Nous achevons nos quelques divagations sur l'agriculture, en particulier en France. Tentons, non pas une synthèse, mais un cas pratique bien typique de nos propos habituels. Quelques français s'interrogeaient, dont l'Amiral Raoul Castex, sur le devenir du pays en cas d'invasion de sa partie métropolitaine. Ce qui s'était produit entre 1940 et 1944. Ce qui aurait pu se produire pendant le conflit Est-Ouest (1947-1991) alors que le réseau Stay Behind n'aurait pas remplacé un nouveau paradigme politique français. L'agriculture comme facteur de la puissance archipélagique française ?
Accepter
la géographie de son pays n'est pas une chose si aisée. Bien des
personnes se complaisent à croire que la France est un hexagone.
D'autres répondent que les « territoires français d'Europe » forment,
effectivement, une telle figure géométrique à six côtés.
Mais, poussant plus loin le regard sur la carte, ils ne peuvent
s'empêcher de montrer que la France est un Archipel présent sur tous les
océans ou presque (manque l'Arctique), sur tous les continents ou
presque (manque l'Asie). Le barycentre de cette construction politique
(et même démocratique car bien des îles ont voté une fois, voire deux
fois, leur rattachement à la France) serait l'île de la Réunion.
Cette géographie particulière implique des conséquences très pratiques sur l'agriculture nationale. La plus fondamentale est que nous avons à penser notre rapport à l'agriculture, celle-ci comprenant aussi bien le travail de la terre que l'élevage, la pêche ou l'élevage d'espaces maritimes, dans l'ensemble des territoires et espaces sous souveraineté française.
Une autre de ces conséquences est qu'il s'agit de penser et d'encadrer une agriculture qui n'est pas une mais plurielle. Réfléchir à l'avenir de l'agriculture dans le territoire métropolitain dans le cadre de la Politique Agricole Commune est une sinécure quand il est question d'envisager que, en réalité, le problème est bien plus complexe. Quel rapport entre l'agriculture industrielle des plaines d'Europe avec les sols des Antilles, de Guyane, de l'océan Indien, de la Nouvelle-Calédonie ou encore de la Polynésie ?
Cela revient à questionner la centralité de l'Etat en matière de direction de "la" politique agricole française. Qui décide ? L'échelon central ? Les DROM-COM ?
Proposons l'hypothèse d'une rupture des communications totale ou partielle entre toute ou partie de l'Archipel France ou entre celui-ci et l'extérieur. C'est-à-dire prenons l'hypothèse d'un blocus ou d'un embargo plus ou moins bien assuré. Dans cette perspective, nous retrouvons les questionnements de Camille Rougeron. Il nous faudrait répartir l'effort agricole sur les sols disponibles les plus propices. Mais également développé une agriculture vivrière dans les îles sous blocus. Cela impliquant que l'agriculture vivrière des Antilles n'est pas celle de la Polynésie ou d'Europe.
Nous aurions alors à repenser notre relation à l'agriculture industrielle afin de satisfaire la sécurité alimentaire des populations pouvant être jointes par nos échanges maritimes. Il nous faudrait autant répartir notre effort industriel que, pourquoi pas ?, être amené à prendre le rôle de l'acteur en déficit de terres arables et donc en acheter ou en louer sur quelques continents.
Le caractère archipélagique nous offre une profondeur stratégique d'ampleur planétaire. Toutefois, elle repose sur nos efforts maritimes afin d'assurer notre capacité à utiliser la Mer, à la manière dont Julian S. Corbett conceptualise la stratégie maritime. Notre puissance maritime devrait alors pouvoir s'exercer autant par l'activité de notre flotte de pêche que la protection de nos sites d'élevages en pleine mer, nos moyens de récolter des plantes maritimes que par la sûreté de nos échanges.
Sans capacités aéromaritimes et anti-sous-marines pour défendre notre utilisation de la Mer, son usage nous serait dénié alors toute ou partie de nos territoires tomberait siège après siège, ou, blocus après blocus.
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