapultes à vapeur, celles-ci demeurent à développer - et c'est peut-être déjà le cas.
Deuxièmement, c'est l'hypothèse où Pékin décide d'acquérir la technologie des catapultes électromagnétiques, très gourmande en énergie, et de l'installer sur son premier porte-avions, à peine mis sur cale. Le temps qu'il soit lancé (2017 ? Plus ?), son architecture électrique adaptée et que les essais soient effectués, il se passera encore quelques années (2023 ? 2025 ?) avant que le système ne soit opérationnel.
Pékin aurait un plan naval ambitionnant de se doter de quatre porte-avions à l'horizon 2030. Le premier est le porte-aéronefs Liaoning, le deuxième est mis sur cale, il pourrait être suivi d'une troisième unité reprenant les mêmes plans et le quatrième serait un pont plat à propulsion nucléaire.
Dans l'océan Indien, le
premier groupe aéronaval de l'Indian Navy se limiterait à deux
porte-avions à propulsion classique à configuration STOBAR, soit le Vikramaditya et le Vikrant, dépassant peut-être déjà la Chine, toujours en phase d'apprentissage. Le
potentiel deuxième groupe serait constitué du Vishal et peut-être d'une quatrième unité qui, si elles étaient mises sur cale avant 2025, pourraient donner un avantage stratégique à l'Inde sur la Chine en matière aéronavale d'ici à 2030 ou 2035.
Bien que dans le bilan général, la flotte rouge de Chine soit bien plus équilibrée que sa rivale indienne en matière de lancements d'escorteurs océaniques et de sous-marins, tant à propulsion classique que nucléaire.
Attention, l'emcat anglaise n'est pas une simple adaptation de l'emals, c'est un projet anglais concurrent et indépendant mené par converteam
RépondreSupprimerMerci pour votre précision, j'avais compris l'inverse. C'est retiré. L'EMCAT mériterait un article ;)
RépondreSupprimerJ'ai du mal à voir l'intérêt des catapultes électromagnétiques si elles sont plus gourmandes en énergie que les catapultes à vapeur. Oui, elles permettraient de lancer des avions plus lourds et de ménager les cellules des avions, mais est-ce un bon compromis vu leur consommation?
RépondreSupprimerC'est ma faute, je n'ai pas pris la peine de bien rédiger : les catapultes électromagnétiques sont plus gourmandes en en énergie électrique. Forcément me direz-vous, mais les technologies électromagnétiques exigent des usines électriques bien plus importantes que ce qui est utilisé aujourd'hui. Par exemple, j'avais lu que le CVN-78 utiliserait un coeur nucléaire pour la propulsion, l'autre pour l'usine électrique. Le Charles de Gaulle, c'est loin d'être une telle répartition.
SupprimerEn outre, les catapultes électromagnétiques iraient, si j'ai bien compris la réclame de l'US Navy, dans le sens d'un plus grand nombre de catapultages par tranche de 24h : soutien à la tendance d'augmentation du volume de la salve.
Il faut dire que les Ricains ont aussi leur champ électromagnétique destiné à protéger la coque qui doit tirer sur leurs réacteurs dopés à la dynamite.
SupprimerEst-ce que ces catapultes permettraient un plus grand nombre de catapultage? C'est possible. Mais le parc d'aéronefs à bord suivrait-il?
La pertinence de telles catapultes sur les navires américains est peut-être réelle du fait de leur taille et du nombre d'avions embarqués. Sur les navires Français, j'en doute. La consommation d'énergie me paraît démesurément supérieure à la technologie vapeur pour le moment. Mais peut-être que l'évolution de ces technologies permettra un meilleur rendement à moyen terme.
En revanche, cela pose la question du choix des catapultes sur un éventuel futur PA Français dans 10ans
N'oubliez pas que la France ne conçoit plus aucune sorte de catapulte et n'en produit aucune non plus. Les États-Unis ont arrêté la production en 2011 des catapultes à vapeur, nous n'aurons pas le choix, à moins d'acheter à la Russie ou à la Chine, ou encore des catapultes d'un porte-avions en désarmement, pour nous fournir à l'avenir : catapultes électromagnétiques.
RépondreSupprimerLa production de vapeur n'est pas une mince affaire pour des bateaux dépourvus de propulsion en produisant. Sur le PA2 version CVF-FR, il était prévu d'installer une unité de production de vapeur car les CVF sont des navires tout électrique à première vue.
Vous avez raison. D'un autre côté, je ne voulais même pas envisager un porte avion qui ne soit pas nucléaire, ne serait-ce en raison de la logistique beaucoup plus lourde lorsqu'il faut ravitailler un tel navire en pétrole
SupprimerAu regard des observations faites pendant les premiers essais à la mer du Charles de Gaulle dans le Golfe de Gascogne, oui, il semblait évident qu'une propulsion nucléaire était terriblement moins lourde sur le plan logistique. Mais les derniers commentaires de Coutau-Bégarie (L'Océan globalisé, par exemple) laissent entendre une forte relativisation de ce facteur. Il va falloir y revenir...
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