© Piriou. La proposition de Kership (Pirou et DCNS) pour le marché des trois B2M. |
C'est officiel, la DGA lance un nouvel appel d'offres pour le programme BSAH. Le Partenariat Public-Privé a échoué (il était évoqué une enveloppe d'un milliard sur "x" années pour huit navires, raison de l'échec de la formule) et cela n'inquiète pas outre mesure pour un projet immobilier situé dans Paris intra-muros (car derrière les murs, les barbares).
Première surprise, la commande est réduite à 8 unités. C'est donc la démonstration que le problème n'est pas tant le coût unitaire de production (de l'ordre d'une trentaine de millions d'euros pour les B2M) que la taille de la série de bateaux à produire. Une série trop longue de navires nuit aux finances publiques, peu importe que ce soit une FREMM à 710 millions d'euros (Cour des comptes, 2010) ou des B2M/BSAH à environ 30 millions d'euros l'unité.
Autre surprise, le financement interministériel qui
était envisagé pour les B2M, qui n'a pas été assuré par les autres
ministères, n'est même pas envisagé pour les BSAH.
Le législateur pourrait, peut-être, envisager la
conclusion des nombreux échecs de ce type de financement (en sus de
l'incapacité d'une administration centrale à fournir du
carburant à quelques bateaux) qu'il y a matière à prendre des
"mesures de simplification administrative" en matière d'Action de l'Etat
en Mer.
Lignes de
Défense fait connaître les termes du nouvel appel d'offres
(puisque ni le site du ministère de la Défense, ni les "rubriques" DGA
et Marine ne le font). Les capacités et caractéristiques
demandées sont les suivantes (et elles sont comparées à celles du B2M de Kership dont la description est
dans cet article de Mer et Marine dont les citations sont extraites) :
BMM | BSAH | CORRESPONDANCE | ||
"Commandés à trois exemplaires, avec une option pour un quatrième pouvant être affermie avant 2018, les B2M vont remplacer les bâtiments de transport léger (Batral) du type Champlain". | "Quatre bâtiments militaires de soutien et d'assistance hauturiers (Bsah) neufs". | O | ||
"Avec une coque en acier". | O ? | |||
" A cet effet, leur vaste plage arrière pourra accueillir des conteneurs, manutentionnés à l’aide d’une grue d’une capacité de 12 tonnes à 14 mètres (ou 10 t à 17 m). Ils embarqueront également un petit chaland de débarquement de 8 mètres, qui pourra déposer à terre du matériel et du personnel". | "Une zone particulière de superstructures blindées, destinés à réaliser des missions variées telles que la surveillance et le contrôle en haute mer, le soutien aux Sous-Marins Nucléaires d'attaque (Sna), la lutte antipollution". | O ? | ||
"A cet effet, ils seront équipés de moyens de lutte contre les incendies et pourront remorquer d’autres bateaux, avec une capacité de traction au point fixe de 30 tonnes". | "Une capacité de traction d'au moins 80 tonnes Bollard Pull (t Bp)". | O | ||
"Pourra assurer un positionnement dynamique". | ||||
"Disposera d'installations pour le déploiement de capacités de communications civiles (fournies par le titulaire) et militaires (fournies par l'etat). Ces bâtiments auront des missions dont la durée pourra s'étendre jusqu'à 30 jours". | O ? | |||
"Longs de 65 mètres pour une largeur de 14 mètres, les B2M auront un tirant d’eau de 4.2 mètres". "Le déplacement lège sera d’environ 1500 tonnes et atteindra 2300 tonnes en charge". |
"A titre indicatif, le BSAH, d'une longueur de l'ordre de 65 mètres", | O (!) | ||
"Armés par un équipage de 20 marins". "Les B2M seront d’ailleurs en mesure de projeter une petite force de 20 personnes avec armes et munitions". |
"Armé par un équipage de 17 personnes, aura une capacité d'accueil de 12 personnels spéciaux". | O | ||
"Dotés d’une propulsion classique avec deux lignes d’arbres, les B2M pourront atteindre la vitesse de 15 nœuds". | "Une vitesse de l'ordre de 14 noeuds". | O | ||
"Le maintien en condition opérationnelle (MCO) de chaque bâtiment pour une durée de six ans". | "Assurer le maintien en condition opérationnelle de ces bâtiments pour une durée de l'ordre de cinq ans". | O ? |
C'est bel et bien le "O" de "OUI".
Le lecteur, à l'instar du blogueur, sera peut-être
émerveillé par les "quelques correspondances" entre les termes de
l'appel d'offres pour les BSAH par rapport aux
caractéristiques des B2M de Kership.
Le point d'orgue de cette curieuse affaire a été
atteint quand l'appel d'offres précise que, à titre "indicatif" (!), le
navire aura une longueur de 65 mètres. Ah, c'est la DGA
qui détermine quelle longueur aura une coque ? Ne serait-ce pas le
rôle de l'industriel de proposer une solution adaptée aux capacités
demandées ? La DGA sortirait-elle de son rôle (ou
contredirait-elle sa raison d'être) ?
A moins que c'était possible de fusionner les programmes BSAH et BMM...
Mais non, si cela avait été le cas alors l'appel
d'offres ne demanderait pas un contrat de MCO de cinq ans alors qu'il
est de six ans pour les BMM.
Plus sérieusement, il manque une chose dans le bateau. C'est "assez"
dommage de ne pas la retrouver car c'est une capacité stratégique : les
BSAH doivent remplacer les RHM (Remorqueurs de Haute
Mer) Rari et Tenace. Et alors ? Ce sont deux unités (d'une classe qui comptait deux trois unités à l'origine avec le
Centaure) qui sont considérées comme des navires brise-glace de deuxième catégorie.
Ce qui revient à souligner qu'entre les déboires du Marion Dufresne, l'Astrolabe qui prend de l'âge chaque année, Le Malin qui
n'est pas plus capable d'opérer en zones polaires et les deux
derniers des trois brise-glaces qui vont quitter le service, les
capacités d'intervention de la France dans les pôles se
réduisent drastiquement à l'horizon 2020. Plus simplement :
- en 1999 la France avait à sa disposition 4 navires à capacité glace et un navire de soutien en zones polaires,
- en 2020 la France n'aura plus qu'un navire à capacité glace et peut être un navire de soutien en zones polaires.
Au final :
- il y avait six BATRAL et les neuf navires qui doivent être remplacés par les BSAH : 15 bateaux ;
- il y aura entre 7 et 8 BMM/BSAH.
- C'est donc une division du nombre de bateaux par deux.
- Et une réduction, pour ne pas dire une disparition, des capacités navales en zones polaires de la France.
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