Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





18 décembre 2012

« Les sous-marins d’attaque dans l’action navale »

     Le Centre d’Études Supérieures de la Marine (CESM) et l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire organisait le 18 décembre 2012 de 14h à 17h30 à l’École militaire, un colloque intitulé « Les sous-marins d’attaque dans l’action navale ». 

13 décembre 2012

Archipel France : action combinée entre Marine et Gendarmerie


© Gendarmerie nationale.
Outre-mer, la Marine effectue un spectre de missions éclectique et multiforme, car il s'agit de pallier bien des insuffisances d'infrastructures ou d'organismes qui peinent à y assumer la totalité de leurs attributions.
La Gendarmerie est dans le même cas.

09 décembre 2012

"Introduction à la Cyberstratégie" d'Olivier Kempf


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Les infrastructures cybernétiques pénètrent le quotidien des hommes depuis longtemps. Il est assez difficile de trouver une date à cette ère puisque il y en a pour la faire remonter au temps des câbles télégraphiques. Quoi qu'il en soit, depuis le XIXe siècle, ce que l'on a coutume de nommer le cyberespace est une dimension prégnante de l'action humaine.

Dans ce milieu, des actions y sont menées à toutes fins : d'abord et surtout économiques, puis "stratégiques", mais pas seulement. Le cyberespace est devenu un milieu à part entière et tout milieu suppose une stratégie qui lui est propre. qiconque s'intéresse aux affaires mondiales n'a pu râter avec quelle ampleur le cyber s'est imposé dans les préoccupations stratégiques depuis quelques années. Cela fait quelques années que c'est un sujet de vives attentions : le cyberespace était entré trop discrètement dans le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, et il y fera une entrée en force dans celui de 2012. Que s'est-il passé entre ces deux dates ? Les attaques massives dans le cyberespace de 2007 contre l'Estonie et la guerre de Géorgie ont été deux éléments déclencheur d'une prise de conscience supplémentaire.

Mais de quoi la cyberstratégie est-elle le nom ? C'est à cette question que répond magistralement l'auteur d' "Introduction à la cyberstratégie", le stratégiste Olivier Kempf (Egeablog). Dès le début de son ouvrage il brosse le portrait d'un sujet mal connu. Il est possible de sortir trois des points majeurs de l'ouvrage pour mieux le présenter :
  • qu'est-ce que le cyberespace ?
  • En quoi le cyberespace permet-il à nouveau l'expression d'actions stratégiques offensives ?
  • En quoi l'arme cybernétique est-elle limitante ?

Première grande action, l'auteur nous offre une définition de ce milieu. Il part des quelques définitions officielles qui existent (celles de l'ANSSI et du CICDE) pour nous montrer qu'elles sont insuffisantes pour englober toute la complexité de ce milieu. Par exemple :
  • la première définition ("l'espace de communication constitué par l'interconnexion mondiale d'équipements de traitement automatisé de données numérisées") ne prend en compte que des considérations techniques : le cyberespace ne serait qu'un milieu virtuel naissant de l'interconnexions de réseaux de toutes sortes ?
  • La seconde définition, quant à elle (le cyberespace est "un domaine global constitué du réseau maillé des infrastructures des technologies de l'information (dont Internet), des réseaux de télécommunications, des systèmes informatiques, des processeurs et des mécanismes de contrôle intégrés. Il inclut l'information numérique transportée ainsi que les opérateurs des services en ligne"), conserve elle aussi cet aspect technique central mais l'ouvre également à une donnée essentielle, et non moins centrale : le cyberespace sert à transport de l'information.
Le cyberespace serait donc la conjonction, d'au moins, deux éléments centraux : les infrastructures physiques et l'information qui y transite. De là, l'auteur nous propose d'aborder le cyberespace selon une approche en couches :
  • la couche matérielle qui est constituée des infrastructures proprement dites et qui permettent d'interconnecter des machines qui ont vocation à communiquer entre elles ;
  • la couche logique qui recouvrent tout ce qui donne vie à ces machines (algorithmes, logiciels, programmes, etc...) et leur permettent d'utiliser leurs "organes" pour leur faire produire les travaux que l'on attend d'elles ;
  • la couche sémantique ou informationnelle qui renferme toute l'activité humaine dans le cyberespace se quantifiant en informations échangées ou produites.
Partant de là, le stratégiste nous fait remarquer que si dans la grande tradition technologique américaine (voir "La technologie américaine en question - le cas américain" de Joseph Henrotin aux éditions Economica) la première couche intéresse au plus point à Washington, il s'agit de remarquer que la Russie, comme la Chine, est plus sensible à la troisième couche. Mais les positions évoluent.

Toujours selon le propos de l'ouvrage, il faudrait voir le cyberespace comme une nouvelle sphère stratégique qui viendrait théoriquement se superposer aux premières :
  • terre,
  • mer,
  • air,
  • électromagnétique, 
  • nucléaire,
  • exospatial,
  • et le cyberespace.

Fruit de différentes caractéristiques, ce milieu est novateur car il est l'un de ceux qui permettent à nouveau la manœuvre stratégique offensive depuis la fin de la Guerre froide. Celle-ci se fait dans l'intérêt de la puissance politique qui l'emploie, et plus particulièrement, elle se fait aussi bien contre l'ennemi que contre l'allié qui peut se révéler adversaire.

La caractéristique majeure, que l'auteur souligne à maintes reprises, qui ouvre la voie à l'offensive stratégique est la très difficile imputabilité des actions dans le cyberpespace. La Russie n'a pas été reconnue officiellement comme étant l'instigatrice des attaques contre l'Estonie ou la Géorgie...

C'est-à-dire qu'il est possible de se soustraire à l'attention des diverses servitudes (diplomatie, médias, opinions publiques, etc...) qui entravaient l'action stratégique afin d'agir dans ce milieu pour y produire des effets aussi bien en son sein que dans d'autres. Si le cyberespace attend une guerre propre (comme tous les autres milieux), il sert aussi à en produit dans l'inter-milieu.

En ce sens, il offre une nouvelle corde à l'arc des acteurs en recherche de liberté. En la matière, les actions sous-marine et des forces spéciales étaient les dernières cordes à l'arc des Etats. Après tout, et comme le souligne Olivier Kempf, l'objet de la stratégie est de gagner des marges de manœuvre pour agir contre l'adversaire (bien que comme il le souligne dans son avant-dernier ouvrage la cyberstratégie doit s'accomoder une dialectique qui s'efface au profit d'une polylectique). La posture de défense serait bien dépourvue face aux attaques puisqu'elle ne peut que tenter d'y parer selon différentes configurations (défense étanche, en profondeur ou dynamique), mais sans pouvoir découvrir l'identité de l'assaillant.

Toutefois, la difficile imputabilité des actions dans le cyberpesace est inversement proportionnel à l'importance des actions offensives que l'on souhaite y mener : plus l'effet recherché de l'action est coercitif, plus sa discrétion sera moindre. C'est-à-dire qu'au delà d'un certain degré de violence des attaques, l'imputabilité ne sera plus possible. Il y a une auto-régulation dans le fait de permettre à nouveau l'offensive stratégique.

Enfin, il convient d'aborder rapidement la notion de cyberarme. Objet de tous les fantasmes, elle aurait la vertu de l'arme nucléaire : le pouvoir égalisateur de l'atome. Grisé par les réussites d'hackers isolés, on a pu prophétiser que l'action cybernétique se ferait au détriment des Etats et à peu de frais. Hors, il en est rien. Ainsi, la quantité de moyens à mettre en mouvement pour atteindre un but est proportionnel à ceux qui sont mis en œuvre pour le défendre. Cela revient à dire que pour attaquer une cible durcie par un groupe ou un Etat, il faut des moyens équivalents à ceux utilisés pour durcir la cible. Il n'est donc pas à la portée du premier venu de s'attaquer à l'un des Etats qui a une base industrielle et technologique de communication acérée. Par contre, l'inverse est vrai : la différence de potentiel de forces entre les acteurs fait que ceux en bas de l'échelle sont plus susceptibles de subir les assauts de ceux qui appartiennent au haut de l'échelle.

Mais l'usage des cyberarmes est malaisé :
  • d'une part, il n'y a pas de cyberarme générique. Ainsi, elle est conçue et dimensionnée en fonction de la cible. Il n'est donc pas possible d'improviser une attaque.
  • D'autre part, pour pouvoir mener des actions offensives grâce aux propritétés du cyberespace il convient de rester discret afin de rester en deça du seuil duquel l'imputabilité de l'action cybernétique demeure.
Pour infiltrer un dispositif ennemi, il convient alors de s'ingénier à utiliser les possibilités de l'intermilieux. C'est l'exemple typique du vers Stuxnet qui a frappé la centrale iranienne de Bucher et qui a été conçu grâce à des complicités internes, donc à une ou des actions clandestines.
Mais il y a une dernière grande limite à l'utilisation de cyberarmes : elle révèle le savoir-faire de l'arsenal qui l'a conçu. Si cette arme est de nature à inquiéter les autres acteurs alors c'est la voie ouverte à une course aux armements puisque toute puissance politique souffre comme d'une atteinte contre son existence le fait de ne pas pouvoir supporter la comparaison avec une autre qui détiendrait un avantage déterminant. La course à l'arme nucléaire fut irrésistible de part le monde...

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Ces trois caractéristiques majeures de l'arme cybernétique fait qu'il est mal-aisé de l'utiliser : les Etats-Unis étudièrent l'utilisation d'une de leurs armes contre la Libye avant d'abandonner l'idée de le faire pour ne pas révéler l'état de leurs capacités. Oui, l'action offensive cybernétique qui a pu être observé renforce la défense puisqu'elle sait à quoi se préparer. Mieux, pour se prémunir des attaques, la défense doit préparer l'offensive, et donc les cyberarmes, pour savoir à quoi s'attendre et ne pas se laisser surprendre...

L'ouvrage est une réussite puisque c'est bel et bien une introduction à la cyberstratégie. Après sa lecture, il est possible de sortir partiellement du brouillard de la Guerre et de mieux appréhender ce nouveau milieu. Ainsi, les différentes strates apparaissent du cyberespace, ses acteurs et ses manières d'agir y apparaissent et la pensée s'en fait plus claire.

On ne saurait mieux vous en conseiller la lecture si vous souhaitez appréhender ce nouvel espace sans y perdre votre latin et, pourquoi pas, aller plus en avant dans le détail pour comprendre toutes les subtilités dans lesquelles se nichent les enjeux.

Il conviendra de revenir un peu plus en avant sur les enseignements de l'ouvrage et tenter de voir en quoi l'action cybernétique ressemble comme deux gouttes d'eau à l'action du sous-marin nucléaire.

06 novembre 2012

Livre blanc : de l'arc de crises vers les zones d'intérêt national ?


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© Inconnu. Carte présentant les principaux "chocs" des flux maritimes mondiaux.

Le magazine l'Express de la semaine dernière (du 19 au 25 septembre 2012 - numéro 3194) évoque dans ses colonnes un bruit de coursive à propos du futur livre blanc. Il serait question de remplacer le concept de l'arc de crises (qui part de la Corne de l'Afrique pour arriver en Asie) par un autre qui pourrait être, selon le mot de Jean-Marie Guéhenno, président de la commission du livre blanc, celui de "zone d'intérêt national". Avant de tenter d'aborder cette notion qui n'est présentée que par sa dénomination, il peut être intéressant de ne pas se débarasser trop vite la précédente expression, qui serait d'ores et déjà, "ancienne".

L'arc de crise était l'un des objets marquants du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de l'an 2008. Serait-ce une création et française et récente ? Il faudrait en douter. Par exemple, l'amiral Alfred Tayer Mahan écrivait en 1900 un ouvrage qui est peut être oublié en France : "The problem of Asia and its effects upton international policies". Très brièvement, il est possible de dire que le concept de l'arc de crises n'est pas très éloigné de ce que décrivait Mahan dès 1900. Cela relativise assez les évolutions que le monde connaît depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les processus de décolonisation et la fin de la Guerre froide.

L'arc de crises de Mahan partait lui aussi de l'Afrique du Nord  (plutôt proche du Moyen-Orient que de Gibraltar) pour aller jusqu'en Asie centrale et tomber en Asie du Sud-Est. Globalement, l'auteur décrivait son tracé comme la résultante des lignes de fractures entre les poussées géopolitiques des différents acteurs : France, Angleterre, Russie et Japon. Ainsi, et dans le cadre d'un résumé très bref et "à main levée", il est possible de dire depuis cet ouvrage que :
  • la Russie poussait au Sud de ses frontières asiatiques vers les mers chaudes, soit vers l'Inde et le Moyen-Orient, d'une part, en allant à la rencontre de l'empire britannique. C'est bien cette poussée qui avait justifié la guerre de crimée (1853-1856).
  • L'empire Ottoman en serait presque réduit à être une zone tampon entre les deux empires. Il disparaîtra assez rapidement, finalement, après la Grande guerre.
  • D'autre part, de l'autre côté de l'Eurasie, cette poussée russe rencontrait l'expansion japonaise en Asie, alors encore balbutiante, mais qui avait déjà conquise une sorte de "Grande Corée". La bataille navale de Tsushima (1904) sera le point d'orgue de la victoire du Japon sur la Russie (qui prendra sa revanche en 1945).
  • Il y a le cas de l'expansion française en Afrique qui a rencontré celle de l'Angleterre à Fachoda (1898) et qui rencontrera celle du Japon autour de l'Indochine quelques années plus tard.
Enfin, Mahan était l'un de ceux qui prédisait le basculement géopolitique du monde de l'Europe vers l'Asie du Sud-Est. Ce n'était pas très étonnant puisqu'un certain Castex a écrit un ouvrage, aujourd'hui oublié, qui s'intitulait "Jaunes contre blancs" à propos de la guerre russo-japonaise (8 février 1904 au 5 septembre 1905). Il n'était vraiment pas le dernier à craindre la montée en puissance économique de l'Asie.

Les poussées géopolitiques du monde évoluent assez lentement. Il y a eu des changements dans les acteurs, avec, par exemple, une réduction de la place du Japon mais un accroissement considérable de celle de la Chine. France et Angleterre sont deux nations qui se sont repliées et ont vu leur poids se diluer, mais elles continuent à participer aux mouvements téluriques mondiaux (ce qui est assez estimable pour deux nations en perpétuel déclin aux dires des chroniqueurs). Les Etats-Unis ont fait leur irruption dans les affaires mondiales, processus entamé depuis le XIXe siècle. L'actuel conseil de sécurité de l'ONU rassemble, finalement, des puissances qui pèsent historiquement sur le monde.

En 2012, l'arc de crises est remis en cause. "Désigne-t-il simplement des menaces ou une zone d'intervention potentielle de la France ?" s'interroge une source "proche du dossier" pour l'Express. Peut être faudrait-il répondre à cette interrogation par deux autres questions :
  • est-ce que l'arc de crises recouvrent les zones de rencontres entre les sphères d'influence des grands acteurs du monde ?
  • Est-ce que cet objet qui définit une zone géographique recoupe l'emplacement des différents intérêts de la France dans le monde ?
Répondre oui, avec ou sans nuances, à l'une des deux questions, si ce n'est aux deux, c'est légitimer à nouveau un objet qui n'est pas dénué d'intérêts. Les derniers conflits (les guerres du Golfe, le conflit israélo-palestinien, les conflits véhiculés par les mouvements de population dans le Sahara, la guerre d'Afghanistan et les contentieux territoriaux dans les mers d'Asie) montrent que ce qui a été dit en 2008 reste d'actualité.

Par contre, le concept est peut être beaucoup trop réducteur : il pourrait, encore, recouvrir les zones où les intérêts des acteurs du monde se confrontent, mais il se détache peut être trop des intérêts franco-français. Par exemple, est-ce que l'arc de crises permet de contextualiser les priorités qui découlent de la nouvelle réalité géographique française (la France est un archipel) ? A priori la réponse serait non puisque les problématiques qui découlent :
  • de la découverte de pétrole en Guyane française,
  • les suspicions de gisements d'énergies fossiles dans l'archipel des Kerguelen,
  • et les richesses minières de la Nouvelle-Calédonie sont excentrées par rapport à l'arc de crises.
C'est plus que dommageable pour la perception que nous avons de nos intérêts puisque le pétrole guyanais nous oblige à nous intéresser au sort du canal de Panama (bulletin d'études marine numéro 146 du Centre d'Etudes Supérieures de la Marine (CESM) et à l'influence qu'il peut avoir sur la façade maritime de la France d'Europe. Tout comme les éventuelles richesses fossiles des Kerguelen nous obligera à considérer que nôtre intérêt consiste en notre capacité à maintenir ouvert les détroits par lesquels pourraient être exportées ces richesses fossiles. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, par extension, ne sont pas que des spectateurs des conflits territoriaux qui secouent l'Asie du Sud-Est puisque l'ouverture des détroits de l'insulinde est une préoccupation pour les importations et exportations de ces archipels.

L'arc de crises est donc beaucoup trop réducteur par rapport à la situation géographique nationale et nous empêche de nous concentrer sur d'autres objets stratégiques qui méritent pourtant toute notre attention car ils pèsent sur nos intérêts vitaux.

Enfin, la notion d'arc de crises recèlerait une dimension vexatoire pour certains Etats qui sont inclus dans cet espace, selon l'actuelle présidente de la commission de la Défense et des forces armées à l'Assemblée nationale, Patricia Adam. Il ne faudrait pas s'enfermer dans une notion théorique, comme celle des "rogue states" (toujours d'actualité, semble-t-il), propice à créer des problèmes supplémentaires dans les chancelleries. Il s'agit d'une vision des objets français à protéger qui doit permettre de considérer les aspérités du terrain qui doivent être utilisées à notre avantage ou qui ne doivent pas nous être interdites.

Alors, le président de la commission du livre blanc indiquerait que l'arc de crise pourrait être reformulé en "zone d'intérêt national".

Premièrement, il faut vivement espérer qu'il n'y aura pas une zone mais des zones. Cette façon d'aborder nos objets stratégiques correspondrait bien mieux au caractère archipélique du pays. Ce serait l'occasion de recouvrir les zones qui concernent une partie de nos inérêts liés à nos alliances et intégrations (OTAN et Union Européenne, par exemple) mais aussi nos intérêts strictements français. Certaines zones recouvriront les deux, mais dans des degrés moindre selon leur localisation géographique : si la coopération américaine est essentielle pour lutter contre les trafics de drogues dans la mer des Antilles, elle se construit différemment autour de la péninsule arabique.

Deuxièmement, la notion forcerait à les articuler entre elles. Par exemple, les besoins militaires pour protéger nos intérêts autour de la péninsule arabique (soit trois détroits) ne sont pas les mêmes que ceux qui sont nécessaires pour préserver la Guyane de l'orpaillage illégale et nous assurer de notre souveraineté sur les richesses pétrolières de ses eaux. C'est-à-dire que dans l'éventuelle zone d'intérêt national qui recouvrirait la péninsule arabique il faudrait plutôt compter sur le groupe aéronaval et le groupe de guerre des mines. Tandis que dans la seconde zone autour de la Guyane et de l'arc antillais il faudrait compter sur une aéromobilité au service de la sauvegarde du territoire et des forces maritimes bien plus centrées sur l'Action de l'Etat en Mer.

Troisièmement, il faudrait éviter toute désunion entre les zones puisque, pour en assurer leur unité, il serait très dommageable qu'elle soit l'occasion de diviser les forces armées selon des génômes si différents qu'elles ne pourraient pas ensemble concourrir à la défense nationale de la France, c'est-à-dire l'ensemble. La spécialisation des forces affectées à chaque zone ne doit pas nuire à l'unité des Armées.
Il faut être capable de protéger les zones de toutes les menaces, même si certaines sont plus propices à avoir besoin de certaines capacités opérationnelles plus que d'autres.

Quatrièmement, cela pourraît être une chance aussi d'imaginer de nouvelles façons de doter ces zones des matériels nécessaires à leur préservation. Par exemple, ce serait une opportunité qui s'offrirait à Paris pour monter des partenariats industriels originaux. Ainsi, l'interventionnisme étatique permettrait de lier diplomatie économique avec besoins militaires nationaux. Pourquoi ne pas se doter des moyens maritimes nécessaires à l'AEM dans des chantiers étrangers ? La politique industrielle pourrait alors être couplée avec l'autonomie économique de certaines régions et la constitution des moyens nécessaires pour la Défense. C'est peut être par ce biais que pourrait être résolu quelques problèmes liés au maintien en condition opérationnel des matériels du fait d'une trop grande centralisation en la matière.

Cinquièmement, ce serait une consécration politique par l'Exécutif du caractère marin, et même ultra-marin, de la France. Ce serait affirmé la réalité archipélique de la France. L'existence des zones d'intérêt national ira de paire avec nos archipels où se situent des moyens militaire. Mais elles iront aussi de paire avec les bases avancées françaises qui existent actuellement et qui préservent les intérêts français qui existent autour. Il a été dit qu'il faut une unité de moyens et de vues entre les zones. Il faudra donc en assurer la liaison, autant abstraite (l'unité des Armées) que physique : les différents moyens de toucher les différents territoires et les différentes zones d'intérêt national. De même il ne faudrait pas négliger la question des communications dématéralisées quand l'Arme des Transmissions fête son 70e anniversaire, que le débat sur l'Espace conserve une forte vigueur et que celui sur la Cyberdéfense s'envole chaque année un peu plus (ce domaine devrait être fortement mis en avant dans le nouveau livre blanc).

Sixièmement, ce serait également la mise en avant d'un concept qui devrait être suffisamment souple pour être adapté à l'évolution des menaces sans remettre en cause son existence ni nécessiter de repenser la stratégie nationale (sauf si la radicalité des évolutions le nécessitait).

Septièmement, il devrait y avoir un barycentre stratégique français qui devrait apparaître, c'est-à-dire un territoire qui se retrouverait le centre de l'archipel. Il ne serait pas bien étonnant que ce barycentre soit l'île de la Réunion. Ce n'est pas pas une chose à prendre à la légère puisque, et par exemple, la répartition de la Marine Royale entre Brest et Toulon nous empêchait de parvenir aisément à la concentration de nos forces. Les anglais surent exploiter avec brio cette faiblesse maritme française qui tirait sa source de sa double façade maritime. De plus, ils avaient l'avantage de se concentrer aisément autour de leur archipel britannique. Aujourd'hui, la France est multi-façade maritimes. Il n'est pas simple de les énumérer toutes. Mais elle recouvre presque tout les océans, sauf l'Arctique -et encore... La Réunion se retrouve au centre des différents territoires et à le mérite d'être le point de passage de nombreuses routes maritimes mondiales et d'être à proximité d'une grande partie des détroits mondiaux. En outre, l'ancienne île Bourbon se situe également sur la route de circumnavigation. Les deux nouvelles et principales grandes façades maritimes de la France pourraît être alors la Méditerranée et l'océan Indien. La jonction des moyens navals disponibles pour concentrer les forces reste difficile puisqu'elle est conditionnée à la sauvegarde des détroits de Gibraltar, du Cap et de la mer Rouge. Ce centre ne se suffira pas à lui-même (par définition). C'est pourquoi un basculement total sur l'une ou l'autre des façades ne serait pas non plus des plus convenables. Tout comme le statu quo le serait encore moins puisque si l'ambition était de peser sur les affaires asiatiques alors la façade maritime de l'océan Indien serait d'autant plus justifiée. Mais si ce basculement était avéré, alors il pourrait y avoir une nouvelle répartition des forces françaises. Donc le problème naval français que la Marine Royale avait connu pourrait refaire surface.

Huitièmement, cette appellation interpelle puisqu'elle est douée d'une certaine proximité avec l'expression "d'intérêts vitaux". In fine, si les zones d'intérêt national sont trop affinées par la délimitation de leur cadre géographique et les moyens qui leur sont alloués alors il sera potentiellement possible de relier l'expression du livre blanc à celle qui conditionne l'emploi du feu nucléaire national. Ce serait préciser les hypothèses d'emploi de la dissuasion alors que son but est le non-emploi et la réplique à une atteinte grave à nos intérêts vitaux. La dissuasion ne doit pas être affaiblie par une interaction non-désirée avec un nouveau concept issu du livre blanc, tout comme la question de la défense anti-missile balistique de territoire peut entraîner le même processus.

Dans ce dernie registre, c'est encore une fois la Marine qui est la plus indiquée puisqu'elle est garante de l'intégrité territoriale d'une France plus maritime que jamais. S'il existera des forces garde-côtières à travers l'archipel qui participeront aux problématiques de sécurité locale, ce seront bien les forces de haute mer (soit le groupe aéronaval et ses différentes branches (groupe amphibie et groupe de guerre des mines) qui feront le lien entre les différentes zones. Elles seront cette masse de manœuvre qui est et qui restera apte à faire basculer localement le rapport de forces en faveur de la France. Le Maréachal Foch n'aurait peut être pas dit mieux sur l'économie des forces. L'objectif est de conserver les moyens de manœuvrer dans le monde et cela passe par la préservation des moyens nécessaires à la projection et de puissance et de forces. Ce qui implique une cohérence entre les deux et que l'une ne fasse pas disparaître l'autre... Même si cela ne peut pas impliquer de conserver une stricte parité de moyens entre les deux types de projection, non pas par souci d'efficacité militaire et stratégique, mais bien par souci de préserver une hiérarchie obsolète entre les Armées et les susceptibilités de chacun.

Les zones d'intérêt national sont un nouveau concept très intéressant qui pourrait faire florès.