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Au
regard de la teneur des débats et des décisions prises dans les Etats
possédant l'arme nucléaire (légalement au regard du TNP ou non), il ya
quelques petites choses à remarquer. Il semble y avoir une convergence
dans les capacités développées, tout du moins, pour les grandes
orientations. Et cela pourrait plutôt nous rapprocher du temps de
l'apparition de l'arme atomique plutôt que celui des premiers traités de
limitation des armements puis de désarmement.
La
gestion des parcs de têtes nucléaires est assez synonyme de modération
et d'équilibrage. Les deux grands dans ce domaine, Russie et Etats-Unis,
semblent vouloir continuer à diminuer leur stock de têtes nucléaires,
bien que le dossier soit très sensible en ce qui concerne les armes
nucléaires tactiques. La France souhaite que l'OTAN demeure une alliance
nucléaire avec la présence d'armes nucléaires américaines en Europe
pour ne pas avoir à affronter la volonté allemande d'égalité avec Paris.
De l'autre côté, quelque soit les analyses produites sur la situation
en Ukraine, cela ne va inciter ni les pays d'Europe de l'Est, ni la
Russie à considérer favorablement un règlement sur la diminution ou le
tretrait de ces armes.
Dans le cas de la Chine, de l'Inde, du Pakistan et de la Corée du Nord (en allant dans le sens de Philippe Wodka-Gallien, oui, cet Etat est une puissance nucléaire), la transparence n'est pas la règle. La Chine est fortement suspectée de continuer à augmenter le volume de ses têtes nucléaires.
Le Pakistan l'est aussi. Pourquoi pas l'Inde ? Si les informations
allaient dans une confirmation d'une augmentation des stocks de têtes
nucléaires en Chine et au Pakistan, l'Inde aurait peut être intérêt à
maintenir son rang.
La récente décision annoncée par Moscou d'une remise en service de trains nucléaires
(porteur d'ICBM faut-il comprendre) illustre assez bien ce qui semble
être une orientation générale. Certains avancent qu'il s'agit surtout là
d'une mesure d'affichage. Ce qui demeure une diversification au sein de
l'un des pôles de la triade. La Chine, si elle n'utilise pas de train,
procède aussi d'une certaine diversification de ses vecteurs. Les
Etats-Unis n'ont pas décidé d'abandonner leur composante sol-sol par
missiles Minuteman.
Postulons
que ce n'est qu'un exemple, même symbolique, d'une orientation plus
large et profonde. Les appareils de dissuasion nucléaire s'étaient
structurés autour d'une triade après la rechercheur des porteurs idéaux
de la bombe au début du conflit Est-Ouest. En dehors de l'Angleterre et
de la France, la chute du mur de Berlin et ses conséquences ne remettent
nullement en cause cette triade chez les deux grands. La Chine
maintient ses efforts, notamment en direction des SNLE pour mettre en
place cette triade. Les puissances nucléaires non-officielles
diversifient également les vecteurs. L'Inde constitue actuellement sa
force de dissuasion océanique, le Pakistan et Israël sont fortement
suspectés de tenter la constitution d'une force côtière à partir de
sous-marins classiques.
La
triade serait donc toujours d'actualité. La Russie et les Etats-Unis
mainteniennet leur capacité de seconde frappe par une dissuasion
océanique. Le programme SSBN(X) de l'US Navy a un objectif affiché de 12
unités (contre 18 Ohio puis seulement 14 en service). La classe Boreï
de la VMF viserait entre 8 et 10 unités. Dans les deux, cela constraste
fortemment avec les grandes séries de SNLE qui avaient été mises en
service durant le conflit Est-Ouest.
Autre
remarque, ces deux nouvelles classes portent une double logique plutôt
paradoxale. Outre que le nombre d'unités projeté est modéré, le nombre de tubes l'est tout autant : 16.
Les Akula russes portaient 20 missiles contre 24 pour les Ohio. L'autre
fait notable est que le tonnage continue sa progression. Les SSBN(X) et
Boreï mesurent respectivement 171 et 170 mètres. Les Boreï
déplaceraient 24 000 tonnes en plongée et les SSBN(X) 21 000 tonnes.
Nous étions à 12 000 tonnes pour un Delta IV (16 tubes) et près de 19
000 tonnes pour Un Ohio (24 tubes).
La
Chine et l'Inde qui tentent de mettre en place une telle dissuasion
océanique ne sont pas encore dans cette évolution. Les Jin (11 000
tonnes) et les Ahirant (9000 tonnes) sont plus proche du tonnage des
SNLE des années 70 que de ceux d'aujourd'hui, ce qui illustre le
décalage entre les différentes dissuasions océaniques.
Ensuite,
il y a lieu de s'interroger sur la place que prendront les SNA dans les
stratégies de dissuasion. Aux Etats-Unis, en Angleterre, en France et
en Russie, il est notable que ces navires sont eux aussi dans une
surenchère de tonnage. Un Virgnia ou un Astute déplace 8000 tonnes en
plongée. Un Iassen déplacerait près de 12 000 tonnes. Si le Suffren
déplacera "que" 5400 tonnes, c'est à comparer aux 2600 des Rubis. Dans
tous ces cas, les SNA emportent une grande variété d'armes : torpilles,
missiles de croisière, missiles anti-navire à (très) longue portée.
Il
y a lieu de s'interroger sur une éventuelle (ré)introduction d'armes
nucléaires sur certains missiles. Cela pourrait offrir un complément aux
dissuasions océaniques qui auront moins de plateforme. Cela pourraient
aussi offrir une belle plateforme pour contourner les défenses
anti-missiles balistiques et les défenses aériennes qui peinent encore
aujorud'hui à traiter la menace des missiles de croisière.
Israël et le Pakistan seraient d'ores et déjà dans cette voie.
Les
composantes aéroportées ne sont pas oubliées : elle demeure en France,
aux Etats-Unis, en Russie et en Chine. L'Inde développerait un missile
de croisière emporté par chasseur-bombardier pour constituer une
composante aéroportée. Le Pakistan posséderait lui aussi des armes
nucléaires tactiques tirées depuis chasseur.
Ces
quelques considérations jetées de manière si grossières permettent de
constater que la triade est une valeur sûre des dissuasions nucléaires,
encore au XXIe. Les choix français et anglais de ne reposer que sur deux
composantes ou une seule dans le cas de Londres apparaît en décalage
totale avec la stratégie des moyens des autres puissances. Paris et
Londres ont ainsi désarmé unilatéralement sans que cela puisse
contribuer à un désarmement généralisé ou tout du moins une réduction.
Echec car toutes les puissances nucléaires actuelles n'abandonnent
aucune composante. Le nombre de têtes nucléaires, s'il semble continuer à
progresser pour certains arsenaux, diminuent pour d'autres. Ce qui
illustre que le plus important est de contourner les dispositifs
adverses et d'adapter la riposte ou la frappe à chaque adversaire. Le
parc de têtes nucléaires est-il une variable d'ajustement : vaut-il
mieux plus de composantes que plus de têtes ?
Autant
de considérations qui invite à appréhender de nouveaux les choix des
différents acteurs. D'observer les ambitions DAMB de Washington et de
missiles hypersoniques au regard de ce tableau. Et de questionner les
fondements de la dissuasion (notamment la capacité de seconde frappe) et
le dimensionnement des plateformes, le choix des vecteurs.
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