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La Marine portugaise (Marinha Portuguesa) a désarmé le NRP Bérrio (1993 - 2020) le 1er juin 2020 et ce, de manière anticipée en raison de difficultés rencontrées lors de l'inspection préalable au prolongement de son premier pétrolier-ravitailleur. Son désarmement, intervenu le 1er juin 2020, laisse le Portugal sans capacité à soutenir ses déploiements hauturiers mais sans capacité logistique navale tout court : le passage de l'ouragan Lorenzo (23 septembre 2019 - 5 octobre 2019) et les dégâts causés, certes jugés non-majeurs, avait tout de même nécessité l'emploi du NRP Bérrio afin de projeter 290 militaires et du matériel.
Le NRP Bérrio (1993 - 2020) est l'ancien RFA Blue Rover (1970 - 1993) issu de la classe Rover (5). Ce bâtiment avait été commandé en janvier 1968. Sa construction débutait par la pose de la quille le 18 janvier 1969. Coque lancée le 11 novembre 1969 et bâtiment rejoignant le service au sein de la Royal Fleet Auxiliary le 15 juillet 1970. Son chantier avait été entaché par un incendie ayant coûté la vie à deux ouvriers du chantier naval Swan Hunter (Hebburn, Angleterre).
Il est, accessoirement, un vétéran de la guerre des Malouines (2 avril - 14 juin 1982) durant laquelle il a officié comme base logistique en Géorgie du Sud. Il avait également été employé comme yatch royal durant le « Pacific Tour » (1971 - 1972) durant lequel il avait perdu son gouvernail et avait dû être remorqué jusqu'à Singapour.
Le RFA Blue Rover (1970 - 1993) bénéficiait d'un dernier grand entretien en mars 1991. Il avait été désarmé le 23 février 1993 et cédé à la Marinha Portuguesa qui l'avait alors rebaptisé NRP Bérrio (1993 - 2020) dès le 31 mars 1993, date à laquelle il a été réadmis au service actif sous ses nouvelles couleurs. Il porte le nom de l'une des trois caravelles du navigateur Vasco da Gama (1469 - 1524), à savoir les São Gabriel, São Rafael et Berrio (1497 - 1500 ?).
La carrière opérationnelle de NRP Bérrio (1993 - 2020) est riche de missions de diplomatie navale, diplomatie de défense (Cap Vert, São Tomé-et-Príncipe, golfe de Guinée, etc) et de soutiens aux unités navales déployées. Sa plus notable mission est sa participation à l'Operação Crocodilo :
Les Armées portugaises intervenaient dans l'ancienne ancienne Guinée portugaise (1841 - 1974) et dans la cadre de la guerre civile de Guinée-Bissau (7 juin 1998 - 10 mai 1999) ayant opposé les forces militaires fidèles au gouvernement du président Nino Vieira et celles qui se regroupent autour d'une « junte militaire » dirigée par le général Ansumane Mane. L'opération impliquait une force conjointe des trois Armées, avec un groupe naval constitué et composé de la frégate NRP Vasco da Gama (1991), avec deux hélicoptères Super Lynx Mk95 (détachement MUTTLEY), par les corvettes NRP João Coutinho (1970 - 2018) et NRP Honório Barreto (1970 - 1999) et le pétrolier-ravitailleur NRP Bérrio (1993 - 2020). Le NRP Bérrio embarquant plus particulièrement le détachement terrestre.
Cette opération, relevant de la diplomatie navale dite « de crise », et plus particulièrement de la « diplomatie protectrice » et de la « diplomatie humanitaire » selon la typologie établie par le professeur Hervé Coutau-Bégarie (Le meilleur des ambassadeurs - Théorie et pratique de la diplomatie navale, Paris, Economica, 2010, 401 pages), visait l'évacuation de ressortissants portugais qu'à prendre contact avec les différents protagonistes et participer à la médiation et aux négociations par l'aide logistique offerte par le détachement aéronautique.
La question de la perpétuation de la capacité de logistique navale s'inscrit dans le concert de documents stratégiques portugais. La pièce centrale en est le Livro Branco da Defesa Nacional (2001). Il a été accompagné par le Concept stratégique de défense nationale (2003) qui avait été publié à la suite d'une résolution du Conseil des ministres (Resolução do Conselho de Ministros n°6/2003 – Conceito Estratégico de Defesa Nacional). La réforme « Défense 2020 » est la dernière pierre notable à l'édifice stratégique portugais dont l'objet est de modifier substantiellement son architecture et, notamment, la répartition des dépenses. Et la programmation militaire portugaise a été récemment révisée dans le cadre de la lei de programação militar (2019 - 2030) qui se décompose en trois quadriénio : c'est-à-dire en autant de législatures (quatre années) de l'Assembleia da República.
En janvier 2019, au plus tard, décision avait été prise de mener un dernier grand carénage du pétrolier-ravitailleur NRP Bérrio (1993 - 2020) afin de pouvoir le faire durer au service dix années supplémentaires afin de l'emmener jusqu'en 2028. Cela devait être sa deuxième prolongation au service sous les couleurs portugaises. Le chantier devait débuter en 2022, pour environ douze mois de travaux, dont la rénovation des cuves, la révision des machines, de la coque, des générateurs et d'autres équipements, pour des dépenses de l'ordre de 10 à 20 millions d'euros. L'absence du NRP Bérrio devait être compensée par « l'éventuel soutien logistique » de l'OTAN.
Cependant, la conduite de l'inspeção técnica pormenorizada (ou inspection technique détaillée) révélait deux avaries dont l'une touchant la propulsion et qui a été découverte ou plutôt subie au retour du déploiement conduit en octobre 2019 aux Açores. La manière par laquelle sont formulées ces conclusions laisse à croire, hypothétiquement, une usure irréversible ou économiquement non-viable à réparer, de la propulsion : situation très similaire à celle rencontrée par la Marine Royale Canadienne quand les AOR 509 HMCS Protecteur (1969 - 2015) et AOR 510 HMCS Preserver (1970 - 2016) durent être retirés prématurément du service en raison d'inspections de routine menées en 2014. La Marinha Portuguesa est amputée de sa capacité de projection et réduite à la seule autonomie de ses unités navales, entre deux escales, interdisant presque de conduire des opérations lointaines et dans le contexte de la demande du Portugal d'extension de ses zones économiques exclusives.
Tout du moins, le ou les fragilités structurelles constatées furent suffisamment critiques pour que l'Amiral António Maria Mendes Calado (1er mars 2018), Chefe do Estado-Maior da Armada, décidait le 28 janvier 2020 que le NRP Bérrio (1993 - 2020) sera désarmé très prochainement, ce qui fût fait le 1er juin 2020. Et le CEMM de la Marinha Portuguesa d'admettre devant les députés de la commission de la défense nationale que dans l'attente d'une reconstitution de la capacité opérationnelle désormais perdue, les missions devront être conduites d'une autre manière (Leia Também, « Marinha tentou comprar navio em segunda mão a Espanha », TVi 24, 28 avril 2020).
La question de la succession du NRP Bérrio (1993 - 2020) s'est publiquement posée, au plus tard, le 1er septembre 2016 quand le Ministério da Defesa Nacional envisageait l'acquisition d'un nouveau bâtiment logistique et de soutien. Et elle avait été inscrite dans lei de programação militar révisée en 2019 comme deuxième priorité, après la première qui est l'achèvement du programme Navios Patrulha Oceânicos ou NPO 2000 (classe Viana do Castelo (4 + 6 (2024 (1), 2025 (1), 2026 (1), 2027 (1), 2028 (1) et 2029 (1) tandis que la troisième est le lancement du programme Navio Polivalente Logístico attendu depuis le début des années 2000.
Les plans détaillés du successeur du NRP Bérrio auraient dû être établies, eu plus tard, en 2024 afin que sa construction puisse débuter en 2025 et occuper le chantier naval désigné pendant trois années. L'introduction au service actif serait intervenue en 2028. L'enveloppe financière allouait au programme devait être de 150 millions d'euros et comprendre non seulement la fourniture du futur pétrolier-ravitailleur mais également le soutien logistique intégré, du matériel et des équipements à fournir par l'Etat portugais.
La programmation militaire portugaise est bousculée par la perte soudaine d'une capacité stratégique essentielle dont l'utilité a été maintes fois démontrée depuis 1993. Bénéficier du soutien logistique de l'OTAN pendant les douze mois d'immobilisation du NRP Bérrio (1993 - 2020) avait été envisagée par la Marinha Portuguesa mais eu égard au nombre limité de pétrolier-ravitailleurs dans les marines de l'Alliance atlantique, rapporté à leurs activités opérationnelles, une solution palliative de cet ordre pour plusieurs années était inenvisageable pour la période 2022 - 2028.
Une autre solution opérationnelle palliative envisagée fut de pouvoir acquérir rapidement un pétrolier-ravitailleur de deuxième main auprès d'une marine européenne. L'Espagne fut approchée car un débat politique voit s'opposer l'actuel gouvernement aux élus locaux du Ferrol et des syndicats du chantier de Navantia dans cette même cité maritime au sujet du nécessaire remplacement de l'A-14 SPS Patiño (1995).
Il se pose la problématique juridique pour l'Armada Española, et donc la Marinha Portuguesa, de continuer à opérer un bâtiment logistique transportant du pétrole et du kérosène dont l'architecture repose sur une simple coque. Le G-23 NT Almirante Gastão Motta (1991) est l'un des derniers représentants de sa race car mis sur cale (11 décembre 1989) avant la catastrophe de l'échouement de l'Exxon Valdez (23 mars 1989) et de la marée noire consécutive. La principale conséquence juridique fut le vote et l'entrée en vigueur de l'obligation de construire des pétroliers à double coque par la loi américaine de l'Oil Pollution Act (1990) et de la transposition de cette norme par l'amendement, en 1992, de l'annexe I de la convention MARPOL 73/78.
Il y a le cas des deux pétroliers-ravitailleurs "rapides" de la classe Wave (RFA Wave Knight (2003 - 2033 ?), RFA Wave Ruler (2003 - 2033 ?) car l'état-major de la Marinha do Brasil fut sondée par la Royal Navy au sujet de son intérêt relatif à leur cession et à pas moins de deux reprises. Les deux bâtiments de la Royal Fleet Auxiliary ont alors à peine quinze années de service à leur actif et le Royaume-Uni semblait en demander 100 millions de livres sterling (116 millions d'euros ajustés des données de l'inflation (2019) pour chacun des deux bâtiments (Roberto Caiafa, « Um substituto para o navio-tanque Gastão Motta (G-23) », Tecnologia & Defesa, 1er juin 2018).
50 millions auraient été demandés au Portugal qui n'aurait pas accepté la demande, le tirant d'eau (9,97 mètres) et le devis financier dépasseraient les possibilités et du Tage et du Portugal.
L'Amiral António Maria Mendes Calado (1er mars 2018) a avancé (Leia Também, « Marinha tentou comprar navio em segunda mão a Espanha », TVi 24, 28 avril 2020) que dans le cadre des dépenses prévues par la lei de programação militar (2019 - 2030), il devrait être possible de rééchelonner celles-ci afin d'avancer le remplacement du NRP Bérrio (1993 - 2020). Et l'une des difficultés rencontrées par le Portugal au sujet d'une construction neuve, et non des moindres : il n'y a pratiquement plus de programme de pétroliers-ravitailleurs, en particulier dans l'OTAN et l'UE, à la mesure des caractéristiques du NRP Bérrio (11 500 tonnes à pleine charge) ni même d'un équivalent aux capacités augmentées. De sorte qu'il est douteux que l'enveloppe allouée de 150 millions d'euros puisse être satisfaite avec des plans existants, obligeant peut être à mettre à l'étude une nouvelle unité.
Il serait intéressant de leur faire une proposition pour un BRF ou deux, mais de plus petite taille.
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