Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





14 octobre 2022

Koninklijke Marine : une nouvelle « manœuvre norvégienne » ?

© TKMS. Type 212CD Expeditionary.

     La remise de la lettre B, le 13 décembre 2019, dans le cadre du programme Walrus replacement signifiait le choix de trois soumissionnaires afin de poursuivre les discussions avec la Defensie Materieel Organisatie (DMO). Le sujet de la construction sous licence des quatre bateaux - latent mais jamais exigé publiquement - semble avoir été abordé officiellement au premier semestre 2020 avec les soumissionnaires car SAAB s'est positionné (11 octobre 2022) lors d'un exercice de relations publiques tandis que ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) l'a fait en deux temps : en attendant un troisième, c'est-à-dire la répétition de la « manœuvre norvégienne » ?

     Les sous-marins hollandais de la classe Walrus (Zr. Ms. Walrus (1992), Zr. Ms. Zeeleeuw (1990), Zr. Ms. Dolfijn (1993) et Zr. Ms. Bruinvis (1994) doivent être remplacés. Cela a été évoqué officiellement, pour la première fois, en 2013. Le principe politique de ce remplacement était acté en 2014. Entre 2016 et 2018, le gouvernement hollandais étudiait trois options principales : une capacité sous-marine fondée uniquement sur des drones, des sous-marins dits « côtiers » et des sous-marins dits « océaniques ». La première option fut écartée au terme d'une étude de TNO car qualifiée de trop coûteuse. Le White Paper 2018 (p. 24) explicitait cette décision et détaillait le calendrier, le budget (2 500 M€ ou plus) du « remplacement de la capacité sous-marine » ou, plus prosaïquement : programme Walrus replacement.

     La classe Walrus (4) devait quitter le service entre 2027 – 2031, selon le calendrier initialement arrêté à l'occasion du lancement du programme Walrus replacement. Un décalage « à droite » avait été concédé, le 13 décembre 2019 à l'occasion de la remise de la lettre B, pour un remplacement devant intervenir sur la période 2028 - 2031. Et, finalement, un deuxième décalage « à droite », fût une nouvelle fois concédé par le secrétaire d'État à la Défense (10 janvier 2022 ) Christophe van der Maat (VVD), le 1er avril 2022 : la fenêtre de remplacement des Walrus sera finalement comprise entre 2034 et 2037.

     D'où l'intérêt de recontextualiser l'état du programme, et plus particulièrement les dernières décisions ayant amené à cette nouvelle période de livraison de seulement deux bateaux, afin de tenter de mesurer la force de la proposition de ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) et combien une répétition de la « manœuvre norvégienne » pourrait la rendre décisive dans l'esprit des décideurs hollandais.

     Le programme de remplacement des Walrus qui débutait - en vertu des procédures légales gouvernant les marchés publics de plus de 25 millions d'euros du Royaume des Pays-Bas - par l'envoi d'une demande d’informations contenue dans une « lettre A » (juillet 2018) aux constructeurs de sous-marins . La lettre A contient la phase de définition des exigences (« quoi » et « pourquoi » du besoin). Quatre constructeurs de sous-marins furent retenus dans le cadre de cette phase, à savoir SAAB allié à Damen, Naval group, Navantia et TKMS.

     La seconde phase devait débuter par l’envoi d’une « lettre B » aux soumissionnaires retenus. Cette lettre précise toutes les caractéristiques militaires attendues pour ces sous-marins et demande « comment » le besoin sera satisfait. Selon le calendrier du White Paper 2018, la lettre aurait dû être envoyée dès 2018.

Un temps attendu fin 2018, la Stratégie pour l’Industrie de la Défense (SID) reportait la lettre B au début de l'année 2019. La secrétaire à la Défense, Mme Barbara Visser (26 octobre 2017 – 31 août 2021), reportait - une fois encore - son envoi seulement à l'été 2019. Le ministère de la défense hollandais pensait que la lettre serait envoyée au parlement à l'été avant de se raviser pour l'autonome 2019. Et c'est finalement le 13 décembre 2019 que la lettre B fût remise à trois constructeurs :

Il est ainsi affirmé (p. 8) que la proposition de Navantia (S-80 Plus) n'est pas jugée satisfaisante et donc écartée car ne pouvant s'écarter des équipements sur étagère (Military 0ff The Shelf (MOTS) du programme S-80 pour satisfaire le besoin hollandais qui exige une « variante » différente du programme S-80 et donc un nouveau sous-marin qu'il n'aurait probablement pas été possible d'introduire en cours de procédure.

Damen – SAAB Kockums (Modèle 712 (A26), Naval group (Barracuda) et TKMS (Type 212 CD (Common Developpement) sont retenus (pp. 8 et 9) pour la suite de l'appel d'offres.

     La chambre basse du parlement néerlandais ou Tweede Kamer a été informée, le 14 janvier 2020, des tenants et aboutissements de la remise de la lettre B à partir du briefing technique prodigué à la secrétaire d'État à la Défense, en décembre 2019. Un débat devait se tenir, à huis clôt, le 23 janvier 2020.

L'un des points principaux était qu'en l'état du programme, persévérer avec la « variante A » du sous-marin océanique conduisait à diminuer la cible programmatique de quatre à trois sous-marins, et ce, malgré au augmentation du budget dédié, non-précisée. En 2019, la presse batave révélait que le budget évalué à « plus de 2 500 M€ » dans le White Paper 2018 avait atteint, selon les estimations ministérielles, plus de 3 500 M€. Et la hausse budgétaire concédée, en marge des procédures devant aboutir à la remise de la lettre B, voyait le même budget atteindre environ 4 500 M€, ce qui sera révélé en septembre 2022 dans De Telegraaf.

Pour préserver la cible de quatre sous-marins, la « variante B » fut retenue : elle se caractérise par une bonne puissance de frappe, une bonne autonomie et une bonne indépendance logistique. Selon le DMO, cela permet au sous-marin d'entrer et de sortir de la zone de mission sans se faire remarquer.

     Ne s'agissant pas d'un besoin nouveau : il n'est donc pas nécessaire de suivre la procédure de la phase C.

     Les négociations débutent entre ces constructeurs de sous-marines et le Defensie Materieel Organisatie dans le cadre de la phase D de la procédure dont l'aboutissement sera la signature d'un contrat avec le soumissionnaire retenu. L'année 2020 semble avoir consisté dans la construction des propositions industrielles à partir des exigences techniques contenues dans le choix de la « variante B ». Il en résultait une première phase de dialogue entre DMO et les trois finalistes pour éprouver la faisabilité, la crédibilité technique vis-à-vis du cahier des charges, le périmètre financier, le calendrier des propositions durant le premier semestre de l'année 2021. Et un deuxième « tour de table » devait débuter en septembre 2021. Reporté à décembre 2021.

     Le ministre de la Défense, M. Henk Kamp (21 septembre 2021 - 10 janvier 2022), informait la Tweede Kamer que le calendrier du programme Walrus replacement ne pouvait être respecté : le premier sous-marin ne pouvait plus être livré en 2028 pour être admis au service actif en 2031, en l'état actuel. Et Henk Kamp commandait alors un rapport devant examiner l'organisation de l'appel d'offres, en octobre 2021.

     Le nouveau et actuel secrétaire d'État à la Défense, M. Christophe van der Maat (10 janvier 2022), devant la Tweede Kamer, déclarait que le programme Walrus replacement allait accuser de nouveaux retards : selon un communiqué de presse publié le 1er avril 2022.

L'état actuel de la phase D devait aboutir à la livraison des deux premiers sous-marins sur la période 2035 - 2038. Et c'est pourquoi Christophe van der Maat explicitait les décisions prises par lui afin d'accélérer la procédure, dont celle d'écourter le deuxième« tour de table » entre la DMO/finalistes.

Première décision, en venir directement aux demandes de devis qui seront remis le 16 novembre 2022. Ils ont été sollicités, en bonne et due forme, auprès des soumissionnaires en mars ou avril 2022. Le Ministerie van Defensie n'avait alors (janvier 2022) pas encore formalisé son cadre d'évaluation des devis des propositions industrielles.

Deuxième décision : la contractualisation du MCO est désormais décorrélée de l'acquisition des sous-marins, les trois finalistes ne pouvant s'engager sur un bateau inconnu. La contractualisation du soutien et de la constitution des stocks de pièces de rechange ne sera négociée qu'en 2024, après sélection du vainqueur.

Troisième décision : il avait été décidé (Hank Kemp) d'examiner l'organisation de l'appel d'offres, en octobre 2021. Le processus institutionnel sera rationalisé (van der Maat).

Il en ressortait le calendrier suivant, pour achever la phase D : sur la base des devis remis le 16 novembre 2022, un dialogue s'engagera entre la DMO et les soumissionnaires afin d'affiner la proposition jusqu'à atteindre la « dernière et meilleure offre » (Best and Final Offer (BAFO) à l'été 2023. Une proposition industrielle ne serait retenue que fin 2023. Les deux premiers nouveaux sous-marins pourront être livrés durant la période prévue : 2034-2037.

     C'est au cours de cette séquence politique batave que la société de construction navale allemande ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) s'est positionnée quant à une proposition implicite de reformuler ou de ne pas formuler certaines exigences du programme Walrus replacement, parvenu à sa phase D : en premier lieu, la construction sous licence aux Pays-Bas des quatre sous-marins. Et la campagne publique pour soutenir cette proposition s'est déroulée en deux temps.

Premier temps, un communiqué de presse (10 juin 2022) de TKMS célèbre la reprise par la société des chantiers navals MV Werften alors en liquidation judiciaire. « With a view to the future, thyssenkrupp Marine Systems could produce submarines in Wismar during the course of 2024. »

Deuxième temps, TKMS a officiellement accordé un entretien à Jaime Karremann (« Duitse werf tkMS gaatNederland grotere onderzeeboot dan huidige Walrusklasse voorstellen », Marine Schepen, 12 octobre 2022), par l'entremise du responsable de programme Type 212CD Expeditionary et de l'ancien sous-marinier de la Koninklijke Marine, M. Holger Isbrecht : difficile de mieux souligner l'importance accordée aux positions qui sont publiquement affirmées ici.

     Entre parenthèses, il apparaît que le Type 212CD Expeditionary - une des incarnations de la « variante B » - est un sous-marin d'une longueur légèrement supérieure à 80 mètres, pour un diamètre de coque atteignant au maximum de 10 mètres, la coque résistante étant comprise entre 7,2 et 7,6 mètres. Le déplacement en surface est d'environ 3 100 tonnes tandis qu'il atteint en plongée environ 3 450 tonnes. Pas de système de lancement vertical. La propulsion comprendrait une pile à combustible FC4G de TKMS, présentée à UDT 2019 et une batterie, relevant éventuellement d'une filière lithium-ion.

     Il en résulte que TKMS a fait savoir être en mesure de mettre sur cale ou de débuter la construction d'un sous-marin, issu de l'une des variantes du Type 212 CD dès 2024, c'est-à-dire soit à Kiel, soit à Wiesmar. Et il est explicitement affirmé dans l'entretien (cf. supra) qu'il n'est pas proposé de construire aux Pays-Bas lesdits sous-marins. En revanche, il est souligné que les chantiers pourraient être abondés par l'industrie néerlandaise (pièces, ensembles ?) et que le maintien en condition opérationnelle sera assuré aux Pays-Bas.

     L'essentiel de la proposition n'est pas formulé implicitement : accepter une construction en Allemagne, c'est gagner un avantage inestimable pour un programme dont le calendrier a dérapé, c'est-à-dire revenir à une livraison à l'horizon 2028 et donc une admission au service actif en 2031, voire avec une livraison des quatre sous-marins sur cette période (2028 - 2031). Et non plus l'horizon de livraison des deux premiers bateaux sur la période 2034 - 2037.

Le calendrier de construction du premier Type 218SG - RSS Invincible (2022 ?) -, comparable de par ses dimensions aux Type 212CD/CD E, modère ces ambitions : découpe de la 1ière tôle en 2014, un lancement le 18 février 2019, des essais à la mer en 2022 avec une admission au service devant être prononcée peut être au quatrième trimestre 2022.

La construction d'éventuels quatre sous-marins Type 212 CD E néerlandais pourraient, sous un autre angle, bénéficier du processus d'industrialisation des quatre acquis par la Norvège, auxquels s'ajoutent l'engagement honoré de Berlin d'en acquérir deux autres pour ses propres besoins : cette « manœuvre norvégienne » avait manifestement emporté la décision en 2017. Ces six sous-marins seraient livrés entre 2029 et 2034, avec un taux de communalité entre Type 212CD et Type 212CD E probablement très élevé.

     L'incidence financière de la proposition industrielle n'est pas neutre : en ce sens que la perspective de pouvoir remplacer les quatre Walrus avant 2035 et non pas d'ici l'horizon 2040 se traduira pas de moindres dépenses d'extension de la durée de vie opérationnelle de trois puis seulement deux bateaux d'ici à 2031. Il est difficile d'évaluer le coût pour octroyer dix à quinze ans de service supplémentaire à la mer mais d'autres programmes amènent à considérer qu'il en irait de 50 à 100 millions d'euros par bateau ; sans compter que deux sous-marins seront préalablement désarmés afin de soutenir la manœuvrer et aider à recompléter le stock de pièces détachées.

     Et dans cette perspective : TKMS est le seul des trois soumissionnaires à formuler cette proposition, ainsi que le seul à mettre en avant les capacités industrielles associées et récemment renforcées.

Par ailleurs, il y a ce qui est explicitement dit, ce qui se déduit implicitement de la proposition et ce qui n'a pas été dit : le Sondervermögen (fonds spécial) à hauteur de 100 milliards d’euros était accompagné d'une liste de matériels, sans aucune précision quant aux quantités à acquérir pour chacun d'entre eux entre 2022 et 2027. Un minimum de deux « U 212 CD », en vertu des contrats signés conjointement avec la Norvège, sont à acquérir dans ce cadre. Mais rien n’oblige constitutionnellement et donc légalement de s’en tenir à cette quantité.

Quelle serait la force de la proposition industrielle de TKMS, entre la remise d'un devis (16 novembre 2022) et les discussions devant conduire à la formulation de la dernière et meilleure offre (été 2023), si Berlin s'engageait à acquérir deux Type 212CD E, au profit de la Deutsche Marine ?

 

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