© SHM/SHD. Essais de
ravitaillement à la mer entre croiseur Algérie et un
contre-torpilleur vers 1940.
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L’introduction
progressive de la « chauffe au mazout » dans les grandes marines
entraînaient la formulation des premières politiques pétrolières qui se
focalisaient, dans, un premier temps, sur les questions de transport puis, dans
un deuxième temps, à celles relatives à la constitution de réserves. Vint
seulement le troisième temps des premiers essais du ravitaillement à la mer
d'un bâtiment de guerre par un pétrolier dès 1906. La Première Guerre mondiale
généralisait le pétrole comme combustible et la Deuxième Guerre mondiale
diffusait les techniques du ravitaillement à la mer. La Marine nationale se
convertissait matériellement et doctrinalement entre 1936 et 1943 au « RAM ».
L’ensemble des
digressions suivantes sont puisées de l’ouvrage de MM. Jean Moulin et Patrick
Maurand (Pétroliers-ravitailleurs, Rennes, Marines éditions,
2002, 248 pages) : toutes les pages précisées en sont issues, sauf mention
contraire.
La chauffe au mazout,
en lieu et place du charbon, était introduite dans les marines de guerre entre
la fin du XIXe siècle et l'entre-deux-guerres selon les obstacles techniques,
matériels, fiscaux et économiques qui étaient ou non rencontrés. Par exemple, les
premiers essais intervenaient en France dès 1887 et ce, jusqu'en 1894 avant que
des bâtiments puis des classes entières soient entièrement pourvus dès 1900 et
ce, jusqu'en 1914. Le Narval (1900 – 1909) de Laubeuf incarnait l'archétype
du submersible moderne, mais devenait également l’un des premiers – si ce n’est
le premier – submersible à chauffer au mazout. Les classes suivantes passaient
déjà au diesel dès 1905 (pp. 6 – 9).
La Première Guerre
mondiale jouait un rôle d'accélérateur, notamment parce que les petits
bâtiments réclamés pour la lutte anti-sous-marine, construits à raison de plusieurs
millions de tonnes dans les principales marines, voyaient les moteurs diesels
et à essence être fabriqués plus rapidement que les machines à vapeur. Hormis
quelques résistances après 1918, la chauffe aux différents produits pétroliers
s’imposait dans l'entre-deux-guerres (p. 9).
Les essais de
ravitaillement à la mer par des charbonniers équipés de mâts de charge, voire
de dispositifs adaptés furent effectués, par exemple entre le charbonnier AC-4
USS Cyclops (1917 - 1918) et le cuirassé BB-26 USS South
Carolina (1910 - 1921) en 1913 (p. 17). Mais ils ne donnèrent pas
satisfaction, notamment car ils exigeaient une mer belle : ce qui ne se
commande pas. Ne restait alors que la possibilité de se ravitailler à couple,
en panne, ou bien au mouillage, sur rade foraine ou tout simplement au port ou
dans une base navale.
L'introduction des
différents produits pétroliers - mazout, naphtes, diesel, essence - n'enlèvent
pas leurs qualités communes : outre une bien meilleure densité énergétique par
unité de masse, ces produits sont à l'état liquide et donc potentiellement bien
plus facile à transférer d'un bâtiment à l'autre en pleine mer et en marche.
Les premiers essais de
ravitaillement à la mer furent menés dès 1906 entre le cuirassé HMS Victorious
(1896 – 1920) de classe Majestic et un pétrolier. Ils développèrent la
technique du ravitaillement par la remorque où le ravitaillé vient se
positionner en flèche du ravitailleur. Le premier essai était l'exception qui
confirmait la règle car c’était le HMS Victorious qui prenait en
remorque le pétrolier : grâce à une manche de 270 mètres, la remorque doublait
d’une manche de 270 mètres permettait de transférer 80 tonnes alors même les
deux bâtiments marchaient à 12 nœuds. Mais très étonnamment les essais n’eurent
pas de suite pendant toute la guerre (p. 17).
L'US Navy (pp. 17 – 18)
se lançait dans la course en commandant les deux premiers oilers
spécifiquement conçus pour le ravitaillement à la mer des bâtiments d’une
marine de guerre, et non pas comme tanker devant servir au transport de
produits pétroliers pour se substituer à la marine marchande. Les AO-1 USS Kanawha
(1915 - 1934) et AO-2 USS Maumee (1916 - 1946) étaient achevés en
1915 et 1916. Un premier essai était mené le 13 avril 1913 entre l'AO-7 USS Arethusa
(1898 - 1922) – transporteur pétrolier transformé en oiler - et le DD-30
USS Warrington (1911 - 1920).
Après l'entrée en guerre des États-Unis d'Amérique le 6 avril 1917, et pour donner suffisamment d'allonge aux destroyers à envoyer en Europe, l’AO-2 USS Maumee prenait position au milieu de l'océan Atlantique et ravitaillait ses six premiers destroyers dès le 28 mai 1917 et continuait ainsi jusqu'au 5 juillet 1917, période au cours de laquelle le bâtiment ravitaille 34 destroyers (p. 18). C'est un certain Lieutenant Chester Nimitz, officiait à bord de l’AO-2 USS Maumee qui met au point et perfectionnait le procédé (Thomas Wildenberg, « Chester Nimitz and the Development of Fueling at Sea », Naval War College Review, 46, n°4, automne 1993, pp. 50 – 62).
Après la Première
Guerre mondiale (p. 18), les essais reprenaient aux États-Unis dès le mois
d'avril 1923, l'AO-3 USS Cuyama (1917 - 1946) soutenait huit
destroyers en les ravitaillant à raison de deux par deux, soit un de chaque
bord. Le remorquage en flèche était essayé dès décembre 1924 entre l'AO-1 USS Kanawha
(1915 - 1934) et le BB-39 USS Arizona (1916 - 1941) par une remorque
à laquelle était suspendue une manche au-dessus de l'eau. Mais technique abandonnée
dès le 1er avril 1931. La perspective de l'affrontement avec l'Empire du Soleil
Levant stimulait la reprise des essais entre les 11 et 13 juin 1939 avec le
premier ravitaillement d'un porte-avions, en l'espèce le CV-3 USS Saratoga
(1927 – 1946) par l'AO-1 USS Kanawha (1915 - 1934).
La Royal Navy
reprenait, en 1937, pour la première fois les essais de ravitaillement à la mer
et en marche depuis 1906. La technique de la remorque combinée à une manche
suspendue à cette dernière pour ravitaillée un bâtiment en flèche était reprise.
La seule modification était que c’était bien le remorqué qui devait être
ravitaillé et non l'inverse. Avec une manche de 180 mètres, le débit atteignait
140 tonnes à l'heure contre 80 en 1906. Cette solution opérationnelle se
généralisait dès 1939 (p. 17).
Les essais de
ravitaillement débutaient en France dès 1936 (pp. 18 – 19), près d’une année
avant la consœur britannique. L’optique était de pallier des défauts de la
Flotte française lancée depuis 1919, à savoir le manque d'autonomie à la mer,
notamment pour les contre-torpilleurs devant accompagner croiseurs, cuirassés,
porte-aéronefs et porte-avions.
Le 16 juin un essai à
la mer était effectué en baie de Seine entre les contre-torpilleurs L'Indomptable
(1934 – 27 novembre 1942) – classe Le Fantasque – jouant le
ravitailleur et le Valmy (1929 – 1945) de la classe Guépard
(programme 1925) jouant, lui, le ravitaillé. Le cuirassé Provence
(1916 – 27 novembre 1942) – classe Bretagne – et le torpilleur Orage
(1926 – 1940) du type Bourrasque s'essayait à l'exercice le 18 novembre
puis le 5 décembre de la même année. Ils employaient une manche de 80 puis de
120 mm avec un débit à l'heure de 20 tonnes (pp. 18 – 19).
D'autres essais furent
menés durant l'année 1938 : par exemple le 27 avril entre les croiseur Jean
de Vienne (1937 – 27 novembre 1942) – classe La Galissonnière
– et torpilleur Le Fortuné (1927 – 1950) de la
classe l’Adroit au moyen d'une manche de 80 mm permettant de débiter 23
tonnes à l'heure (pp. 18 – 19).
En janvier 1939,
l'escadre de l'Atlantique qui préconisait la méthode du remorquage en flèche et
une note du 6 prescrivait l'installation du matériel nécessaire au
ravitaillement à la mer sur les contre-torpilleurs récents, les croiseurs et
les bâtiments de ligne. L'escadre de la Méditerranée essayait le ravitaillement
à la mer de contre-torpilleurs auprès du croiseur qu'ils accompagnaient (pp. 18
– 19).
Le 20 octobre,
l'état-major demandait des essais avec la méthode britannique, à couple, avec
gouttières (though method). Le croiseur de combat Dunkerque
(1937 – 27 novembre 1942) et le contre-torpilleur L'Indomptable (1934
– 27 novembre 1942) – classe Le Fantasque – essayait cette
méthode, à couple et en marche, le 28 octobre 1939 (p. 19).
Et le capitaine de
corvette Géli était chargé d'une mission d'étude sur le ravitaillement à la mer
pour laquelle il était envoyé à Londres les 15 et 16 décembre 1939. Le résultat
se matérialisait dès le 15 mars 1940 (p. 19) quand le transport pétrolier Le
Mékong (1929 – 1956) réussissait la manœuvre de ravitaillement,
en marche, avec le contre-torpilleur Le Fantasque (1935 – 1953).
Le 2 avril 1940, une
instruction prévoyait la mise en place sur les bâtiments susceptibles de la
recevoir d'une canalisation intérieure débouchant à l'avant. Le ravitaillement
en flèche semblait être préféré. Mais l'entraînement progressant, la méthode du
ravitaillement à la mer, à couple, se généralise fin 1940, notamment parce que
cela exige moins de travaux. Néanmoins, le croiseur La Galissonière
(1936 – 27 novembre 1942) et le torpilleur d'escadre Le Mars
(1938 - ?) font encore des essais par remorquage en flèche en novembre
1940 (p. 19).
Fin 1942 signifie le
retour dans les combats des Alliés de toute la Marine nationale réunifiée par
absorption progressive des Forces Navales Françaises Libres (FNFL). Cette
intégration ajoutée à l'acculturation des FNFL généralisait l'ensemble des
méthodes de ravitaillement à la mer alors en vigueur.
Les contre-torpilleurs Le
Fantasque (1935 – 1953) et Le Terrible (1936
– 1962) de la classe Le Fantasque devaient traverser l'Atlantique
pour aller être modernisés aux États-Unis et pour ce faire, ils se
ravitaillèrent auprès de l'AO-36 USS Kennebec (1942 - 1970). Il
en sera de même pour les torpilleurs de 1500 tonnes entre le Maroc et les
Bermudes en 1943. Le torpilleur Tempête (1936 – 1950) – classe Bourrasque
–, intégré au convoi GUS 6, était ravitaillée par l'A0-68 USS Chiwawa
(1942 - 1946) le 17 puis le 22 avril 1943 (p. 20).
Le contre-torpilleur Le
Triomphant (1936 – 1957) toujours de la classe Le Fantasque,
pour faire la route depuis Fremantle à Madagascar, devait ravitailleur soit
avec le pétrolier USS Cedar Mills (1943 – 1945)
qu'il escortait, soit à Diego-Garcia. Mais un incident le 29 novembre lors d'un
ravitaillement à couple était le début de difficultés aggravé par la survenue
d'un cyclone (p. 20).
L'achèvement de
l'introduction d'un ravitaillement à la mer était rendu possible par
l'équipement des pétroliers l'Elorn (1931 – 1958) en janvier 1943
et du Var (1931 – 1959) en août 1943 afin qu'ils puissent
ravitailler des escorteurs lors des convois. Non seulement la Marine nationale
avait mené ses propres essais de ravitaillement à la mer (1936 - 1940) puis
développé ses propres techniques opérationnelles en la matière avec une
première préférence pour la présentation en flèche avant que la présentation à
couple se généralise (1940) mais l'acculturation aux techniques opérationnelles
des Alliés et l'adaptation de deux pétroliers français lui donnait, de facto,
ses deux premiers pétroliers-ravitailleurs. L'après-guerre sera consacré,
notamment, à la reconstitution des capacités logistiques par l'entretien des unités
existantes, l'achèvement des coques retrouvées à la Libération et le lancement
de nouvelles.
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