Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





16 juin 2015

Quelle portée pour le porte-avions ?

© U.S. Navy. Un B-25 décolle depuis l'USS Hornet (CV-8) le 18 avril 1942. L'Hornet participera également à la bataille de Midway (5-7 juin 1942).
"À toutes les époques de la stratégie navale, la disposition d'une capacité d'éclairage, permettant de localiser les flottes adverses, a presque systématiquement été considérée comme cruciale. La gigantesque superficie des mers et océans et la faible taille comparative des flottes (en particulier lorsqu'elles étaient regroupées afin de faciliter les communications entre les bâtiments les composant) imposaient de pouvoir détecter puis pister l'adversaire. Les capacités d'éclairage et de reconnaissance - et les contre-mesures qui peuvent leur être apportées - ne relèvent pas uniquement de l'utilisation des capteurs installés sur les bâtiments d'une flotte qui, au demeurant, peut avoir intérêt à ne pas utiliser ses radars afin de ne pas se faire repérer par l'adversaire. Historiquement, des "piquets" (bâtiments isolés, sous-marins ou bâtiment de surface) ou des écrans ASM et antinavires ont été positionnés en avant de la masse de bataille afin de déterminer l'axe de progression adverse et le volume de forces hostiles. L'éclairage, cependant, est fortement consommateur de forces devant, dès lors, être extraites du corps de bataille principal, certaines sources indiquant que de 15 à 20% des bâtiments britanniques étaient affectés à cette fonction durant la première et la seconde guerres mondiales. Les forces d'éclairage ont considérablement évolué par l'utilisation de sous-marins ou des aéronavales, quoi que les bâtiments de surface restent également utilisés."
Joseph Henrotin, Les fondements de la puissance navale au XXIe siècle, Economica, 2011, pp. 327-328.

Nous avons abordé brièvement la question de la vitesse du porte-avions, le volume de sa salve et la cadence de tir associée. Quelles sont les considérations qui nous permettent de tenter d'apprécier l'importance de l'allonge d'un porte-avions ? 

Depuis la guerre russo-japonaise (8 février 1904 - 5 septembre 1905) et le lancement du HMS Dreadnought (10 février 1906), le débat autour des cuirassés, Jeune école dans sa phase dévoyée mise à part, achèvera de reconnaître l'avantage décisif d'une plus longue portée d'une batterie principale contre celle de l'adversaire. L'amiral Darrieus écrira fera à ce sujet « cette observation philosophique que nous avons faite souvent concernant cette aspiration réelle de l'humanité vers le combat de plus en plus éloigné, dans le but de frapper l'adversaire le plus tôt possible. L'évolution continue des armes n'a pas eu d'autre cause depuis les premières querelles des hommes » (Cours de Tactique de 1903, tome III, p. 344, Amiral Darrieus cité dans  Vice-amiral Henri Darrieus et contre-amiral Bernard Estival, Gabriel Darrieus et la Guerre sur mer, SHD, 1955)

Rien ne semble entraver cette recherche d'une plus longue portée : la propulsion nucléaire navale, l'ère nucléaire, l'ère du missile et celle du cyberespace sont autant de facteurs qui militent pour sans cesse repousser l'horizon. La bataille de Midway (5-7 juin 1942) est la première de l'Histoire où deux flottes s'affrontent sans se voir. 

Nous retrouvons notre séparation de l'aviation navale embarquée. La configuration CATOBAR (Catapult Assisted Take-Off But Arrested Recovery) est la seule à garantir la symétrie des performances entre une voilure fixe opérant depuis la terre et la même opérant depuis la mer. Toutes les autres formules (STOBAR, STOVL, etc) voient une dissymétrie entre les performances d'une même voilure fixe opérant à terre et depuis un navire. 

Cette séparation se matérialise par des capacités opérationnelles différenciées entre les deux types de plateforme. En matière de maîtrise des mers, Hervé Coutau-Bégarie (Le problème du porte-avions, Économica, 1990) relevait qu' "on estime habituellement que la capacité d'information et de frappe est d'environ 200 milles nautiques autour des porte-avions français et de 400 à 500 autour des porte-avions américains. Cette zone d'influence devrait encore s'accroître en réponse à l'augmentation de la portée des missiles tactiques soviétiques. par comparaison, celle du porte-aéronefs n'excède pas 50 milles." (p. 82) Entre parenthèses, l'augmentation de la portée des torpilles au début du XXe siècle motivait l'augmentation de celle des canons, rôle repris par les missiles antinavires.  

Par rapport à notre citation introductive, reprenons l'exemple historique de la guerre des Malouines (2 avril 1982 - 14 juin 1982). Les porte-aéronefs britanniques n'embarquaient aucun appareil dédié à l'éclairage de la flotte (ni Fairey Gannet, ni E-2 Hawkeye, ni Sea King AEW) et les Harrier disposent alors d'une trop faible autonomie. C'est pourquoi le HMS Sheiffield est coulé par un missile Exocet tiré depuis un Super Etendard argentin (4 mai 1982) alors que le destroyer était en mission d'éclairage au profit de la task force britannique. 

Les porte-avions et porte-aéronefs peuvent emporter des appareils d'alerte aérienne avancée (voilures fixes ou tournantes). Au regard de la faible autonomie et du tout aussi faible rayon d'action des hélicoptères par rapport aux avions, l'éclairage de la flotte par hélicoptères de guet aérien consomme plus de machines pour un résultat moindre. Les différentes caractéristiques d'un E-2D Hawkeye et d'un Seak King ASaC 7 ou d'un EH101 Merlin AEW parlent d'elles-même tant en matière d'autonomie que de portée des plateformes et des senseurs embarqués.

Concernant les capacités d'attaque, nous présentions déjà les différences importantes en terme de volume de la salve. Pour les mêmes causes, les porte-avions mettent en œuvre des appareils bien plus lourds que les porte-aéronefs et possèdent donc une allonge bien plus importantes. Les chiffres présentés par Hervé Coutau-Bégarie en 1990 demeurent d'actualité. À moins d'observer un F-35B, un Su-33/Mig-29K, J-15 en configuration lourde ou un hélicoptère hybride porteur de missiles antinavires lourds, cette avantage du porte-avions sur le porte-aéronefs semble destiné à perdurer.

Par contre, nous semblons observer une nouvelle division à opérer entre les ponts plats. Mettons de côté le porte-aéronefs qui ne peut participer à la bataille de la portée la plus lointaine. Les porte-avions seront peut-être amenés à se diviser entre porte-avions lourds et légers. Non pas du point de vue du tonnage (bien que cela soit fortement lié) mais des capacités des catapultes : 
  • Les porte-avions américains depuis leurs catapultes à vapeur de 90 mètres et les futures catapultes électromagnétiques peuvent lancer des aéronefs, respectivement, de 36 et 45 tonnes. Ces caractéristiques permettent d'envisager la mise en œuvre de chasseurs embarqués dits de cinquième, sixième génération (Sukhoï T-50, etc) et/ou d'intercepteurs, d'appareils d'attaque, de guet aérien de grande autonomie ;
  • Les porte-avions légers, du fait de la faiblesse de leur catapultes, ne peuvent opérer des appareils de cinquième génération ou assimilables ou tout autres appareil de grande autonomie. 
Notre distinction peut paraître bien fragile. À l'horizon 2030, les porte-avions lourds ("supercarrier" dans la terminologie anglosaxonne) pourraient trouver une nouvelle justification. Non plus seulement dans la cadence de tir, mais dans la portée de la salve. La dernière mouture du nouveau porte-avions russe, « Projet 23000E » ou « Shtorm », vise à embarquer les Sukhoï T-50 (37 tonnes) via deux catapultes pour un déplacement estimé entre 90 000 et 100 000 tonnes. Face à des défenses qui progressent elles-aussi, notamment en Asie du Sud-Est, l'US Navy se contentera-t-elle des F-35B et C quand nous pouvons raisonnablement supposer que Russie et Chine embarqueront des chasseurs à l'autonomie bien plus importantes ?

Autre facteur de valorisation du porte-avions lourd, bien que la frontière soit poreuse avec le porte-avions léger : les défenses aériennes complexes et la diffusion de la puissance sous-marine risquent fort d'alimenter les réflexions pour embarquer à nouveau des appareils dédiés aux missions de suppression des défenses aériennes ennemies et anti-sous-marines. Missions pour lesquelles il existe de forts bons hélicoptères (comme le NH90 NFH pour la lutte ASM). Mais où les aéronefs à voilure fixe conservent encore et toujours l'avantage de l'allonge et l'autonomie.

L'aéronavale française n'a pas à rougir des performances du Rafale M. Pourtant, elle subirait un désavantage en terme de portée face à cette hypothétique GRAn (Groupe Aéronaval Russe). Il lui serait bien difficile d'allonger le rayon d'action du Rafale M suffisamment sans appareil spécialisé (Rafale M en mode "nounou", V-22, etc).
Le porte-avions Charles de Gaulle demeurerait à la limite du porte-avions lourd, mais toujours suffisamment capable pour se distinguer de tous les porte-aéronefs et des porte-avions légers. À moins de ne pas commander des EMALS américaines (90 mètres/45 tonnes), un éventuel PA2 demeurerait dans les porte-avions lourds.

7 commentaires:

  1. Il est clair que si un avion de type avion-cargo de 32t PTAC catapultable était développé par Dassault, ce serait un gros plus. Avec des versions tel que "guet aérien", "surveillance maritime" ou "avion léger pouvant atterrir sur des pistes très sommaires", cet avion pourrait faire un carton

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  2. De mémoire, Breguet ou une compagnie nationale en proposait un dans les années 1960.

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    1. Dans le cas présent, on pourrait même imaginer un avion de 32t capable de se poser sur porte avion, et de remplacer les C-235 de l'armée de l'air, avec éventuellement une voilure et un empennage différent. On pourrait ainsi avoir un avion produit en série avec au moins une douzaine d'appareil pour la marine et l'armée de l'air, non?

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    2. Il y avait déjà eu un billet sur le sujet avec une sorte de nouveau Tracker.

      http://lefauteuildecolbert.over-blog.fr/article-vers-un-carrier-on-board-delivery-multi-missions-pour-le-groupe-aerien-embarque-106869629.html

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    3. http://aerostories.free.fr/appareils/Br941/ ;)

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  3. Qu'il était beau cet avion ! De mémoire, il n'apparaît pas dans les candidats pour un COD dans les années 1960. Par contre, je n'ai pas besoin de souligner combien cet appareil aurait fait merveille dans toutes les OPEX en Afrique.

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  4. Correction à la dernière : le Bréguet Br 941S était bel et bien envisagé et/ou proposé pour les porte-avions à la même période que le C-130 était essayé sur le Forrestal.

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