© F. Legrand © Shutterstock. 22 août 2019, le
Président Emmanuel Macron accueillant le Premier Ministre Boris Johnson à
l'Elysée.
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Mme Alice Pannier retrace dans les
grandes lignes la coopération franco-britannique au prisme du partenariat franco-allemand, tout en proposant un premier
bilan des accords dits
de Lancaster House (2 novembre 2010). L'étude s'appuie sur une partie des travaux
produits dans le cadre de sa thèse (« Franco-British defence cooperation under
the Lancaster House Treaties (2010) : institutionalisation meets the challenges
of bilateral cooperation ») qui sera prochainement
publiée (Alice Pannier, Rivals in Arms: The Rise of Uk-france Defence Relations
in the Twenty-first Century, Québec, McGill-Queen's University Press, 2020, 272
pages). Il est à espérer une traduction française alors que se profile, comme elle l'annonce, un prochain
sommet franco-britannique à l'automne 2020.
Mme Alice Pannier dans « Complémentarité ouconcurrence ? La coopération franco-britannique et l’horizon européen de ladéfense française » (Focus stratégique, n° 96, IFRI, avril 2020) livre dès l'introduction un constat qui mérite une attention particulière car
il dresse succinctement une partie de la base de travail actuelle de la
relation franco-britannique :
« Du fait de sa situation particulière au sein de l’OTAN, entre 1966 et 2009, la France a été moins impliquée dans les liens militaires multilatéraux que les autres pays membres du commandement intégré de l’Alliance. Pendant cette période,la coopération de défense « a reposé dans une bien plus grande mesure qu’avec d’autres alliés sur des arrangements bilatéraux » qui ont été nombreux, bien que « peu connus et sans doute sous-estimés », rapportait la Chambre des Communes britannique en 1991. »
La séquence stratégique étudiée en particulier (2010 - 2020) encadre la rupture qui s'est produite par le vote du BREXIT au référendum de 2016 et des interrogations qui se font jour quant à la forme et aux moyens à donner à la poursuite de la coopération, plusieurs fois justifiée de part et d'autre de la Manche. D'où la problématique centrale, soutenue par deux grandes questions complémentaires :
« Tant le choc du Brexit depuis 2016 que l’avènement d’un nouvel exécutif français à l’été 2017 ont conduit Paris à œuvrer à un renforcement du lien franco-allemand dans le domaine militaire d’une part, et à la relance de « l’Europe de la défense » d’autre part. Quelles sont les perspectives pour la coopération franco-britannique et la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, maintenant que le Brexit est advenu ? En quoi la coopération franco-allemande diffère-t-elle de son équivalent franco-britannique, et peut-elle s’y substituer ? Enfin, quel rôle jouent les autres partenaires européens de la France dans la poursuite de ses objectifs stratégiques, en complément de la coopération avec les deux « grands » ? » (p. 10)
Pour tenter d'y répondre, la chercheuse offre au
lecture deux parties. Par la première, elle s'attache à développer La
coopération franco-britannique dans le cadre des traités de Lancaster House
tandis que la deuxième aborde la question de l'équilibrage deux partenariats
militaires majeurs : Entre Londres, Berlin et Bruxelles : les nécessaires
arbitrages français. L'ombre qui plane sur ces deux coopérations
bilatérales structurantes reste la relation entretenue par l'Allemagne et le
Royaume-Uni avec les États-Unis d'Amérique qui dimensionne les possibilités de
rapprochement et les points de divergence.
Cette première partie, en sa
première sous-partie, relate l'origine de la coopération
sanctionnée par la signature des accords de Lancaster House et dotée des deux
instruments qui sont un premier traité encadrant les différents projets et un deuxième traité servant à encadrer les questions relatives à la
coopération nucléaire.
Il est intéressant d'apprendre que cette dynamique aura exigée pas moins de deux années de
préparation pour parvenir aux accords et que des efforts ont été consentis des
deux côtés de la Manche, notamment financiers (missile ANL), pour donner corps à la
coopération. Certains apprendront peut être sous la plume
d'Alice Pannier que la coopération nucléaire semble avoir été moteur dans les
avancées obtenues au titre de la coopération. Et il se dessine qu'une coopération quant à certains efforts de recherche en matière de SNLE est possible.
La deuxième sous-partie dresse, justement, le bilan
entre les coopérations lancées et les résultats obtenus. En matière de
nucléaire militaire, le partage des efforts entre les deux pays consiste grandement dans l'érection d'infrastructures de recherche au titre de la simulation (Toutatis,
EPURE), la France en retirait des économies substantielles,
contrairement au Royaume-Uni car les gains ont été effacés par la non-maîtrise
dans la conduite des programmes. Il y a peut être là une divergence franco-britannique,
non-relevée, au sujet de l'influence politique de la maîtrise de l'atome quant
aux exigences sur le respect du calendrier. Et il y a tout lieu de penser que le partage de ce genre d'infrastructures est appelé à se développer, et pas seulement entre Londres et Paris. Le change aurait pu être donné avec, par exemple, l'institut Saint-Louis.
La question des déploiements souligne les avancées
concrètes obtenues, même si l'auteur relève, par exemple, qu'en ce qui concerne
les opérations extérieures des progrès substantiels peuvent encore être
enregistrés et les efforts mutualisés peuvent aller plus loin. La mobilisation de l'exemple espagnol au Mali relativise la participation britannique, bien que
l'effort consenti demeure remarquable.
Les développements relatifs à la CJEF constituent un des rares historiques de ce sujet. Il en ressort que la force est qualifiée pour
être employée dans le cadre d'un conflit de basse intensité mais que les
travaux consentis ont laissé apparaître que pour atteindre l'objectif
stratégique initial, c'est-à-dire entrer en
premier sur un théâtre dans l'hypothèse où Londres et Paris devraient agir plus
vite, si ce n'est seuls, des efforts supplémentaires devaient être consentis, sans oublier les lacunes opérationnelles identifiées en 2011 alors que toutes n'ont pas été comblées depuis. À
l'arrière-plan sont relevés les coûts de cette force en matière de préparation
opérationnelle et que ce qu'il convient d'appeler la planification politique n'a pas bénéficié des mêmes efforts, ce qui nuirait au recours à l'outil le moment idoine : même si l'intervention en Libye est un bon contre-exemple eu égard à la célérité de l'action franco-britannique.
Le propos au sujet de l'intégration de la filière
missile est aussi remarquable par l'historique offert au lecteur en ce qui
concerne la restructuration de MBDA. Néanmoins, il peut être regretté que
certaines questions ne soient pas abordées, notamment la question du missile de
croisière naval, de la défense anti-missile balistique et de ce que le
rapprochement franco-britannique dans MBDA suppose, ou non, vis-à-vis de
l'Italie qui est au risque de la marginalisation. Mais ces questions dépassent
probablement le champ de l'étude.
La deuxième partie de l'étude nous présente dans une
première sous-partie les échecs et périls liés au BREXIT. La problématique
aéronavale, bien que présentée avec objectivité, aurait probablement gagné,
notamment pour dédouaner la partie britannique accusée uniquement à charge en
France par d'autres plumes, aurait gagné à ce que soit précisé le pourquoi du
comment la France s'est embarquée (2000-2004) dans une coopération bilatérale
avec Londres : le Président Chirac cherchait à soutenir sa diplomatie au profit
de l' Europe de la Défense tandis que la Marine nationale trouvait là un
véhicule pour placer le PA2 pour lequel les études du Charles de Gaulle
n'étaient plus d'utilité.
Par contre, s'il y avait réellement eu une volonté de
coopération aéronavale entre Londres et Paris, autrement que par la simple
ambition des objectifs de Petersberg, c'est-à-dire l'acquisition de quatre
"porte-avions" (CATOBAR ?) alors il aurait pu être rappelé que le
porte-avions Charles de Gaulle est conçu pour, si besoin, recevoir une
catapulte à l'avant et rien n'interdit d'adapter le revêtement du pont d'envol,
par exemple à l'occasion d'un grand carénage (2017 - 2018 ?) afin qu'il puisse
mettre en œuvre des F-35. De la même manière, rien n'interdisait, non plus,
l'intégration d'une capacité CSAR à bord du porte-avions français. Dit
autrement, les deux partenaires ont vite abandonné une coopération mal-conçue.
Et de redécouvrir que le coût de refonte CATOBAR des
HMS Queen Elizabeth et HMS Prince of Wales est donné pour 1800 millions de
livres sterling (2012), soit 2397 millions d'euros selon l'inflation cumulée
jusqu'en 2019. Il se comprendre que dépenser 1199 millions d'euros par
porte-aéronefs, même pour en faire un porte-avions, soit un effort peut être
inatteignable alors. Mais ce sont des travaux prévus pour la refonte à mi-vie
des deux bateaux...
La question des SCAF, comme l'écrit si justement Alice
Pannier, offre une fois encore un historique salvateur de la question.
Néanmoins, certains ne suivront peut être pas la chercheuse quand elle relève
que la divergence des calendriers entre Londres et Paris quant aux successeurs
des Rafale et F-35 car, et il faut le rappeler, les affaires de
"générations" 4,5 pour l'un, 5 pour l'autre sont avant tout une
affaire de marketing. Et le Rafale F4 remettra une partie des pendules à
l'heure au milieu des années 2020.
En outre, la divergence française par rapport au reste de l'Europe est la composante aéroportée qui, à l'orée de l'année 2035, devra toujours mettre en œuvre un vecteur crédible, celui qui sera délivré par l'ASN4G. Par contre, oui, et là Alice Pannier est peut être trop aimable : à la lecture de l' « aventure » française en matière de drones au prisme de la relation franco-britannique : il y a matière à chercher, si ce n'est la cohérence, au moins les décisions...
En outre, la divergence française par rapport au reste de l'Europe est la composante aéroportée qui, à l'orée de l'année 2035, devra toujours mettre en œuvre un vecteur crédible, celui qui sera délivré par l'ASN4G. Par contre, oui, et là Alice Pannier est peut être trop aimable : à la lecture de l' « aventure » française en matière de drones au prisme de la relation franco-britannique : il y a matière à chercher, si ce n'est la cohérence, au moins les décisions...
La deuxième sous-partie de la deuxième partie débute
par un rappel historique, une fois encore, à la relation franco-allemande et
une mise en parallèle avec la relation franco-britannique. Les deux dynamiques
politico-stratégiques sont comparées. Il en ressort que la coopération
bilatérale avec Londres permet à Paris de coopérer quant à l'entretien
d'instruments de souveraineté, dont le nucléaire, et à leur mise en œuvre par
l'entraide dans le maintien de capacités d'interventions. Mais, et paradoxalement,
c'est avec l'Allemagne que sont menés les plus ambitieux projets industriels,
malgré des divergences stratégiques non-résolues (politique étrangère et donc
contrôle de l'exportation de matériels de guerre) et qu'est entretenue une
force permanente commune - la brigade franco-allemande - dont l'utilité est
politique mais opérationnellement inutile.
La conclusion est très intéressante car, tout au long
de l'étude, l'auteur a su montrer grâce à une mobilisation pertinente de la
coopération franco-allemande mise en miroir, que les deux coopérations
bilatérales tendent à se rejoindre car, d'une part, la coopération britannique
est appelée à se poursuivre et que le BREXIT en ferme pas la porte à
l'association du Royaume-Uni aux coopérations structurées permanentes et l'Initiative
européenne d'intervention (IEI). Du côté allemand, la position exprimée à
la Conférence de Munich sur la sécurité en 2014 tarde à se matérialiser sur le
terrain mais les Allemands paraissent enclins à relever le défi.
Et il ressort des commentaires de la chercheuse, soulignant notamment les réussites (CJEF) et les échecs (PA2) que la création d'une force militaire suppose des efforts de planification opérationnelles mais aussi industrielles et donc le respect de normes (de l'OTAN ?) et une convergence matérielle à observer. Il y a un sujet autour de la JEF, la CJEF, IEI et la NRF. Cela conduit tout naturellement à la question d'un état-major... La France accumule les dispositifs mais ne parvient pas à obtenir une avancée décisive pour son Europe de la Défense, intraduisible en Anglais nous apprend la chercheuse, sans constater que l'OTAN souffre peut être du même mal en matière d'outils d'intervention.
Pour conclure, il se dessine donc une fenêtre d'opportunité pour que
le sommet franco-britannique d'octobre 2020 puisse offrir une nouvelle
impulsion à cette relation structurante de l'espace stratégique européen tout
en identifiant, peut être, une ouverture vers l'Allemagne. Il est attendu que le programme FMAN/FMC ou FC/ASW soit confirmé et serve d'aiguillon à la coopération. Mais est-ce que de nouveaux sujets y seront versés ? Néanmoins, au sujet
d'une convergence que certains espèrent au sujet "des SCAF", la
chercheuse livre une sentence qui a le mérité d'être très clair :
« Le gouvernement britannique consentirait à une solution en coopération qui fournirait des activités à l’entreprise BAE, il n’accepterait pas que ce soit selon d’autres conditions que les siennes, ni en tant que « junior partner ». Ces conditions empêcheraient de fait BAE de rejoindre un programme franco-allemand où le pilotage est déjà réparti entre Dassault (avion de combat) et Airbus (systèmes de systèmes) ». (p. 60)
Cet article resume bien l'état de la Royal Navy:
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