Nous avons eu le plaisir de lire la prose du chef d'état-major de la Marine, l'Amiral Cabanier (1er juillet 1960 - 1er janvier 1968) dans la revue de l'ACORAM : Marine (n°43, avril 1964, pp. 41-46). Ce sont des extraits d'une allocution prononcée par le CEMM devant le Syndicat de la Presse maritime au cours d'un déjeuner (17 octobre 1963).
L'Amiral Cabanier expose la politique navale qu'il entend continuer à mener selon trois principes fondamentaux :
- la dissuasion ;
- la défense proprement dite du territoire national ;
- l'intervention en Europe et dans le monde.
Concernant cette première fonction stratégique, l'Amiral pose les facteurs qui structurent le choix, pour paraphraser une expression plus actuelle, du Futur Moyen de Dissuasion.
De 1956 à 1958, la première tentative de construction d'un sous-marin à propulsion atomique est un échec. Le Q244, conçu autour d'un réacteur à uranium naturel et eau lourde, ne peut supporter une centrale aussi volumineuse et sa construction est finalement arrêtée, faute d'uranium enrichi, demandé aux États-Unis d'Amérique.
Le retour aux affaires du général Charles de Gaulle est celui de la décision de poursuivre et d'achever la mise en place d'une dissuasion nationale. C'est en raison de l'échec précédent qu'une délégation est envoyée, sur décision du Président de la République, aux États-Unis pour demander de l'uranium enrichi. En conséquence de quoi le principe de la construction d'un Sous-marin Nucléaire Lanceur d'Engins (SNLE) est arrêté puisqu'un tel vaisseau est prévu dans la loi programme de 1960-1964. La coque du Q244 servira à fournir des éléments pour la construction du Gymnote, banc d'essais pour l'embarquement de missiles balistiques pour le Q252, futur Le Redoutable.
De 1956 à 1958, la première tentative de construction d'un sous-marin à propulsion atomique est un échec. Le Q244, conçu autour d'un réacteur à uranium naturel et eau lourde, ne peut supporter une centrale aussi volumineuse et sa construction est finalement arrêtée, faute d'uranium enrichi, demandé aux États-Unis d'Amérique.
Le retour aux affaires du général Charles de Gaulle est celui de la décision de poursuivre et d'achever la mise en place d'une dissuasion nationale. C'est en raison de l'échec précédent qu'une délégation est envoyée, sur décision du Président de la République, aux États-Unis pour demander de l'uranium enrichi. En conséquence de quoi le principe de la construction d'un Sous-marin Nucléaire Lanceur d'Engins (SNLE) est arrêté puisqu'un tel vaisseau est prévu dans la loi programme de 1960-1964. La coque du Q244 servira à fournir des éléments pour la construction du Gymnote, banc d'essais pour l'embarquement de missiles balistiques pour le Q252, futur Le Redoutable.
1960 est aussi l'année où l'administration Eisenhower propose aux alliés de l'OTAN la mise en place d'une force nucléaire multilatérale, via la mise à disposition de SNLE équipés du missile Polaris. La proposition se concrétise quand, face à l'abandon de l'engin Skybolt par les États-Unis, Londres, qui participait au programme, se trouve face à trois choix : assumer la moitié des dépenses de développement de ce missile, l'abandonner ou demander la fourniture de SNLE à fusée Polaris. Ce seront les accords de Nassau (21 décembre 1962) qui lient l'existence d'une dissuasion océanique anglaise à celle des États-Unis.
L'Italie semble se joindre au projet car le croiseur Giuseppe Garibaldi a été modernisé au tout début des années 1960 avec une rampe double d'engins Terrier et
quatre silos pour missiles
balistiques Polaris. Cela demeure le seul Croiseur Lance-Engins connu à ce jour. La Marine militare justifiait ce choix d'un navire de surface par le fait que la Méditerranée était un lac otanien.
L'Amiral Cabanier s'exprimait à ce sujet d'une déclinaison française du choix italien. Il souligne le problème politique de la mise en œuvre d'un tel moyen de dissuasion dans un Atlantique alors que le problème politique de qui décide n'est pas réglé.
Concernant le choix d'un navire de surface, le CEMM compare les qualités et les défauts des deux solutions, de surface et sous-marine. Le manque de discrétion, la vulnérabilité et le besoin d'une escorte
nombreuse condamne selon lui le choix d'un navire de surface qui ne peut
se soustraire, contrairement à un sous-marin à propulsion atomique, aux
besoins des diverses servitudes logistiques. Il explique même qu'un tel navire lance-engins de surface devrait s'insérer au sein d'une force de surface Polaris, constituée de navires à propulsion atomique.
Il considère donc que la mise en œuvre par un navire sous-marin demande
nettement moins de moyens puisque l'escorte et l'éclairage se résume aux
phases de rentrée et de sortie du SNLE. Tout comme selon lui la crise de Cuba (14 - 28 octobre 1962) montrait la complémentarité des forces conventionnelles et nucléaires. L'emploi de ces premières avait, selon lui, limité les risques d'une guerre. Le blocus a donc découragé l'URSS de poursuivre cette entreprise. Et, toujours selon l'Amiral, ce même épisode motivait Moscou a recherché de nombreuses bases outre-mer pour gagner de la liberté d'action. C'était ne pas pas pouvoir compter sur un autre lac otanien puisque entre la portée limitée des fusées et l'expansionnisme naval soviétique, d'ores et déjà perceptible, il n'y avait plus d'espace.
Nous pouvons, toutefois, nous laisser aller à imaginer un Moyen Océanique de Dissuasion qui ne soit pas un SNLE. Dans l'hypothèse où la direction de la France aurait trouvé un juste mais difficile milieu entre le lancement d'une force de dissuasion nationale et la participation au couplage transatlantique via une force multilatérale, non-déterminante ni totalement engageante pour Paris afin de conserver notre liberté de décision.
Moyen de Surface de Dissuasion
Moyen de Surface de Dissuasion
Dans cette optique, il y avait quatre navires de disponibles pour embarquer des silos pour missiles Polaris : les cuirassés Richelieu et Jean Bart et les croiseurs Colbert et De Grasse. Par rapport au propos de l'Amiral Cabanier, nous pouvons imaginer ce qui aurait pu recouvrir une telle force :
- les deux cuirassés auraient pu embarquer des rampes Terrier, en attendant le Masurca pour la lutte anti-aérienne de zone, voire une renaissance du Masalca (MS-12 à MS-15) ou l'adoption du RIM-8 Talos (185 km) ou du RIM-50 Typhoon (370 km) pour les interceptions à longue portée. Sans compter un aboutissement du projet Malaface (avec réacteur Marboré) afin de disposer d'une capacité anti-navire à longue portée (>800 km). Ce qui nécessitait dans pareil cas un aéronef pour l'éclairage. Les deux navires auraient pu accueillir pareil armement.
- Les deux croiseurs auraient pu servir d'escorteurs océaniques, portant eux-aussi des systèmes Terrier ainsi que des Malafon pour la lutte anti-sous-marine avec, pourquoi pas, un sonar remorqué tel celui prévu pour les F67.
- En tous les cas, le croiseur à propulsion nucléaire était un projet de l'Amiral Nomy, les frégates lance-engins était dans son esprit un navire transitoire avant ces bateaux.
L'ensemble de l'escadre aurait pu recevoir la propulsion atomique expérimentée à terre (réacteur PAT) pour Le Redoutable. Ce qui aurait supposé une lourde décision que d'engager de telles sommes pour ces réacteurs et ces armements pour des navires pour lesquels il fallait espérer 20 à 30 années de service pour espérer rentabiliser l'effort. Sachant qu'il était déjà bien difficile d'installer suffisamment d'engins tactiques sur les escorteurs et autres.
Ce projet n'aurait jamais vu le jour puisque la mise en place de la force de dissuasion par SNLE se fera en gageant les crédits des forces navales conventionnelles. Le PA58, porte-avions stratégique porteur de Mirage IVM, n'avait jamais reçu de crédits pour cette raison.
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