© ECPAD. Le Jean Bart en 1945 à Brest. |
Nous utilisons la Mer tant pour les échanges commerciaux que pour projeter puissance et forces militaires. La sûreté de nos ports et bases navales est un fait qui semble acquis alors que tout plaide contre. Les menaces asymétriques et symétriques devraient nous conduire à reconsidérer la situation et, partant, de refonder notre approche de la sûreté portuaire.
L'Amiral Castex s'intéressait à la manœuvre stratégique (De Gengis-Khan à Staline ou Les vicissitudes d'une manœuvre stratégique (1205 - 1935), Paris, Société d'Éditions Géographiques, Maritimes et Coloniales, 1935, 188 pages) dans son approche géostratégique (espace, forces et temps). Tout plan stratégique comporte une direction principale soutenue par quelques opérations secondaires. Castex attirait l'attention, notamment, sur l'impérieuse nécessité de prendre des sûretés stratégiques afin, tout simplement, de ne pas se faire surprendre, en particulier à revers. Par exemple, pour étendre son empire vers l'Ouest, Genghis-Khan se garde de toute surprise en soumettant le Nord de la Chine.
L'horizon se restreint à France-sur-Mer. Notre économie maritime regarde particulièrement vers la Méditerranée, le Golfe de Guinée, le canal de Suez jusqu'aux mers asiatiques en passant par le détroit de Malacca. En arrière-plan se pose la question des routes entre la métropole et tout l'Archipel France. Militairement, nous sommes pleinement engagés en Afrique jusqu'au Proche-Orient depuis la concentration de la Flotte en Méditerranée.
Sur Mer, les actions les plus décisives portent sur les concentrations
maritimes et navales. Nous cherchons toujours à prendre des sûretés sur
les points les plus avancés des routes maritimes, sans renforcer
simultanément les atterrissages de ces routes.
La fluidification des échanges permettait de réduire les stocks. Si nos structures sont globalement plus efficaces, parallèlement elles se révèlent extrêmement sensibles à la moindre interruption, de quelques semaines, voire même de quelques jours sous certaines circonstances. Les marines de guerre connaissent une diminution de leur volume de forces par divers facteurs (dont le principal étant d'échanger des forces contre du temps). Elles sont diluées dans des espaces toujours aussi importants.
La diffusion de la puissance navale tant par la démocratisation des plateformes nouvelles du siècle dernier (sous-marin, avion) que par les nouvelles armes (torpilles, missiles) se traduit par une répartition géographique, certes inégale, mais toujours plus importante jusqu'à concerner presque tous les océans du globe. Posséder une force sous-marines avec missiles et de forces spéciales se banalise régulièrement. Asymétriquement, les groupes armés non-étatiques peuvent, eux-aussi, posséder des instruments de (techno)guérilla navale tel le sous-marin ou les vedettes. Plus largement, un ensemble d'attentats démontrait que la menace pouvait surgir du large (Mumbaï, 2008). Elle visait les civils hier, elle pourrait viser les infrastructures demain. La missilisation des roquettes de gros calibres ou bien le minage d'un chenal interdirait tout aussi bien l'accès à un port avancé que retarderait l'arrivée d'une force navale.
Castex mettait en garde dans l'entre-deux-gardes (1919 - 1939) contre la faiblesse des défenses des bases navales face à une attaque venant, non pas de la mer, mais bien de l'intérieur des terres. Singapour tombait dans ces conditions (31 janvier 1942 - 15 février 1942). Pearl Harbour (7 décembre 1941) n'était qu'un nouvel épisode d'une attaque aéronavale contre une flotte à l'abri de son port, comme par exemple à Tarente (11 novembre-12 novembre 1940). Quid de la menace d'un attentat contre une porte, un navire à quai ?
Que dire des dégâts pouvant être causés par une roquette "missilisée", un missile balistique tiré par des rebelles contre une de nos bases navales avancées ou même une base ou port métropolitain depuis un sous-marin ? D'un système de lancement de missiles de croisière intégré dans un simple conteneur ? L'opération Chariot (27 mars 1942) réduisait les capacités de soutien au service des grands raideurs de la Kriegsmarine, son équivalent moderne serait une embarcation rapide, pilotée in vivo ou non, bourrée d'explosifs. Il y a tout lieu de craindre une attaque contre des bateaux dans nos ports par un commando. Les italiens popularisaient ce sport, réussissant à toucher la Royal Navy de Gibraltar à Chypre en passant par Alexandrie (1940 - 1943). Et encore, les catastrophes naturelles ne sont pas à écarter eu égard au sort que connaissait la marine chilienne (2010).
C'est pourquoi nous aurions intérêt à nous pencher à nouveau sur la sûreté de nos ports, tant militaires que civils. Il s'agit tant de parer le coup ennemi en arrêtant les incendies qu'en portant les premiers soins mais également d'assurer la continuité des services portuaires, c'est-à-dire de pouvoir réparer des infrastructures vitales car extrêmement rares, de dépolluer (fluides et mines) tout en mettant en branle des moyens offensifs pour patrouiller et faire cesser une future attaque.
Qui intervient, quelles missions ? Pèle-mêle, nous avons là Marine
nationale (dont les marins-pompiers, les fusiliers, groupe de guerre des mines, etc), la Gendarmerie maritime et les directions portuaires, des travaux maritimes pour l'essentiel. Les moyens matériels existent depuis les unités de servitudes (remorqueurs (côtiers ou portuaires), pousseurs, vedettes d'intervention de rade) jusqu'aux vedettes de liaison et de patrouille.
Par contre, est-ce que les acteurs, missions et moyens sont proportionnés à l'échelle des enjeux, menaces et du nombre de ports et bases navales ? Cela semble fort douteux que chacun de nos ports disposent des moyens de réagir à une attaque physique. Existe-t-il un schéma assignant à chaque acteur une mission et des moyens différenciés ? C'est tout aussi douteux. Existe-t-il une autorité organique et opérationnelle pour assurer la sûreté portuaire en tout temps ? Toujours aussi douteux.
La défense passive de chaque port ne peut qu'être autonome car la vitesse de croisière des unités impose qu'elle soit également distribuée. Elle s'articulerait autour d'une autorité opérationnelle sur les administrations et services devant agir. Chaque port compterait deux à quatre navires de lutte contre les incendies, un ensemble de pousseurs et remorqueurs pouvant être armés très rapidement afin de dégager les navires en danger ou présentant un danger pour le reste du port, des vedettes de surveillance armées contre des buts de surfaces et les nageurs de combat. Les navires spécialisés dans la chasse aux mines doivent être suffisamment nombreux afin d'inspecter les chenaux. Le lien avec l'hinterland s'organise par un plan d'intervention des services de secours (pompiers, etc) pour sécuriser personnes et infrastructures.
Nos ports et bases navales sont le talon d'Achille de notre puissance maritime, un ensemble de moyens doit être ordonné autour des actions de riposte, de secours et de réparation/dépollution. Accroître notre défense passive renforcera d'autant notre défense active en élevant le niveau d'attaque nécessaire pour attenter au bon fonctionnement de ces ports. Ce n'est pas une question budgétaire mais bien d'organisation. La rationalisation de l'organisation de l'Action de l'État en Mer touchant à la sûreté portuaire dégagera les ressources nécessaires en les réorienterant sur les bonnes priorités stratégiques.
Il faut aussi envisager des "brûlots" modernes sous la forme d'un cargo rempli de centaine de tonnes d'explosifs à bas coût. Et des missiles de croisières low-cost "containerisés" pouvant être déployés par centaines sur un cargo et pouvant être amenés près de nos cotes pour une attaque surprise.
RépondreSupprimerA ce premier compte, un simple pétrolier ou un gazier frappé par un attentat provoquerait des dégâts sans commune mesure avec une attaque par missiles de croisière.
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