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Robert Dumas (Robert Dumas, « "Les cuirassés "Dreadnought" en France de 1907 à 1921 - Première partie », La nouvelle Revue maritime, n°398, janvier-février 1986, p. 123) citait l’existence d'un type de cuirassés envisagé par l'État-Major Général (EMG) de la Marine nationale après la Grande guerre (28 juillet 1914 - 11 novembre 1918) d’un déplacement donné pour 40 000 tonnes, sans que ne soit précisé s’il était « lège » ou « à pleine charge ». Les habitudes sémantiques invitent à croire qu’il était lège. La signature du Traité naval de Washington (voir, par exemple, à ce sujet : Hervé Coutau-Bégarie, Le Désarmement naval, Paris, Économica, 1995, 352 pages) au terme de la conférence éponyme (12 novembre 1921 au 6 février 1922) devait, de facto, clore ce programme : serait-ce lien entre les classes Normandie (5) et Lyon (4) et les 35 000 tW ?
Le plan naval de 1912, fort de 28 cuirassés, était révisé afin d’être augmenté dans l’optique de comprendre jusqu’à 29 cuirassés : soit deux armées navales. Il devait se composer des cuirassés des classes :
- Patrie (2), Liberté (4 puis 3 : la Liberté fut perdue le 25 septembre 1911), Danton (6), Courbet (4) et Bretagne (3) ;
- Normandie (4 puis 5 avec la révision du plan naval) et Lyon (4) à construire.
Soit 27 cuirassés. Il manquait donc deux unités afin d’ajuster le nombre d’unités à construire aux objectifs du plan naval de 1912.
La Marine nationale remplissait parfaitement rempli son rôle au cours de la Grande guerre (28 juillet 1914 - 11 novembre 1918). L'accord naval franco-britannique de 1912 attribuait la responsabilité de conserver la maîtrise de la mer en Méditerranée face aux armées navales de la « Triplice » des empires centraux (Empire d’Autriche-Hongrie, Empire d’Allemagne et Italie). Mais le conflit n’apportait pas la bataille navale décisive tant espérée et fut l’objet de menaces nouvelles constituées par la lutte « aéro-sous-marine », selon l'expression de l'Amiral Barjot.
En 1918, tous les cuirassés « pré-Dreadnought », c'est-à-dire dépourvus d'une artillerie principale mono-calibre et d’une conduite de tir centralisée servie par un télémètre, sont totalement obsolète du point de vue des fonctions feu, mobilité et protection. Ils seront déclassés puis désarmés. Seuls survivront les Condorcet (1911 - 1931), Diderot (1911 - 1936) et Voltaire (1911 - 1935) de la classe Danton (6) qui survivront, en particulier au profit des écoles à partir de 1927, jusqu'en 1935.
Les survivants de la Grande guerre et appartenant aux « Dreadnought » sont issus des classes Courbet (Courbet (1911 - 1944), Jean Bart (1911 - 1946), Paris (1912 - 1956), France (1912 - 1922) et Bretagne (Bretagne (1913 - 1940), Lorraine (1913 - 1952), Provence (1913 - 1942).
La construction des classes Normandie (5) et Lyon (4) a été abandonnée.
La classe Normandie, dont les cinq cuirassés furent tous mis sur cale mais dont la construction fut suspendue dès 1914, aurait pu bénéficier d’un achèvement, total ou partiel, après révision des caractéristiques opérationnelles par l’état-major général de la Marine nationale. Les constructions navales présentaient le 22 novembre 1918 un avant-projet de modifications. L'EMG n'y répondait pas favorablement et demandait, en retour, des modifications architecturales majeures autour des trois principales fonctions :
- feu (une artillerie « plus puissante » que le canon de 340 mm de 45 calibres modèle 1912 initialement envisagé),
- vitesse portée à 26, voire 28 nœuds en lieu et place des 21 envisagés à l’origine,
- protection (ceinture cuirassée, protections horizontales et verticales contre les obus plongeants et les bombes lancées par avion).
Un autre plan d'achèvement envisagé cohabite pendant ces mêmes discussions et se limitent à des modifications à la marge. Après quelques discussions et échanges supplémentaires, le Service technique arrivait à répondre à la première demande au prix d'un allongement de la coque de 15 mètres. Toutefois, la complexité et l'ambition du projet voyait les services mettre en garde l'EMG contre une reconstruction aventureuse. Le changement de chef au sommet de l'EMG, départ de l'Amiral de Bon (10 mars 1916 - 15 avril 1919) et arrivée de l'Amiral Ronac'h (16 avril 1919 - 3 février 1920), scellait le sort des Normandie (5) : le 18 avril 1922 leur achèvement est définitivement abandonné.
Un projet de loi, déposé le 13 janvier 1920, contenait un plan naval conçu par Georges Leygues alors ministre de la Marine (1917 - 1933), malgré quelques intermittences. Il a été débattu au Parlement sans avoir été approuvé par lui et donc rejeté de facto. C'est pourtant ce plan naval qui guidera la reconstruction de la Marine nationale jusqu'au début des années 1930, période au cours de laquelle Georges Leygues sera ministre de la marine presque de façon continue, et dont la priorité fut la reconstruction des forces navales légères (330 000 tonnes de torpilleurs, contre-torpilleurs et croiseurs et 90 000 tonnes de submersibles). Priorité accentuée après le Traité naval de Washington (6 février 1922). C’était une raison supplémentaire de l’abandon de l’achèvement des cuirassés de classe Normandie (5).
Robert Dumas précisait que, en sa séance du 30 septembre 1920, le Conseil Supérieur de la Marine (CSM) envisageait la construction de onze cuirassés de 40 000 tonnes. Le programme était à exécuter entre 1926 et 1940. « Aussi, en vue de mettre en route les études préparatoires, E.M.G.1 indique dans une note du 14 janvier 1921 : « qu'il convient d'avoir à tout moment un avant-projet de ce type de bâtiments. » (Robert Dumas, « "Les cuirassés "Dreadnought" en France de 1907 à 1921 - Première partie », La nouvelle Revue maritime, n°398, janvier-février 1986, p. 123).
Le passage des 29 000 tonnes lèges des Lyon (4) aux 40 000 tonnes lèges de ces 11 cuirassés invite à considérer l’hypothèse d'un « type 40 000 tonnes ». Il aurait été divisé entre deux ou plusieurs classes de trois à cinq cuirassés afin d’étaler les progrès techniques par « pallier ».
Les caractéristiques envisagées pour ces cuirassés ne sont pas précisées dans l'article de Robert Dumas. Mais il est possible de restreindre les hypothèses à partir des caractéristiques connues des projets d’achèvement des cuirassés de la classe Normandie (5) :
L'ambitieuse reconstruction envisagée en 1920 sous la férule de l'Amiral de Bon laissait entrevoir une vitesse de l’ordre des 26 ou 28 nœuds. Par ailleurs, tous les développements ultérieurs voyaient Paris rarement viser sous les 30 nœuds, voire 35.
L'artillerie principale considérée aurait été supérieure au canon de 340 mm de 45 calibres modèle 1912. L'Empire britannique et l'Allemagne employaient le 380 mm dès l'année 1912. L'Italie l’adoptait en 1914. Le Japon et les États-Unis en étaient d'ores et déjà au 406 mm dès 1916.
Il est à rappeler qu’il avait été envisagé le canon de 380 mm de 45 calibres (1913) pour la classe Lyon (4) avant que l’état-major général ne retienne des tourelles quadruples portant le canon de 340 mm de 45 calibres modèle 1912 parmi les variantes proposées et décide de renvoyer le 380 mm à une classe ultérieure et donc postérieure aux Lyon.
Les archives contenues dans l'inventaire de la série 2i7 du fonds des archives de la Direction des constructions navales de Ruelle mentionnent plusieurs calibres mis à l’étude dont le canon de 370 mm de 45 calibres (1912), le canon de 380 mm de 45 calibres (1913).
Les tourelles triples et quadruples furent étudiées par la Marine nationale à partir de 1907. Et eu égard aux classes Normandie (5) et Lyon (4) devant porter des canons de 340 mm de 45 calibres modèle 1912 en tourelles quadruples, il ne serait guère surprenant que le cuirassé de 40 000 tonnes adopte ce même choix architectural.
Le déplacement de 40 000 tonnes envisagé s'explique alors aisément par le rapport entre le calibre qui a été envisagé pour ces cuirassés et sa protection qui n’aurait pu être qu’en rapport : c’est-à-dire conçu pour le protéger d’obus issus de son propre calibre.
Article intéressant, j'ignorai une telle ambition de la part de la Royale à la fin du conflit
RépondreSupprimerC'est assez comparable aux plans de l'EMM en 1945, ce qui permet d'apprécier à près de vingt années d'intervalle qu'il s'agit d'ordonner l'effort à produire en vue de réaliser un plan naval autour d'objectifs mobilisateurs.
SupprimerD'abord, mes félicitation pour cette illustration colorisé du Jean-Bart : Du grand art !
RépondreSupprimerEnsuite, j'avoue mon trouble depuis que j'ai lu sur le site US "naveweaps" que nos fameuses tourelles quadri-tubes induisaient une dispersion dramatique à 25 000 m.
Cela laisse entendre que personne n'avait eu l'idée d'en essayer une à terre, pour le moins un manque de rigueur.
Maintenant, autre étonnement : Nous fabriquons des canons de 340 mm en 1914 et nous revenons au 330 mm avec les Dunkerque, mais les obus sont plus puissants.
Nous ne sommes pas les seuls, les Britanniques passent du 406 mm du Nelson au 356 mm du Prince of Wales.
Cela suggère que le calibre ne fut pas toujours l'argument clé.
Cher Drix,
RépondreSupprimerC'est grâce au forum "Marine forum" que j'ai pu découvrir le travail de ce japonais. Le lien (dans le nom de l'auteur en légende à la photographie colorisée) est à suivre puisque de très nombreuses photographies sont colorisées sur le site.
Oui, il est vrai que nos tourelles quadritubes connaissaient une très forte dispersion, et d'après mes lectures, ainsi que ma mémoire, cela concernerait aussi bien le 330 que le 380. Il me semble que ce n'est qu'en 1944 ou 1945 qu'une solution est trouvée par le tir en décalé (un dixième ou centième de seconde) de chaque demi-tourelle pour éviter que le sillage de chaque obus perturbe son voisin.
Je n'ai pas la moindre idée sur le pourquoi du comment étaient développés les tourelles. Il y aurait peut-être quelques travaux à mener spécifiquement sur ce sujet. Ces problématiques me sont presque inconnues, depuis les études jusqu'aux essais en passant par les défis industriels.
Pour le 330mm, oui, c'est un retour en arrière mais qui s'explique par la dynamique initiée par la conférence de Washington (1922). Dans un premier temps, le tonnage maximum est limité au 35 000 tW avec du 406 mm. Puis, dans la lignée et la suite de la conférence de Londres, l'Empire britannique souhaitait encore abaisser le calibre jusqu'à 330 mm. La France suivait en espérant quelques gains diplomatiques alors que les Dunkerque et Strasbourg devaient surtout contrer les deux nouveaux cuirassés allemands en plus des "cuirassés de poche". Par contre, je n'ai pas encore trouvé s'il était possible de refondre l'artillerie principale. A la lecture des écrits de Robert Dumas, il est bien dit que le tonnage arrêté pour les Dunkerque et Strasbourg est bien le minimum afin de porter du 330.
Bien cordialement,
Cher Marquis,
Supprimersi mes souvenirs sont exacts, le temps de latence entre les 2 moitiés de la salve d'une tourelle quadruple du Richelieu était de 6 centièmes de secondes (ou 60 millièmes).
La dispersion latérale moyenne passait alors de ~600 m à moins de 300 m.
D'après ce que j'ai lu sur la Bataille du Cap Matapan entre Italiens et Britanniques, ces derniers ont cru que les artilleurs du croiseur lourd Zara étaient ivres. Mais, si vous regardez les tourelles de 203 de ce croiseur, vous verrez que les 2 canons y sont quasi jointifs...
Nous avions eu aussi des problèmes sur les tourelles des Dantons lors des salves de tout le navire...
Cher Drix,
RépondreSupprimerVous devez vous rapprochez d'assez près de la vérité. C'est assez surprenant, je le redis, que la concentration de l'attention de Défense nationale sur la précision des cuirassés n'ait pas été bien plus forte alors que c'était la clefs de leur crédibilité opérationnelle. Ce serait comme si les SNLE, aujourd'hui, n'avaient pas à prouver la qualité de leurs moyens de navigation et la précision de leur frappe.
Je ne savais pas du tout pour les Zara - très belles unités -, merci. Est-ce à dire qu'il faudrait investiguer les pièces de 130 des Dunkerque et Strasbourg ?
Sur les Danton ?
Cordialement,