Les films sur les opérations sous-marines, les vaisseaux noirs ou tout simplement les fonds marins (Abyss,
1989) sont presque un épiphénomène dans le monde du cinéma. Cette
grosse quarantaine de films ne sont pas grand chose à l’aune de la
production mondiale de cinéma. C’est peut-être même un décor oublié.
Pourtant, les meilleurs films furent stimulés par les tensions du XXe
siècle alors que les « zones grises » du XXIe n’inspirent pas ou plus.
D’autant plus paradoxal que l’objet le plus complexe pensé par l’homme
n’est pas le décor le plus difficile à investiguer tant les sous-marins
musés ou retirés du service sont nombreux de par le monde…
Le premier constat que nous pourrions
proposer est que les pellicules ne se portèrent que très tardivement sur
les submersibles et sous-marins. C’est une surprise de constater que
les premiers films n’apparaissent qu’au cours de la décennie 1950. Les
fictions présentées – selon nos humbles et rares connaissances – le
cadre de la deuxième guerre mondiale.
Parallèlement, l’Espace se voit bien
mieux représenter au cinéma et quasiment dès son apparition. Les
premiers films sur le sujet sont datés, au moins, de 1901. Et
bénéficient tout au long du XXe siècle de films divers, voire de chef
d’oeuvre. A croire que les fonds marins, portés comme la conquête
spatiale par des auteurs de science fiction, n’attirent pas les
objectifs. Il faudra attendre un demi-siècle après Le Voyage dans la Lune pour que 20 000 lieues sous les mers soit adapté au cinéma (1954). Toutefois, avec le film Sphère (1998, US) nous avons une sorte de Solaris (1972, URSS) sous-marin peut-être plus intéressant à explorer pour comparer, plutôt que son remake américain.
Ce qui revient à écrire, puisque c’est
la conclusion logique, que de la guerre civile américaine (12 avril 1861
au 9 avril 1865) jusqu’à l’entre-deux-guerres (1923-1939) ne suscitent
pas la curiosité, bien que l’histoire sous-marine soit – déjà ! – riche
en batailles, opérations et actions particulières. Modérons notre propos
car il existe notre propos CSS Hunley, le premier sous-marin (1999, US) mais aussi L’Aube (1933, GER) et Patrouille en Mer (1938, US). De très rares exceptions. Dernier exemple : Le sixième continent (1975, US/UK) profite de son sujet pour fuir les rigueurs de l’année 1916.
Dans cette optique, Das Boat de
Wolfgang Petersen vogue au-dessus du cinéma de guerre sous-marine car
suffisamment réussi (ce qui est rare dans cette matière) pour en devenir
l’archétype. Sans surprise, la deuxième bataille de l’Atlantique (Plongée à l’Aube (1943, UK) ; Torpilles sous l’Atlantique (1957, US) ; La Dernière Torpille (1958, US) et la guerre du Pacifique (Destination Tokyo (1943, US) ; Opération dans le Pacifique (1951, US) : La Bataille de la mer de Corail (1959, US) ; L’Odyssée du sous-marin Nerka
(1958, US) dominent largement. Avec un attrait particulier de l’autre
côté de la Manche pour les opérations sous-marines spéciales menées
contre le cuirassé Tirpitz (Opération Tirpitz (1955, UK) ; Le Raid suicide du sous-marin X1 (1969, UK). Enfin, Duel sous la mer
(1951, US) est l’occasion de quitte cette période pour entrer dans
l’ère du Conflit Est-Ouest via la guerre de la Corée, presque un film de
transition.
Par la suite, nous avons quelques
difficultés à voir ce décor particulier servir de vecteur de propagande.
Disons rapidement un mot sur une affaire un peu particulière.
Washington, Paris et Londres se livrent une (médiocre) bataille pour
ravir le trophée de la victoire sur Enigma. Les bien malheureux
polonais, sans qui, selon toute cohérence, peu de choses aurait été
possible (si vite) sont généralement oubliés de toute production
culturelle. Ce serait alors le Silent Service (U-571) qui aurait d’un côté de l’Atlantique ravi la victoire. Pour Londres, c’est son génial Alan Turing (Imitation Game,
2015) qui aurait réussi le coup décisif (bien qu’il était trop
homosexuel pour être remercié…). En France, l’ouverture des archives de
la DGSE au sujet d’une guerre qui s’est déroulée entre le deuxième et le
troisième âge (chronologie de Tolkien) souligne à merveille le
non-investissement d’une autre histoire française entre 1939 et 1945 où
il ne serait pas uniquement question de galipettes et d’Occupation.
Paris remporte la Palme d’or de l’absence quand il aurait été possible
d’effectuer une élégante politesse à l’égard de la Pologne dans un temps
stratégique où cela aurait pu être utile.
Entre parenthèses, l’un des rares, si ce n’est le seul !, film à proposer un sous-marin comme personne à part entière est Lorelei (2005). Film japonais où le croiseur sous-marin Surcouf tient un grand rôle. Pour en finir avec la Pologne, relevons Le sous-marin Orzel (1959).
Pour en revenir à la propagande, nous
n’avançons pas une absence ou une trop grande absence de ce décor
particulier. Rare sont les nations à projeter les actions sous-marines
dans les salles obscures. Nous trouvons des films américains,
britanniques, soviétiques et russes, allemands et japonais. Remarquez
qu’il n’y pas toutes les puissances sous-marines historiques on
actuelles, bien que les plus marquantes soient représentées. Toutefois,
il faut relativiser ce panorama. Le cinéma britannique, par exemple,
portent les exploits des midgets et des sous-marins de Sa
Majesté pendant la deuxième guerre mondiale, mais rien de très concret
depuis. Le genre aurait même tendance à demeurer confiner dans quelques
niches peu sérieuses, porté par des fictions ayant un lien distendu avec
le monde réel, et pourquoi pas disparaître ? C’est une remarque que
nous pourrions faire pour la Russie ou les États-Unis.
Même les « puissances » montantes du
septième art ne portent pas à l’écran l’action de leurs sous-marins. Le
Pakistan aurait pu vanter les réussites de ses sous-marins face à
l’Inde. Pékin ne nous a pas non plus gratifier des exploits de ses
sous-mariniers pour percer les défenses ASM du Japon ou des États-Unis.
Israël n’a pas non plus mis en avant le sacrifice de ses sous-mariniers
ni d’histoires savoureuses sur leur emploi dans depuis (?). L’Iran
aurait également de belles choses à raconter, entre opérations spéciales
et constitution d’une force ambitionnant de bloquer le détroit d’Ormuz.
Le conflit Est-Ouest est représenté par le trio Royaume-Uni,
États-Unis et URSS. Sans surprise, l’action portée à l’écran est
relativement simple. Ce qui nous permet d’échapper à un manichéisme trop
lourd est la focalisation particulière sur les transfuges entre les
deux blocs. De Le Voyage fantastique (1966, US) jusque À la poursuite d’Octobre Rouge (1990, US), le thème du traitre sabotant la mission est récurrent. Aux postes de combat
(1965, US) porte sur le devant de la scène, relativement tôt, un des
« jeux » les plus dangereux de la Guerre froide : le pistage des
sous-marins adverses. K-19 : Le Piège des profondeurs (2002)
voit Hollywood s’intéresser à un dilemme soviétique (éloigner les
systèmes d’armes nucléaires américains de l’URSS). Ce qui nous force à
dire qu’il y aurait un certain tabou autour des sous-marins perdus
pendant cette période, peut-être du fait de l’adversaire…
Par contre, le cinéma apocalyptique
s’est très vite emparé du vaisseau noir comme rescapé d’une grande
catastrophe, promenant son équipage vers une terre promise ou dans un
monde foncièrement hostile à l’être humain (Le Sous-marin de l’apocalypse (1961, US). L’Australie, terre promise de la Désolation nucléaire, tient un rôle particulier (Le Dernier rivage (1959, US). Éviter la troisième guerre mondiale est aussi un thème récurent (Le démon des eaux troubles (1954, US) ; Destination Zebra, station polaire (1968, US) ; USS Alabama (1995, US) ; Phantom (2013, US) tout comme, et tout simplement, une confrontation dantesque avec un ennemi inconnu. Le japonais Atragon (1963) est particulière à plus d’un titre, même s’il puisse une partie de son inspiration dans la littérature de Jules Verne.
Ce sont aussi les épisodes ou les thèmes
portés à l’écran qui continuent de surprendre l’amateur de cinéma. Ces
dernières années (2000-2015) les films de médiocres qualités se
multiplient. Ils quittent l’histoire navale pour investiguer d’autres
genre, comme le fantastique (Abîmes (2002, US), par exemple.
Nous ne trouvons pas de films au diapason de notre époque : complexe,
gris, etc. Par exemple, un film sur l’action du HMS Conqueror
pendant la guerre des Malouines offrirait un cadre particulièrement
ambitieux. Dernière guerre navale de haute intensité, l’ordre donné au
sous-marin de couler le croiseur argentin Belgrano permettait à la Royal Navy
de renvoyer la marine argentine dans ses ports. Décision politique dans
deux sociétés politiques troublés (dictature en Argentine, période
Tatcher au Royaume-Uni), lourde menace aéronavale argentine, choc dans
l’opinion mondial face aux morts, action victorieuse presque gênante,
etc… Black Sea (2014, UK) mène son intrigue dans la Mer Noire tout en
refusant d’affronter la réalité complexe de l’Est européen
d’aujourd’hui…
Cette maigre recension ne prétendait pas
à l’exhaustivité. Pourtant, il manquerait si peu de films pour
l’atteindre. Ce genre n’est pas riche de monuments du cinéma mondial,
c’est un euphémisme malheureusement. Même comme vecteur de propagande,
les sous-marins demeurent sous-employé alors que Zéro Dark Thirty
demeure un bon divertissement. Si les décors sont nombreux, les 150 ans
de guerre sous-marine riche de faits d’arme, pourquoi le cinéma est-il
si éloigné de ce monde ?
Bonne année 2016, cher Marquis,
RépondreSupprimerJe veux juste ajouter à votre liste le film Français "Casabianca" qui fut tiré du remarquable livre éponyme du Commandant Jean L'Herminier.
Je l'avais vu à l'école communale et mon intérêt pour les sous-marins est resté intact.
Il me paraît certain que les aventures Norvégiennes du "Rubis" du LV et futur amiral Cabanier auraient aussi mérité un film...
Quelle magnifique bourde que cet oubli !
RépondreSupprimerBonne année et mes meilleurs vœux de ma part, merci bien !