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Archives Ouest-France. Le porte-avions Charles de Gaulle lors de son
appareillage de Brest, le 16 mars dernier.
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Le retour des bâtiments de la mission Foch (21 janvier - 15 avril 2020 ?) est devenu un enjeu. Il est rare, sur le plan historique, qu'une fin de mission d'un groupe
naval constitué puisse être un enjeu de diplomatie navale, et en même temps, incarner un enjeu politique. La Marine nationale se
doit de réussir une manœuvre dans le champ des perceptions grâces aux actions dans les milieux de la communication et de la logistique. Il ne s'agit plus seulement du dossier Porte-Avions de Nouvelle Génération (PANG), ni même de l'image de la Marine nationale en tant qu'Armée, mais surtout de l'image de la France car, après les États-Unis et en pouvant compter sur la censure chinoise, seul le porte-avions français aura à communiquer au sujet de son exposition à l'épidémie.
L'enjeu politique est de taille car le
groupe aéronaval a coché toutes les cases des objectifs de la mission Foch, malgré la
production de la pire crise sanitaire aux niveaux national et mondial depuis la
grippe espagnole (1918 - 1920). Les deux séquences de la mission (mer
Méditerranée (21 janvier - 29 février 2020) et océan Atlantique (29 - février - 10 avril 2020 ?) ont permis d'atteindre leur plein effet
utile.
L'alliance
navale avec la Grèce a pu être matérialisée par l'intégration au groupe
aéronaval et au groupe amphibie, ponctuellement constitué autour du Dixmude et de bâtiments amphibies grecs, des frégates grecques Spetsai (1996 - 2036 ?) et Psara (1998 - 2038 ?) du type MEKO 200 HN ainsi que d'un sous-marin grec. C'est l'équivalent d'un Expeditionary Strike Group (ESG) qui a pu être déployé entre la mer Égée et les eaux enserrant la Crète et Chypre, c'est-à-dire les eaux visées par le perturbateur stratégique : la Turquie.
La
séquence Atlantique (29 - février - 10 avril 2020 ?) a permis de souligner, malgré l'annulation des exercices Frisian Flag (23 mars - 3 avril 2020) et Joint Warrior (28 mars - 9 avril). Les exercices aériens menés, notamment avec les Pays-Bas et la Norvège, en présence de Rafale M F3R et les interactions avec la SNMG 1 et les expérimentations, notamment au sujet des liaisons de données tactiques, ont été une compensation à la hauteur de ce qu'il était alors possible de faire.
L'objectif de souligner que le groupe aéronaval mis en œuvre par la France est une capacité différenciante, nivelante... et structurante de
l'activité opérationnelle des armées de l'air et marines européennes, membres de l'Alliance
atlantique, a été atteint. Une aéronavale embarquée à voilure fixe conçue pour assurer, notamment, des missions de protection des lignes de communication dans l'Atlantique Nord, pour accueillir une composante non-permanente de la dissuasion nucléaire ou participer à la sûreté des atterrages de Brest est à replacer dans le contexte de la diplomatie aérienne et
navale russe dans le Nord de l'océan Atlantique et vis-à-vis de l'US Navy qui a
réactivé la IIe fleet, le Submarine Group 2 et organisé de nouveau un exercice d'escorte d'un convoi,
La
finalité interne était bien d'en faire la démonstration à l'aune de l'étude des
pièces versées au dossier PANG qui est serait prêt depuis plusieurs semaines. Le Président de la République devait se
prononcer à la fin de ce premier semestre, selon le calendrier présenté au salon EuroNaval 2018.
La séquence des
noms des missions du groupe aéronaval - Bois Belleau (novembre
2013 - février 2014), Arromanches (dans le cadre de la mission
Chammal (2014 - 2020 ?), trois campagnes (2015 - 2016), Clemenceau (mars
- juillet 2019) et Foch (janvier - avril 2020) -
débutaient (bataille de Belleau wood, débarquement du 6 juin 1944 par le
port artificiel d'Arromanches), aux dires mêmes de la Marine, en l'honneur de
la relation franco-américaine. Néanmoins, ce registre symbolique n'apparaissait
plus explicitement dès la mission Clemenceau dont le dossier de presse
vantait l' « effort de coopération et de partenariat avec l'Orient, chemin que
Georges Clemenceau avait lui-même emprunté ».
Néanmoins, il
est tout de même remarquable que chacun de ces noms de mission jusqu'à la
dernière dont le choix n'était pas justifié correspondait à des noms de baptême
de porte-avions français, première coïncidence, et en plus, dans leur ordre
d'admission au service actif dans la Marine nationale, deuxième coïncidence.
Corrélation n'est pas causalité mais l'occasion est trop belle de proposer
l'interprétation suivante que chacune de ces missions portait leurs messages
stratégiques au service d'un seul but : assurer la succession du porte-avions Charles
de Gaulle (2001 - 2038 ?) depuis que cet objectif a été défini par
l'Amiral Bernard Rogel (12 septembre 2011 - 12 juillet 2016) en 2013.
Mais ces
acquis politico-stratégiques sont menacés par l'épidémie du virus SARS-CoV-2.
L'escale à Brest du groupe aéronaval (13 - 16 mars 2020) est le coupable idéal. Celle de Chypre (21 - 26 février) et les exercices menés en Méditerranée centrale avec le CVN-69 USS Dwight D. Eisenhower emmenant le Carrier Strike Group 10 (CSG 10) aux alentours du 3 mars paraissent trop éloignés. N'est pas ici question de refaire la gestion de risques qui
s'est très certainement déroulée entre le bord et l'EMM. La France n'était pas
encore confiné mais le sens des bruits de coursives échappant des
administrations allaient dans ce sens (13 - 17 mars 2020) après la prise de conscience du jeudi 12 mars 2020. Était-il bien raisonnable de maintenir l'escale brestoise, même en réduisant le format,
alors qu'il était acquis que les escales au Portugal et au Danemark étaient annulés ?
L'annonce (communiqué du 8 avril) du confinement, à bord, d'une quarantaine de marins de l'équipage du
porte-avions Charles de Gaulle présentant des symptômes suspects a été une réussite en terme de communication car l'annonce n'a pas soulevé le
moindre intérêt, hormis les publications d'usage dans la presse française. L'attitude erratique du
ministère des Armées, au sujet de la publication des statistiques, des militaires infectés
soutient très difficilement la comparaison avec d'autres démocraties libérales.
Et encore, la Marine nationale est relativement épargnée car rien n'explique pourquoi rien n'est indiqué quant à la situation des autres
bâtiments du GAn.
La rotation effectuée par un
A400M et un Falcon 900 (Escadron de transport 60 (ET-60), le 9 avril, entre la France et l'aéroport de Lisbonne permettait d'amener des kits de dépistages, un stock de masques, FFP2 pour ceux
montrés sur les photographies ainsi qu'un renfort de personnels spécialisés. Seuls les marins suspectés par l'apparition de symptômes ont pu être testés. 3 marins ont pu être rapatriés grâce au Falcon 900 (Jean-Marc Tanguy, « Cinquante cas avérés de covid-19 sur le porte-avions « Charles de Gaulle », Le Marin, 10 avril 2020). Et les tests permettaient de confirmer cinquante contaminations sur les soixante-six marins testés. Ils ont vocation à rejoindre l'Hôpital d'Instruction des Armées (HIA) de Saint-Anne (Toulon).
Un TBM-700 a même été aperçu faisant escale
simultanément aux deux précédentes aéronefs mais cette fois-ci à Séville (Espagne). Il a peut être pu convoyer quelques fournitures pour une
prochaine rotation d'hélicoptères du GAn. Le chef d'état-major de la Marine
nationale, l'Amiral Christophe Prazuck, pourrait être à bord dès demain. L'Amiral Christophe Prazuck souhaite faire dépister tous les marins du porte-avions Charles de Gaulle, soit, et environ, 1200 pour l'équipage, 650 pour le groupe aérien embarqué et plus ou moins 100 pour l'état-major embarqué. Mais sur ce total, il n'en resterait qu'un maximum de 1700 à bord (Jean-Marc Tanguy, @Defense137, 10 avril 2020).
Cette
partie de la séquence est une sorte de reproduction de la vie nationale et de ses enjeux politiques à l'échelle du
groupe aéronaval du débat qui agite la France quant à l'impossibilité
matérielle d'adopter les stratégies de la Corée du Sud, Singapour et
Taiwan.
Il
est aussi dit, toujours par voie de presse, que le groupe aéronaval se serait
progressivement séparé. La frégate La Motte-Picquet et le Bâtiment de
Commandement et de Ravitaillement Somme seraient ou pourraient être d'ores et
déjà en route pour Brest. Une partie des aéronefs a peut être pu rejoindre,
déjà, les bases aéronautiques navales de Landivisiau (chasse) et Lann-Bihoué (avions
de guet aérien).
L'affaire
du Charles de Gaulle apparaît, de toute évidence, moins
dramatique que celle du CVN-71 USS Theodore Roosevelt mais le
résultat sera le même : débarquement de l'équipage et confinement à terre. Les bretons seront
confinés où cela sera possible dans les implantations militaires de la Bretagne. Saint-Mandrier va retrouver son rôle de Lazaret : accueillir
les marins malades revenant des campagnes lointaines. La manœuvre est d'une
ampleur inédite : près de 2600 marins à loger en Bretagne et en Provence Alpes
Côte d'Azur pendant 14 jours, tout en respectant les consignes sanitaires.
Les
actions dans les milieux de la communication et de la logistique doivent
s'astreindre à servir l'idée de manœuvre : une mission Foch qui a engrangé un
capital politico-stratégique et dont la fin de la marée est maîtrisée. La
menace qui plane est celle de la perception d'un naufrage similaire à l'image
du radeau de La Méduse (1810 - 1816). Il est à espérer que l'initiative soit reprise afin de proposer un autre récit : depuis le deuxième semestre 2019, il est prévu que
la mission Foch s'étale sur trois mois. Une fin de mission mi-avril était
prévue, au plus tard, depuis janvier 2020. La marée ne serait écourtée que d'un
minimum de 8 jours : pour un porte-avions dont l'unité de mesure des missions
est le mois, c'est à peine mesurable. L'apparition de symptômes parmi les
équipages a pu être géré, conformément à la culture opérationnelle enrichie par le retour d'expérience des difficultés rencontrées par le passé. L'organisation du débarquement permettra de
limiter les risques.
Un manque de réussite dans la manœuvre précédemment évoquée est que dans le champs
des perceptions la mission soit perçue comme un échec. La posture défensive des services de communication du
ministère des Armées est la faiblesse du dispositif. Et la communication, au
temps de la gestion de crise, ne supporte pas une posture défensive : le
paradigme clausewitzien n'y a pas court car la défense n'a pas la suprématie.
L'urgence est de reprendre l'initiative, de proposer une vision et celle-ci ne
peut que comporter l'image de marins, composant les équipages du groupe
aéronaval, qui ont accompli la mission dans deux environnements stratégiques hautement disputés. L'image d'une Marine dont les bâtiments
peuvent reprendre la mer au coup de sifflet et en mesure de remplacer
massivement, s'il le fallait, les marins du groupe aéronaval. L'image de la Marine et
de l'état-major des Armées qui, depuis 2019, planifient la possibilité d'une deuxième
mission en 2020. Une Marine apte à continuer les missions tout en maîtrisant les risques.
Bonjour,
RépondreSupprimerEn imaginant que la construction d'un ou deux PANG serait abandonnée, et en espérant que le budget prévu pour ce(s) dernier(s) soit maintenu, combien de frégates type FDI rallongée, de corvette type Gowind 2500 et de patrouilleurs OPV permettrait-il d'obtenir?
Encore une fois, la nécéssité de disposer au minimum de 2 PA se fait sentir.Le PR doit décider de la construction d'un autre PA. Il doit déjà gérer l'épidémie, ensuite la crise économique et monétaire qui arrive, les aneries de ses proches (griveaux, de rugy)les élections municipales à recommencer, la déconfinement, la pénurie de masques et puis au final,
RépondreSupprimers'il en a le temps, l'envie,le loisir, la possibilité, décider de construire un autre PA. Donc, résumons-nous il fera comme tout ses illustres prédecesseurs, chirac, sako, hollande, c'est-à-dire ne rien décider. Bonsoir à vous marquis.