Nous avons eu l'extrême privilège de lire ce fabuleux ouvrage. Bien que comparaison ne soit pas raison, il ne peut qu'être l'équivalent britannique d'un ouvrage français trop peu cité : Les porte-avions français / des origines (1911) a nos jours (Francis Dousset, Paris, Presses de la Cité,1996). Dans un cas comme dans l'autre, le bel objet présente l'histoire aéronavale intégrale des ponts plats et des groupes aériens embarqués du pays concerné. Pour les Britanniques, le commander (CF) David Hobbs rend visite à l'histoire aéronavale britannique, source d'innovations et d'expériences riches et nombreuses.
De ces premières affectations dans Far East Fleet au contact des vétérans il développe le profond intérêt de l'auteur pour l'utilisation de la puissance aéronavale britannique pendant le XXe siècle. Non seulement il nous offre The British Pacific Fleet - The Royal Navy's Most Powerful Strike Force (Seaforth Publishing, 2011 (1er édition Naval Institute Press), 462 pages) mais aussi The British Carrier Strike Fleet : After 1945 (Seaforth Publishing, 2015, 480 pages).
Son exposé se décompose en pas moins de 40 chapitres et 5 annexes. Nous partons de l'intérêt de l'amirauté pour l'aviation (1908-1911), soit à la même période que la Marine nationale et les expérimentations menées sur l'aviso Bapaume. Sauf que de l'autre côté de la Manche, le processus sera bien plus soutenu avec la reconstruction des HMS Furious et Vindictive.
Au fil des chapitres, nous retrouvons l'ensemble des innovations aéronavales anglaises qui permirent, en liaison avec les développements américains, de transformer les premiers ponts plats d'outils expérimentaux à de véritable navires de combat apte à détrôner le cuirassé. Ce qui n'arrivait point en France, le Béarn, seule réalisation de l'entre-deux-guerres; étant délaissé tant du point de vue des aéronefs embarqués que ses modernisations. Mais il n'est pas oublié car présenté aux pages 66-67 dans le livre.
Au demeurant, nous changeons de stature dans le livre : de porte-avions à citer, après les réalisations étrangères de l'entre-deux-guerres, le Charles de Gaulle devient le premier exemple étranger à comparer avec les navires britanniques, suivi par le "PA-02" (pp. 353-354). Par contre, l'auteur ne tient pas compte des Clemenceau et Foch. Est-ce à croire qu'il n'y a pas une interaction franco-anglaise en matière aéronavale ?
Plus que le chapitre sur le project Habbakuk, nous avons été surpris de lire la mise en œuvre de maintenance carriers, soit les HMS Unicorn, Pioneer et Perseus. Par extension, c'est toute l'histoire de la British Pacific Fleet qui est à lire. C'est-à-dire la transposition à la mer du Commonwealth de la deuxième guerre mondiale. Dans le même esprit, l'auteur compare les différents groupes aéronavals dans les marines de Sa Majesté au début du XXIe siècle. Une chose à mettre, encore une fois, en parallèle avec l'incapacité française à animer la Communauté française, la Francophonie et ses volets naval et maritime.
Ces porte-aéronefs britanniques nous permettent de souligner que le passage de l'héritage de la Royal Navy en guerre à celle du conflit Est-Ouest (1947-1991) est bien détaillée. La constitution génétique des forces nous permet de visiter la genèse du CVA-01 avec en arrière-plans les commentaires d'Hervé Coutau-Bégarie (Le Problème du Porte-avions, Paris, Economica, 1991) sur une amirauté anglaise trop ambitieuse sur le plan technique : à trop vouloir un excellent navire, elle n'avait même pas matière à se contenter de deux bons porte-avions.
De là, nous avons tout le processus conduisant au porte-aéronefs STOVL mais aussi à une certaine déconstruction de la puissance aéronavale. En ce sens que les Britanniques, en parallèle avec les réflexions de l'amiral Zumwalt (US Navy) sur le Sea Control Ship, après avoir sophistiqué le porte-avions, le simplifie. Et s'inspirant de leur histoire aéronavale, ils tirent parti des chasseurs embarqués sur catapulte depuis des commerces mais aussi des MAC-ships (CVE) pour parvenir à de nouveaux porte-aéronefs auxiliaires exploitant toutes les possibilités des ADAV.
C'est pourquoi l'arrivée du F-35B doit être particulièrement observée dans une Royal Navy où les Queen Elizabeth débuteront leur carrière autant comme porte-aéronefs que comme porte-hélicoptères d'assaut. L'auteur nous propose ses derniers chapitres sur l'introduction future des UCAV, l'avenir du guet aérien et la place du porte-avions dans la Royal Navy eu égard aux enjeux... stratégiques du Sud-Est asiatique.
La boucle est bouclée. Il vous faut ce livre, de préférence avec son jumeau français. En son milieu, il y a le profilé de l'HMS Ark Royal, de quoi ajouter, en plus d'un bel ouvrage sur l'étagère, un magnifique cadre.
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