Aujourd'hui, il n'est pas question d'écrire de manière partisanne
sur les résultats des élections européennes. Mais, plusieurs choses
retiennent l'attention sur la place de la France en Europe.
Dans la sphère des perceptions, les résultats des élections
européennes de 2014 sont source d'enseignements.
Entre parenthèses, suis-je le seul à noter que le parti arrivé en
tête au Parlement européen ne dispose que d'une majorité relative et que
la moindre coalition à la gauche de l'échiquier
politique européen suffirait pour gouverner ?
La leçon la plus importante dans ce domaine est que les résultats français sont, manifestement, le
sujet de discussion en Europe. Que ce soit sur les réseaux
sociaux, que ce soit dans la presse, que ce soit dans la rue, l'Europe
entière s'intérese au scrutin français.
Le deuxième enseignement qui découle du premier, c'est qu'il y a un
rôle reconnu à la France. Le renouveau du désir d'insularité anglais ?
Les succès de l'Allemagne ? Le lien transatlantique ?
Non, c'est la France qui a voté et dont on attend des choses.
Incroyable ? Pas une seule fois on nous a présenté une France en déclin,
sortie de la route. Non, l'Europe regarde une France en
mouvement qui a donné une parole qui surprend les peuples européens.
Troisième chose, c'est la manière dont les européens perçoivent la
France. Les réactions qui ont été glanées par la presse montrent une
certaine idée de la France. La France arrogante, qui donne
des leçons au monde ? Quelque soit la véracité de cette image, c'est
justement celle-ci qui est réclamée par les européens : une France
modèle ! Ils veulent cette France. C'est exactement dans
cette image que cite Joann Sfar à propos de Romain
Gary quand "Pendant la guerre, sa mère disait: «La France gagnera la guerre parce que c'est la France.»"
Quatrième chose, l'Europe est de facto en crise : il y a un
découplage magistral entre Londres, Paris, Berlin et Moscou. La manière
dont agit politiquement l'Union européenne n'est pas tenable.
C'est le moment habituellement opportun dans la construction
européenne pour des réformes décisives.
Les situations monétaire, financière et économique, leur
intrication, sont intenables. La question de la gouvernance de la zone
euro, des exigences de la monnaie unique, des dettes européennes et
des eurobligations vont revenir avec force sur le devant de la
scène.
De même, peut-être avez-vous noté que le député Laurent Wauquiez s'est prononcé pour une Europe en cercles concentriques :
- d'une, beaucoup d'hommes et femmes politiques français se
déclarés favorables à cette structure de l'intégration de la France en
Europe, droite comme gauche. Ce qui ne peut que surprendre
quand on voit comme les propositions de l'homme ont été rejetées,
parfois avec violence.
- Ensuite, notons que dans ce modèle, peu de responsables
politique se prononcent sur le "quatrième cercle" : un espace
pan-européen qui rencontrerait les aspirations profondes de la
diplomatie
russe. Vers la fusion de l'OCDE et du Conseil de l'Europe ?
Enfin, nous serions toujours dans une grave crise des fondements. Le
général Poirier utilisait cette expression à l'endroit de la stratégie
nucléaire au sortir de la Guerre froide. Aujourd'hui,
en France, nous pouvons observer que les notions les plus
fondamentales perdent leur sens. Certaines, comme "puissance", sont
malmenées. A ce sujet, il y a cet excellent article de Benoist Bihan.
Vous souvenez-vous du projet géopolitique de l'Archipel France qui
n'est antagoniste du précédent ? Pareil, zéro investissement.
Vous souvenez-vous du projet géopolitique de la Francophonie, qui
n'est pas, encore une fois, antagoniste des deux précédents ?
Trois échecs géostratégiques. C'est drôle de remarquer que à chacun
de ces projets correspondent les ministères (des affaires européennes,
de la mer et de la Francophonie) les plus malmenés
depuis 30 ans...