Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





17 mai 2020

Marine nationale : introduction du ravitaillement à la mer (1936 - 1943)

© SHM/SHD. Essais de ravitaillement à la mer entre croiseur Algérie et un contre-torpilleur vers 1940.

     L’introduction progressive de la « chauffe au mazout » dans les grandes marines entraînaient la formulation des premières politiques pétrolières qui se focalisaient, dans, un premier temps, sur les questions de transport puis, dans un deuxième temps, à celles relatives à la constitution de réserves. Vint seulement le troisième temps des premiers essais du ravitaillement à la mer d'un bâtiment de guerre par un pétrolier dès 1906. La Première Guerre mondiale généralisait le pétrole comme combustible et la Deuxième Guerre mondiale diffusait les techniques du ravitaillement à la mer. La Marine nationale se convertissait matériellement et doctrinalement entre 1936 et 1943 au « RAM ».


     L’ensemble des digressions suivantes sont puisées de l’ouvrage de MM. Jean Moulin et Patrick Maurand (Pétroliers-ravitailleurs, Rennes, Marines éditions, 2002, 248 pages) : toutes les pages précisées en sont issues, sauf mention contraire.

     La chauffe au mazout, en lieu et place du charbon, était introduite dans les marines de guerre entre la fin du XIXe siècle et l'entre-deux-guerres selon les obstacles techniques, matériels, fiscaux et économiques qui étaient ou non rencontrés. Par exemple, les premiers essais intervenaient en France dès 1887 et ce, jusqu'en 1894 avant que des bâtiments puis des classes entières soient entièrement pourvus dès 1900 et ce, jusqu'en 1914. Le Narval (1900 – 1909) de Laubeuf incarnait l'archétype du submersible moderne, mais devenait également l’un des premiers – si ce n’est le premier – submersible à chauffer au mazout. Les classes suivantes passaient déjà au diesel dès 1905 (pp. 6 – 9).

     La Première Guerre mondiale jouait un rôle d'accélérateur, notamment parce que les petits bâtiments réclamés pour la lutte anti-sous-marine, construits à raison de plusieurs millions de tonnes dans les principales marines, voyaient les moteurs diesels et à essence être fabriqués plus rapidement que les machines à vapeur. Hormis quelques résistances après 1918, la chauffe aux différents produits pétroliers s’imposait dans l'entre-deux-guerres (p. 9).




     Les essais de ravitaillement à la mer par des charbonniers équipés de mâts de charge, voire de dispositifs adaptés furent effectués, par exemple entre le charbonnier AC-4 USS Cyclops (1917 - 1918) et le cuirassé BB-26 USS South Carolina (1910 - 1921) en 1913 (p. 17). Mais ils ne donnèrent pas satisfaction, notamment car ils exigeaient une mer belle : ce qui ne se commande pas. Ne restait alors que la possibilité de se ravitailler à couple, en panne, ou bien au mouillage, sur rade foraine ou tout simplement au port ou dans une base navale.

     L'introduction des différents produits pétroliers - mazout, naphtes, diesel, essence - n'enlèvent pas leurs qualités communes : outre une bien meilleure densité énergétique par unité de masse, ces produits sont à l'état liquide et donc potentiellement bien plus facile à transférer d'un bâtiment à l'autre en pleine mer et en marche.

Les premiers essais de ravitaillement à la mer furent menés dès 1906 entre le cuirassé HMS Victorious (1896 – 1920) de classe Majestic et un pétrolier. Ils développèrent la technique du ravitaillement par la remorque où le ravitaillé vient se positionner en flèche du ravitailleur. Le premier essai était l'exception qui confirmait la règle car c’était le HMS Victorious qui prenait en remorque le pétrolier : grâce à une manche de 270 mètres, la remorque doublait d’une manche de 270 mètres permettait de transférer 80 tonnes alors même les deux bâtiments marchaient à 12 nœuds. Mais très étonnamment les essais n’eurent pas de suite pendant toute la guerre (p. 17).

     L'US Navy (pp. 17 – 18) se lançait dans la course en commandant les deux premiers oilers spécifiquement conçus pour le ravitaillement à la mer des bâtiments d’une marine de guerre, et non pas comme tanker devant servir au transport de produits pétroliers pour se substituer à la marine marchande. Les AO-1 USS Kanawha (1915 - 1934) et AO-2 USS Maumee (1916 - 1946) étaient achevés en 1915 et 1916. Un premier essai était mené le 13 avril 1913 entre l'AO-7 USS Arethusa (1898 - 1922) – transporteur pétrolier transformé en oiler - et le DD-30 USS Warrington (1911 - 1920).


© US Navy. Maumee replenishes McCall’s fuel bunkers, 22 September 1917. Note the red “Baker” refueling flag flying from the destroyer. (Naval History and Heritage Command Photograph NH 93098)

Après l'entrée en guerre des États-Unis d'Amérique le 6 avril 1917, et pour donner suffisamment d'allonge aux destroyers à envoyer en Europe, l’AO-2 USS Maumee prenait position au milieu de l'océan Atlantique et ravitaillait ses six premiers destroyers dès le 28 mai 1917 et continuait ainsi jusqu'au 5 juillet 1917, période au cours de laquelle le bâtiment ravitaille 34 destroyers (p. 18). C'est un certain Lieutenant Chester Nimitz, officiait à bord de l’AO-2 USS Maumee qui met au point et perfectionnait le procédé (Thomas Wildenberg, « Chester Nimitz and the Development of Fueling at Sea », Naval War College Review, 46, n°4, automne 1993, pp. 50 – 62).

Après la Première Guerre mondiale (p. 18), les essais reprenaient aux États-Unis dès le mois d'avril 1923, l'AO-3 USS Cuyama (1917 - 1946) soutenait huit destroyers en les ravitaillant à raison de deux par deux, soit un de chaque bord. Le remorquage en flèche était essayé dès décembre 1924 entre l'AO-1 USS Kanawha (1915 - 1934) et le BB-39 USS Arizona (1916 - 1941) par une remorque à laquelle était suspendue une manche au-dessus de l'eau. Mais technique abandonnée dès le 1er avril 1931. La perspective de l'affrontement avec l'Empire du Soleil Levant stimulait la reprise des essais entre les 11 et 13 juin 1939 avec le premier ravitaillement d'un porte-avions, en l'espèce le CV-3 USS Saratoga (1927 – 1946) par l'AO-1 USS Kanawha (1915 - 1934).

     La Royal Navy reprenait, en 1937, pour la première fois les essais de ravitaillement à la mer et en marche depuis 1906. La technique de la remorque combinée à une manche suspendue à cette dernière pour ravitaillée un bâtiment en flèche était reprise. La seule modification était que c’était bien le remorqué qui devait être ravitaillé et non l'inverse. Avec une manche de 180 mètres, le débit atteignait 140 tonnes à l'heure contre 80 en 1906. Cette solution opérationnelle se généralisait dès 1939 (p. 17). 

     Les essais de ravitaillement débutaient en France dès 1936 (pp. 18 – 19), près d’une année avant la consœur britannique. L’optique était de pallier des défauts de la Flotte française lancée depuis 1919, à savoir le manque d'autonomie à la mer, notamment pour les contre-torpilleurs devant accompagner croiseurs, cuirassés, porte-aéronefs et porte-avions.

Le 16 juin un essai à la mer était effectué en baie de Seine entre les contre-torpilleurs L'Indomptable (1934 – 27 novembre 1942) – classe Le Fantasque – jouant le ravitailleur et le Valmy (1929 – 1945) de la classe Guépard (programme 1925) jouant, lui, le ravitaillé. Le cuirassé Provence (1916 – 27 novembre 1942) – classe Bretagne – et le torpilleur Orage (1926 – 1940) du type Bourrasque s'essayait à l'exercice le 18 novembre puis le 5 décembre de la même année. Ils employaient une manche de 80 puis de 120 mm avec un débit à l'heure de 20 tonnes (pp. 18 – 19).

D'autres essais furent menés durant l'année 1938 : par exemple le 27 avril entre les croiseur Jean de Vienne (1937 – 27 novembre 1942) – classe La Galissonnière – et torpilleur Le Fortuné (1927 – 1950) de la classe l’Adroit au moyen d'une manche de 80 mm permettant de débiter 23 tonnes à l'heure (pp. 18 – 19).

En janvier 1939, l'escadre de l'Atlantique qui préconisait la méthode du remorquage en flèche et une note du 6 prescrivait l'installation du matériel nécessaire au ravitaillement à la mer sur les contre-torpilleurs récents, les croiseurs et les bâtiments de ligne. L'escadre de la Méditerranée essayait le ravitaillement à la mer de contre-torpilleurs auprès du croiseur qu'ils accompagnaient (pp. 18 – 19).

Le 20 octobre, l'état-major demandait des essais avec la méthode britannique, à couple, avec gouttières (though method). Le croiseur de combat Dunkerque (1937 – 27 novembre 1942) et le contre-torpilleur L'Indomptable (1934 – 27 novembre 1942) – classe Le Fantasque – essayait cette méthode, à couple et en marche, le 28 octobre 1939 (p. 19).

Et le capitaine de corvette Géli était chargé d'une mission d'étude sur le ravitaillement à la mer pour laquelle il était envoyé à Londres les 15 et 16 décembre 1939. Le résultat se matérialisait dès le 15 mars 1940 (p. 19) quand le transport pétrolier Le Mékong (1929 – 1956) réussissait la manœuvre de ravitaillement, en marche, avec le contre-torpilleur Le Fantasque (1935 – 1953).

Le 2 avril 1940, une instruction prévoyait la mise en place sur les bâtiments susceptibles de la recevoir d'une canalisation intérieure débouchant à l'avant. Le ravitaillement en flèche semblait être préféré. Mais l'entraînement progressant, la méthode du ravitaillement à la mer, à couple, se généralise fin 1940, notamment parce que cela exige moins de travaux. Néanmoins, le croiseur La Galissonière (1936 – 27 novembre 1942) et le torpilleur d'escadre Le Mars (1938 - ?) font encore des essais par remorquage en flèche en novembre 1940 (p. 19).

     Fin 1942 signifie le retour dans les combats des Alliés de toute la Marine nationale réunifiée par absorption progressive des Forces Navales Françaises Libres (FNFL). Cette intégration ajoutée à l'acculturation des FNFL généralisait l'ensemble des méthodes de ravitaillement à la mer alors en vigueur.

Les contre-torpilleurs Le Fantasque (1935 – 1953) et Le Terrible (1936 – 1962) de la classe Le Fantasque devaient traverser l'Atlantique pour aller être modernisés aux États-Unis et pour ce faire, ils se ravitaillèrent auprès de l'AO-36 USS Kennebec (1942 - 1970). Il en sera de même pour les torpilleurs de 1500 tonnes entre le Maroc et les Bermudes en 1943. Le torpilleur Tempête (1936 – 1950) – classe Bourrasque –, intégré au convoi GUS 6, était ravitaillée par l'A0-68 USS Chiwawa (1942 - 1946) le 17 puis le 22 avril 1943 (p. 20).

Le contre-torpilleur Le Triomphant (1936 – 1957) toujours de la classe Le Fantasque, pour faire la route depuis Fremantle à Madagascar, devait ravitailleur soit avec le pétrolier USS Cedar Mills (1943 – 1945) qu'il escortait, soit à Diego-Garcia. Mais un incident le 29 novembre lors d'un ravitaillement à couple était le début de difficultés aggravé par la survenue d'un cyclone (p. 20).

L'achèvement de l'introduction d'un ravitaillement à la mer était rendu possible par l'équipement des pétroliers l'Elorn (1931 – 1958) en janvier 1943 et du Var (1931 – 1959) en août 1943 afin qu'ils puissent ravitailler des escorteurs lors des convois. Non seulement la Marine nationale avait mené ses propres essais de ravitaillement à la mer (1936 - 1940) puis développé ses propres techniques opérationnelles en la matière avec une première préférence pour la présentation en flèche avant que la présentation à couple se généralise (1940) mais l'acculturation aux techniques opérationnelles des Alliés et l'adaptation de deux pétroliers français lui donnait, de facto, ses deux premiers pétroliers-ravitailleurs. L'après-guerre sera consacré, notamment, à la reconstitution des capacités logistiques par l'entretien des unités existantes, l'achèvement des coques retrouvées à la Libération et le lancement de nouvelles.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire