© DCNS. SNA de classe Suffren.
Certains considèrent que le projet de LPM proposé par le ministre de
la défense réussit à éviter le pire en préservant les fondamentaux de
la défense nationale.
Il m’est d’avis que tel n’est pas le cas. La nouvelle LPM poursuit
une longue descente aux enfers et assène un nouveau coup de poignard à
l’industrie de la défense à l’heure du redressement
productif proclamé.
Le choix entre le nombre et la qualité qui a fait récemment débat
dans le presse spécialisée, trouve ici un épilogue sans appel: Il n’y
aura ni le nombre ni la qualité.
Je me limiterai dans ce blog à quelques exemples relatifs à la
Marine nationale, considérée pourtant comme l’arme la moins touchée par
les mesures d’économies budgétaires annoncées.
Il s’agit de trois programmes majeurs dont le calendrier est de nouveau étiré au delà du point de rupture.
Le programme FREMM qui devait à son origine concerner 17 frégates, format réduit à 11 unités par le livre blanc de 2008, se voit de nouveau
amputer, pour atteindre à l’horizon 2019, 8 unités livrées, dont deux anti-aériennes.
Bien sur l’acquisition des 3 derniers bâtiments est évoquée, avec
quelque réserve, pour l’après 2019……… Au rythme de construction d’une
unité tous les 14 mois, la livraison très hypothétique du
dernier bâtiment serait repoussée à 2025 (cf dossier de Mer et Marine).
Dans la réalité, cela veut dire, que le format de 11 frégates multimissions (FMM) modernes est de la poudre aux yeux.
De 2013 à 2020, le format réel de la Marine Nationale sera dans la
meilleure des hypothèses, de 7 frégates ASM, dont 1 agée de plus de 30
ans.
Nous serons ainsi passés de 17 exemplaires jugés nécessaires à 7 exemplaires jugés suffisants.
Si l’on tient compte d’un taux de disponibilité compris entre 60 et 70%, la Marine nationale ne sera en mesure de mobiliser que 4 frégates ASM dans la période 2013 - 2020.
On se doit d’observer, que la responsabilité de cette situation ne
peut être imputée au ministre de la défense actuel qui doit gérer, comme
il peut, un héritage particulièrement lourd.
L’application stricte du projet de LPM permettra au moins de
rajeunir considérablement une flotte actuellement en décrépitude.
Le programme de SNA de la classe BARRACUDA est encore plus caricatural.
Si la mise en service du premier de série, le SUFFREN, est maintenue
en 2017, la livraison de son sistership a été repoussée d’un an. Elle
n’interviendra qu’en 2020, ce qui nous donne le tableau
suivant :
En 2020, 5 des 6 SNA auront plus de 30 ans !
La comparaison avec la grande Bretagne, dont la politique de défense
est pourtant décriée, est saisissante : Il est prévu, en 2020, que 6
des 7 SNA de nouvelle génération auront été livrés.
Le troisième exemple concerne les vaillants Atlantique 2
La Marine nationale dispose de 27 Atlantique 2 (ATL2) livrés de 1989 à 1997, qui sont donc âgés de 16 à 24 ans.
Selon la LPM, 15 d'entre eux sont destinés à être rénovés (radar,
système électro-optique, moyens d'écoute, dont des bouées acoustiques
numériques...) et 4 seront versés, en l'état à la
surveillance maritime.
Parmi les 15 ATL2 destinés à être rénovés, 4 le seront avant 2020, en l'occurrence entre 2018 et 2019.
Ici encore, cela veut dire, dans l’hypothèse d’un taux de disponibilité de 70% (à vérifier) que dans la réalité, la MN ne sera capable de mettre en œuvre de façon simultanée, que 3 avions
modernes de lutte anti-sous marine en 2020.
Les avions de patrouille maritime sont pourtant cruciaux pour la
protection des approches maritimes et portuaires du pays, du groupe
aéronaval et en premier lieu de la Force océanique stratégique
(FOST)
Les récents conflits lybiens et maliens ont démontré que leur
utilité s’exerce bien au delà des océans. Leur autonomie, leur moyens
optroniques et de communication leur permettent d’assurer des
missions de missions de surveillance, de renseignement, de détection
de cibles et même de bombardement (cf opération SERVAL) au profit des
forces terrestres.
La surveillance maritime sera dotée pour sa part, outre 4 ATL 2 non
rénovés, de 8 Falcon 50, dont 4 équipés de chaine SAR. Les 5 GARDIAN (
Falcon 200) actuellement affectés Outre-mer seront
retirés du service en 2015, frappés par une obsolescence avancée (32
ans). Le programme AVSIMAR destiné à les remplacer est repoussé aux
calendes grecques.
Outre la raréfaction dangereuse des avions de patrouille et de
surveillance maritime ce qui frappe, à la lecture de la LPM, est
l’absence de gestion globale, c'est-à-dire interarmées et au-delà,
interministérielle, de la problématique de la surveillance aérienne,
considérée au sens large (reconnaissance, surveillance, identification
et désignation….)
Chacun dans son coin, avec ses moyens. La MN avec ses ATL2 et ses
FALCON, l’armée de l’air avec ses drones MALE US annoncés, l’armée de
terre avec ses drones tactiques également annoncés
(vraisemblablement des WATCHHKEPPER qui décollent d’une piste en dur
….) et ses 3 ISR de nature inconnue…et les services de la douane qui
ont commandé 8 magnifiques Beechcraft King Air 350ER
dotés d’un panel complet de capteurs et systèmes de missions (Ocean
Master de Thalès, Star Safire III, SlAR Therma, AIS, liaison de données
tactiques...).
A quand une organisation unifiée de ces moyens disparates ?
Au final, ces quelques exemples, qui pourraient être élargis,
notamment aux moyens de lutte contre les mines, négligés, et aux navires
de patrouille maritime complètement oubliés, alors que la
lutte contre les trafics illicites est l’un des défis majeur à
relever, donnent une image beaucoup moins réjouissante de la future MN
que n’en donne la présentation trompeusement optimiste du
projet de LPM.
Des corrections s’imposent, messieurs les députés et sénateurs.
Il conviendrait à minima, de
- maintenir en 2019, la mise en service du Duguay-Trouin, deuxième SNA de la classe BARRACUDA ;
- doubler le nombre d’ATL2 rénovés, soit 8 au lieu de 4 ;
- renouveler la flotte de patrouilleurs hauturiers (classe ADROIT
amélioré), à raison de 12 unités, soit un bâtiment livré tous les 6
mois.
Pascal RAMOUNET