Les @mers du CESM


Les @mers du CESM - 19 avril 1944 :

Le cuirassé Richelieu participe au bombardement de Sabang, base japonaise en Indonésie. Le navire français, ayant rejoint l’Eastern Fleet commandée par l’amiral britannique Somerville, prendra part à trois autres opérations visant des bases navales ennemies. Après 52 mois passés en mer, le bâtiment rentre à Toulon le 1er octobre 1944. À nouveau déployé en Asie du Sud-Est l’année suivante, le bâtiment assistera à la capitulation du Japon dans la rade de Singapour le 23 septembre 1945.





13 octobre 2012

Chine : un outil aéronaval en construction pour réaffirmer les ambitions géopolitiques de Pékin


© APL. Le porte-avions chinois Liaoning.
Le « porte-avions » de la Marine de l'Armée Populaire de Libération (MAPL) a été admis en service le 26 septembre 2012. Ni le bâtiment, ni le futur groupe constitué autour ne sont opérationnels, Pékin évoquait un bâtiment "école". Son arrivée dans la flotte chinoise est pourtant l'accomplissement des ambitions formalisées dans les années 1980 quand la marine océanique chinoise était imaginée. Et ce premier porte-aéronefs ouvre très certainement la voie à un long apprentissage afin de former un outil opérationnel apte vers 2022.

09 octobre 2012

Qu’est ce qu’un trois-ponts ?

© Léon Haffner, vaisseau trois-ponts sous voile.

L'auteur du blog "Trois Ponts" me fait l'honneur de répondre longuement et de manière très complète à quelques questions concernant ces navires de ligne : un grand merci à lui !


24 septembre 2012

Chine : pas de groupe aéronaval crédible avant 2022


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© Inconnu. Photomontage montrant le porte-aéronefs chinois avec groupe aérien embarqué et un navire d'escorte.

La nouvelle a fait le tour du monde : le "porte-avions" de la Marine populaire de libération a été livré !

Un petit retour en arrière peut être nécessaire : « Racheté en juin 2000 au chantier ukrainien par l'intermédiaire d'un homme d'affaires chinois, la coque, à environ 70% d'achèvement, a été remorquée en 2002 à Dalian ». Il s'agit du Varyag.

 Il est la seconde unité de la classe Kuznetsov qui ne compte pas d'autres navires (outre le Varyag et cette tête de série). Il est question que la coque vendue à la Chine devienne un casino-flottant (un croiseur porte-aéronefs, le Kiev, tête de série de sa classe, a connu un tel destin en Chine. Un navire de la même classe, le Minsk, est devenu un musée).

Il y eu des chancelleries qui ne furent pas dupes de la finalité du projet puisque la Turquie bloqua le passage de ses détroits (des Dardanelles et du Bosphore). La coque eu alors quelques difficultés à quitter la mer Noire. Les détroits turcs ont la particularité d'être sous la juridiction de traités internationaux (comme, par exemple, la convention de Montreux) qui prohibent le passage de navire porte-avions. Le pont plat quitte donc finalement l'Ukraine en 2001 et arrive en Chine, à Dailan, en 2002. Mais, le navire qui est livré n'est doté d'aucun engin de propulsion.
Le Kuznetsov et l'ex-Varyag sont plus des porte-aéronefs que des porte-avions -et la différence est fondamentale. Première chose, les soviétiques les ont conçu comme des "croiseurs porte-aéronefs". Il s'agissait de pouvoir s'affranchir de la convention de Montreux par un artifice juridique.

De plus, la stratégie navale soviétique s'appuyait sur des bastions. Ces zones, au nombre de deux, étaient sous la responsabilité des flottes du Nord et du Pacifique. Il s'agissait pour la marine russe de construire, par diverses actions opérationnelles, des zones interdites à toutes les menaces dans l'optique de sécuriser les vecteurs nucléaires (SNLE principalement) qui pouvaient y patrouiller.

Donc, il y avait nécessité de navires de défense aérienne car l'attaque anti-navires se faisait par avions à long rayon d'action (Tu-95 et 142, par exemple). En outre, il n'y avait pas de projection de puissance dans la doctrine navale russe car elle était essentiellement défensive (mais pas seulement, soit dit en passant). Alors, ces deux navires (ainsi qu'une classe de quatre autres croiseurs porte-aéronefs : les Kiev) sont des croiseurs lance-missiles en tout premier lieu. Le navire tête de série, le Kuznetsov qui est en service dans la Marine russe, permet d'appréhender la chose. Ils (exemple de la classe Kuznetsov) ont donc :
  • une batterie principale composée de missiles : "12 missiles anti-navires SS-N-19 Shipwreck ("Granit" de 555 km de portée) situés sous le pont d’envol au milieu de la piste (la phase de tir interromprait donc les opérations aériennes). La défense anti-aérienne du bâtiment est assurée par 4 groupements de 6 silos à 8 missiles surface-air SA-N-9 (15 km de portée), 4 systèmes anti-aériens CADS-N-1 (2 canons de 30mm et 8 missiles SA-N-11 -8 km de portée- chacun) et 6 canons anti-aériens multitubes de 30mm. Deux lance-roquettes anti sous-marins complètent le tout" ;
  • et d'une batterie secondaire qui repose sur un groupe aérien embarqué : "Le groupe aérien du Kouznetsov se compose généralement de trente aéronefs dont des chasseurs embarqués Su-33, des avions d’entraînement Su-25UTG et des hélicoptères anti sous-marins Ka-27, de guet aérien Ka-31 et de transport d’assaut Ka-29. A l’origine, il était également prévu d’embarquer des chasseurs à décollage vertical Yak-141 Freestyle avant abandon du programme à la chute de l’URSS. Le Mig-29K a quant à lui été testé mais n’a pas été retenu face au Su-33". 
Le problème pour la Chine, c'est que le navire a été livré sans sa batterie principale. Cette dernière prend une place considérable à bord, ce qui fait que le groupe aérien est plutôt limité (30 machines, officiellement) par rapport au tonnage du navire (60 000 tonnes, contre 32 aéronefs et 40 000 tonnes pour le Charles de Gaulle). Le vaisseau n'est pas non plus optimisé, à l'origine, pour les opérations aériennes puisqu'il fallait composer avec un navire hybride (croiseur/porte-aéronefs) avec deux batteries aux solutions architecturales presque contradictoires.

De plus, les deux navires russes (et six avec les quatre Kiev) relèvent de la filière aéronavale des STOBAR (Short take-off but arrested recovery). C'est-à-dire que les aéronefs à voilure fixe décollent à la seule force de leur réacteur et avec l'aide d'un tremplin et ils reviennent apponter sur le navire avec l'aide de brins d'arrêt. Il n'y a pas de catapultes et c'est une différence vraiment fondamentale d'avec la filière CATOBAR (Catapult Assisted Take Off Barrier Arrested Recovery - qui compte comme seuls membres les Etats-Unis, la France et le Brésil). Si la filière STOBAR simplifie l'architecture des navires, elle implique que l'avion embarqué soit inférieur en performances à son homologue terrestre. La chose est simple à constater : un Su-33 qui décolle du Kuznetsov ne le fait pas avec son plein chargement de munitions et de carburant. A contrario, et avec la filière CATOBAR, un Rafale qui est catapulté du Charles de Gaulle a les mêmes performances que celui de l'Armée de l'Air qui décolle d'une base terrestre : ils sont tout les deux aussi chargés. Cette symétrie des performances entre l'avion catapulté et son homologue terrestre est vraie dans l'US Navy depuis les années 50. Dans la pratique, cela aboutit à ce que le groupe aéronaval CATOBAR ait une portée très supérieure au groupe aéronaval STOBAR.

Si l'ex-Varyag arrive finalement en Chine en 2002, il n'entre en cale sèche qu'au cours de l'année 2005. Si ce long retard reste à expliquer (était-ce pour cacher la finalité de l'opération ? Les deux porte-aéronefs musée et casino ne suffisaient-ils pas pour faire illusion ?), il faut noter que le navire ne quitte sa cale que pendant l'année 2011. 6 années de travaux, c'est à la fois beaucoup et à la fois très peu. Il fallait, au mons, motoriser le navire. Par la suite, les chinois l'ont un peu adapté à leurs besoins, comme c'est expliqué par Mer et Marine. Il semblerait que la batterie principale n'ait pas été renouvelée. Mais les chinois n'auraient pas mené les travaux nécessaires pour optimiser les opérations aériennes à bord du navire, comme cela est actuellement réalisé par la Russie sur un autre navire de la classe Kiev qui a été vendu à l'Inde. Il n'y a pas eu d'installations de catapultes de conception russe ou chinoise à bord non plus.

Le navire sert donc à pratiquer de nombreux essais à la mer depuis 2011, et il a surtout fait l'objet d'une mise en service, plutôt que d'une refonte aussi ambitieuse que celle choisie par l'Inde pour un autre croiseur porte-aéronefs.

Pékin présente son porte-aéronefs (puisque ce n'est pas un porte-avions) comme un navire-école. Il y a un décalage entre ce qui se passe en Asie et ce qui est perçu dans divers endroits de l'Occident. Ce décalage en sera que plus dommageable pour ceux qui perçoivent très mal la montée en puissance des capacités aéronavales chinoises.

Dans un premier temps, l'apprentissage de l'outil aéronaval fondé sur un porte-aéronefs sera très long pour la Chine. Comme le faisait remarquer Coutau-Bégarie, il est nécessaire de distinguer deux notions différentes :
  • le groupe aérien embarqué, qui va de paire avec le navire porte-aéronefs,
  • le groupe aéronaval.
Le groupe aérien embarqué n'est pas une notion qui va de soi. Par exemple, dans le colloque du CESM consacré au centenaire de l'aéronautique navale française, Coutau-Bégarie notait qu'il avait fallu attendre les porte-avions Foch et Clemenceau pour que la notion s'impose en France. Entre temps, bien des compétences avaient été perdues entre les porte-avions de la guerre de l'Indochine et de la crise de Suez et l'entrée en service des deux navires de la classe Clemenceau. Les chinois peuvent difficilement passer à côté d'une telle unité organique qui permet de générer, diffuser et de régénérer les compétences opérationnelles.

Pékin a pris les devants. D'une part, la Chine a conclu un accord aéronaval avec le Brésil, en 2010, relatif à la formation des futurs pilotes embarqués chinois. D'autre part, il y a de nombreuses installations terrestres en Chine qui permettent le début de la formation du groupe aérien embarqué et des personnels méconnus mais ô combien indispensables pour sa mise en œuvre (rien que la gestion du pont est tout un art).

La marine chinoise bénéficierait d'une très bonne préparation avant de percevoir son navire-amiral : mais la pratique sur le porte-aéronefs demeure indispensable...

De plus, si la Chine prépare la constitution d'un groupe aérien embarqué et sa mise en œuvre à la mer sur son pont plat, il est à noter que ce groupe est incomplet. Par exemple, il n'y a pas d'aéronefs dédié à l'éclairage de l'escadre ou à la coordination et au soutien des activités aériennes. Ce groupe est donc sans aéronef de guet aérien (AEW dans la terminologie anglo-américaine) et c'est un manque crucial car c'est l'absence de ce genre d'appareils qui a coûté bien des pertes aux anglais lors de la guerre des Malouines (sans compter qu'il semblerait que la Royal Navy ait été incapable de suivre le 25 de Mayo, le porte-avions Argentin).
C'est sans oublier les hélicoptères de sauvetage qui sont, eux aussi, indispensables pour parer à toutes les éventualités. De même que les hélicoptères logistiques sont nécessaires pour faire durer le navire à la mer.

Outre le couple porte-aéronefs/groupe aérien embarqué, il faut pouvoir l'escorter. Ce n'est pas une mince affaire que d'articuler une base aérienne flottante avec, au moins, un escorteur dédié à la lutte anti-sous-marine et un autre à la lutte anti-aérienne. Tout comme il est impensable de nos jours de déployer un porte-aéronefs ou un porte-avions sans sous-marin nucléaire d'attaque pour assurer sa protection (sauf quand la nation détentrice du pont plat ne possède pas de SNA, mais alors elle déploie rarement son porte-aéronefs de manière indépendante). C'est l'escorte minimale pour protéger le porte-aéronefs.

Et c'est sans compter sur le nécessaire train logistique pour faire durer le navire à la mer : il faut autant ravitailler le pont plat que ses aéronefs que son escorte. Tout comme l'escorte doit pouvoir être relevé si besoin est par de nouveaux navires. Cela implique d'avoir une flotte de surface bien dimensionnée par rapport au besoin -même si le navire n'est pas destiné à être projeté loin de sa base (par exemple, le Charles de Gaulle œuvrait au Sud du port de Toulon pendant l'opération Harmattan). L'escorte de SNA (française était insuffisante pendant l'opération Harmattan) doit aussi suivre, et dans ce domaine, la Chine ne déborde pas de sous-marins d'attaque à propulsion nucléaire.

Le porte-aéronefs chinois se prépare à entrer en service depuis l'année 2011 : c'est-à-dire que son équipage prend en main le navire et le porte vers l'état opérationnel en qualifiant les systèmes les uns après les autres. Si le navire est livré en fin d'année 2012 (le 23 ou le 25 septembre, peu importe), c'est qu'il aura fallu au moins une année pour le prendre en main depuis ses premiers essais à la mer.

Dans le même temps, le navire a commencé les essais aéronautiques dont les objectifs sont autant de qualifier les hommes que les machines et l'intégration des deux aussi bien sur le pont d'envol que dans les airs. Il faudra probablement une bonne année pour prendre en main tout cela.

Mais il faudra encore une bonne année, si ce n'est plus, pour adjoindre au pilier du groupe aéronaval son escorte et un train logistique efficace.

Bernard Prézelin, l'auteur actuel de "Fottes de combat", estimait en 2011, que cinq année, au minimum, serait nécessaire à la Chine pour construire un groupe aéronaval crédible (par rapport à ce qui se faisait pendant l'opération Harmattan). Il faudra certainement quelques années de plus car il sera nécessaire à la marine chinoise d'apprendre de nombreux exercices, voire d'interventions militaires.

Dire que le groupe aéronaval chinois ne sera crédible que vers l'an 2022, ce n'est ni exagéré, ni une sous-estimation. La Chine se donne les moyens de préparer l'aventure avant la perception du navire afin de gagner du temps sur les enseignements à tirer de la mer. Elle parviendra à construire l'outil qu'elle ambitionne de se doter, à n'en pas douter. Donc, il serait surfait de craindre que le navire puisse actuellement, et dès sa livraison (comme s'il pouvait être livré "prêt à l'emploi en guerre"), être la pièce maîtresse d'un dispositif naval offensif.

C'est sur le plan de la diplomatie navale que le navire produit ses premiers effets car il est l'objet du fantasme d'une "Chine impéraliste". Tout du moins, il montre que la Chine entend aussi projeter sa puissance aérienne par la voie des mers, au moins au large de ses côtes. Mais en attendant le nécessaire apprentissage, il n'est pas un instrument de combat, ce qui va compliquer les bénéfices politiques à retirer de ses croisières. Cela pourrait même fragiliser sa position : un navire inapte au combat ne va pas dans un théâtre d'opérations où pourrait se dérouler des actions offensives de moyenne ou haute intensité. Et donc, le moral chinois en prendrait un coup terrible puisque le fleuron de la flotte resterait au port ou loin des combats, dans une sorte de "fleet in being". La diplomatie navale peut être à double tranchant.

Le décalage entre la situation opérationnelle du porte-aéronefs chinois d'aujourd'hui et la montée en puissance des capacités aéronavales chinoises dissimulent ce qui pourrait se passer en 2022. Ce navire demeurera très certainement un navire-école (tout comme il sera le centre d'un groupe aéronaval école, à vrai dire) car tant qu'il flottera, il sera une inappréciable source d'enseignements opérationnels pour la Chine. Si jamais il devait ne plus naviguer pour bien des raisons, alors ce serait autant de temps perdu.

Mais si Pékin tient son calendrier, alors la marine chinoise pourrait sereinement faire entrer en service d'autres porte-avions à partir de 2022 (la Chine achète les coques d'anciens porte-avions depuis les années 70 (pour leur déconstruction, officiellement) et elle est soupçonnée de pratiquer la rétro-ingénierie à ces occasions). Les équipages du premier groupe aéronaval auront constitué le noyau dur de la puissance aéronavale chinoise. C'est à partir de ce noyau qu'elle grandira. Les actuelles agitations autour de la livraison du navire font oublier le fait que bien des échos annonçent la construction de porte-avions en Chine. S'ils étaient livrés en 2022, alors la Chine ferait un pas de géant dans le club des puissances aéronavales.

Ce n'est pas vraiment une projection saugrenue puisque :
  • le Japon aura alors au moins quatre porte-aéronefs (avec, peut être, des F-35B),
  • la Russie devrait percevoir un second porte-avions (en plus de ses deux premiers BPC et de son Kuznetsov qui serait alors toujours en service),
  • l'Inde percevra, au minimum, deux porte-aéronefs (l'Air Defense Ship et l'ex-Gorshkov, refondu, Russe),
  • la Corée du Sud aura toujours ses trois Dokdo (et pourquoi pas des F-35B à mettre dessus), 
  • et les Etats-Unis auront toujours un porte-avions basé au Japon, en sus des autres naviguant de la mer d'Arabie jusqu'au Pacifique en passant par l'océan Indien.
Dans une telle mêlée, deux ou trois porte-aéronefs chinois, ce n'est pas difficile à justifier.

Pendant ce temps là, en France, le second porte-avions et le remplaçant du Charles de Gaulle se font attendre... Que sera la puissance aéronavale française dans le contexte des années 2020 ?  

23 septembre 2012

Renforcer la puissance navale française ? Des solutions logistiques originales


http://i33.servimg.com/u/f33/14/53/18/45/haut10.jpg 
© Inconnu. Les navires de l'opération Myrrhe : le porte-avions Foch, bâtiment de commandement et de ravitaillement Somme, la frégate (ou croiseur léger) Duquesne et le navire-atelier Jules Verne. Un SNA pourrait certainement être partie intégrante de cette escadre.

La logistique navale n'est que trop rarement mise en avant alors qu'elle est parfaitement essentielle. Par exemple, pendant la seconde guerre mondiale, les allemands s'appuyaient intelligemment sur des pétroliers pour allonger le rayon d'action des raiders (les cuirassés de poche par exemple), des croiseurs auxiliaires et des sous-marins. Les alliés eurent bien des difficultés à enlever à l'Allemagne ce bras logistique qui démultipliait le rayon d'action de ses navires. Autre exemple, et plus près de nous, pendant la guerre des Malouines, la capacité de la Royal Navy à durer à la mer ne tenait qu'en sa capacité à ravitailler son escadre combattant en Atlantique Sud depuis la métropole. Si les Argentins avaient visé en priorité les navires logistiques anglais, la fin de cette guerre aurait pu être tout autre (comme dans le cas où les Argentins auraient réussi à se procurer quelques missiles Exocet de plus).

Globalement, il est impossible d'envisager l'action lointaine et durable d'une force navale sans qu'elle puisse s'appuyer sur un train logistique hauturier apte à ravitailler les navires en munitions, combustibles, nourritures et pièces de rechanges. Pour peser sur une crise, les outils militaires adéquats sont appelés à durer. En mer, il est donc nécessaire que le groupe naval puisse durer en face des côtes de la crise. Toutes les fois où la puissance aéronavale française a été engagée, les porte-avions durèrent à la mer, sans séloigner de l'épicentre de la crise -ce qui revient à dire que le lien doit être fait entre la base avancée et l'escadre. Mais cette nécessité de durer à la mer concerne aussi le groupe amphibie (voir la présence du Tonnerre pendant la crise présidentielle ivoirienne) et le groupe de la guerre des mines (voir son action durable (un peu plus de 4 mois) et bénéfique dans la dépollution des eaux koweïtiennes (quand l'Irak avait interdit l'accès de cet Etat à l'US Marines Corps).

Pour satisfaire aux besoins de la logistique navale, il faut, généralement, des pétrolier-ravitailleurs et des navires-ateliers. Ainsi, la Flotte des porte-avions Clemenceau et Foch était, à ses débuts, accompagnée par des pétroliers-ravitailleurs, des transports-ravitailleurs et des bâtiments de soutien logistique. Les derniers servaient plutôt au soutien de différentes divisions navales, grâce à leurs ateliers, dans des lieux éloignés des arsenaux ou directement à la mer. Cette flotte logistique était alors constituée d'unités très spécialisées. Par la suite, au cours des années qui suivirent (de 1970 vers 2000), la flotte logistique se resserra autour d'unités de plus fort tonnage et plus polyvalentes. Il faut dire aussi que, après la mise à la retraite des unités logistiques des années 60, il n'y eu pas vraiment de nouvelles entrées en service de navires logistiques. Outre le pétrolier-ravitailleur Durance et les Bâtiments de Commandement et de Ravitaillement (BCR) Meuse, Var, Marne et Somme (ils sont issus de la même classe, sauf que la tête de série n'a pas de moyens de commandement), il n'y a pas eu d'autres constructions de navires logistiques. Par ailleurs, passé l'an 2010, il ne reste plus que les quatre BCR. Le dernier bâtiment se soutien logistique affecté à la guerre des mines, le Loire, a quitté le service en 2009. Le dernier navire-atelier affecté au reste de la Flotte, le Jules Verne, a été désarmé, lui aussi, en 2009.

Les buts de la guerre navale française ont changé et l'évolution du visage de la flotte logistique l'atteste.

Par exemple, la flotte logistique qui existe en 1960 semble très bien adaptée à la flotte issue de la IVe République qui était très équilibrée et très pyramidale. Les trois types d'unités logistiques navales d'alors -pétroliers, transporteurs et navires-ateliers- devaient, manifestement, permettre de soutenir en de nombreux points de la planète bleue les escorteurs et les sous-marins classiques. Il s'agissait de diffuser la flotte en différentes escadres légère pour combattre là où les adversaires se concentreraient, certainement près des points vitaux du trafic maritime. Les porte-avions ne constituent pas encore le centre névralgique du ravitaillement.

Mais la montée en puissance de la force aéronavale française semble bouleverser la flotte logistique toute entière. Les buts de la guerre navale changèrent aussi. La permanence aéronavale française, matérialisée par la navigation quasi-permanente d'un porte-avions, devient la finalité de la flotte logistique. Qui plus est, la guerre navale change car la puissance navale française, tout du moins, se fait au soutien d'opérations de moins en moins hauturières et de plus en plus côtières. Si les Clemenceau et Foch quittent Toulon et la Méditerranée en 1966, sur décision du général De Gaulle, après le retrait de la France du commandement intégré de l'OTAN, c'est pour la retrouver le 18 décembre 1974 par la décision présidentielle de Giscard d'Estaing. Dès lors, nos deux porte-avions ne cessèrent de projeter la puissance aérienne française de la mer vers la terre afin de peser sur les différentes crises qui apparaîtront.

Il y eu des années 60 à 1974 un passage de témois entre une guerre navale qui se concevait dans l'optique d'une guerre des communications et de batailles de rencontre dans l'Atlantique entre les deux blocs à des missions d'intervention dans le cadre des conflits périphériques et au plus près des côtes. Dès lors, il ne s'agissait plus de soutenir des escadres et des divisions qui combattraient à travers le monde. Mais il s'agit bien désormais d'appuyer l'action d'un groupe aéronaval qui doit durer face à des côtes pour peser politiquement sur le règlement d'une crise. Il y a eu concentration de la logistique navale sur une escadre en particulier. A cette formation, il est possible d'adjoindre deux autres groupes tout aussi essentiels : le groupe amphibie et celui de la guerre des mines. La Marine doit pouvoir escorter le groupe amphibie, indépendamment du groupe aéronaval, nous dit le livre blanc de 2008. D'un autre côté, il est bien difficile d'imaginer l'engagement dissocié des trois groupes navals -et donc un soutien logistique naval à assurer en trois points différents du globe. Mais cela est encore arrivé, récemment : le Tonnerre participait donc à la résolution de la crise ivoirienne alors que le porte-avions était en mission Agapanthe.

La physionomie des escorteurs a également été bouleversée. Premièrement, l'Amiral Nomy expliquait que l'introduction des engins (premier nom des missiles) dans la Marine était l'occasion de concevoir de grands escorteurs : il n'était plus question dans son esprit d'escorteurs spécialisés (anti-aérien et anti-sous-marin) mais bien de frégates polyvalentes car il valait mieux "les construire plus gros et plus cher". L'aboutissement de ce processus là, sous l'influence américaine, était le croiseur à propulsion nucléaire. De l'autre côté, c'est bien l'évolution de la guerre navale française qui réduit les objets à protéger et concentre les missions de protection sur la FOST (Force Océanique Stratégique) et sur le GAn (Groupe Aéronaval). Le passage d'une guerre navale à l'autre entraîne aussi des besoins différents : s'il n'est plus tellement question de lutter contre une marine mondiale comme la flotte rouge, alors il s'agit de réussir à peser sur une succession de crises régionales. Le besoin en escorteurs est moins grands (même s'il y a des paliers à ne pas franchir pour pouvoir continuer à avoir une présence mondiale) mais l'endurance qui leur est demandée l'est beaucoup plus, d'où une croiseurisation des frégates, ce qui amène à disposer de FREMM de 6000 tonnes en charge.

Il y a encore une chose qui a poussé la logistique navale vers la concentration : la propulsion nucléaire. Quid de l'intérêt de posséder un train naval dédié au soutien des sous-marins quand ceux-ci sont devenus les navires les plus libres de la planète grâce à leurs réacteurs nucléaires ? L'adoption de cette propulsion par le porte-avions n'a fait que pousser le processus à son paroxysme.

La Royale dispose donc d'un train de logistique navale très concentré, ce qui a entraîné une croissance en tonnage des plateformes et une réduction du nombre de navires. L'expression des besoins de la Marine a conduit DCNS à proposer les BRAVE pour le programme de remplacement des BCR. Ce programme de renouvellement devrait être notifié dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire (et serait même nécessaire pour sauvegarder l'avenir des Chantiers de l'Atlantique, arsenal devenu indispensable pour la Marine). Il y a une confirmation, par cette matérialisation de la pensée actuelle de l'état-major, du processus entamé depuis les années 70 : quatre unités sont espérées. Il y a donc confirmation d'une flotte (logistique) avec de grandes unités polyvalentes. Le processus de concentration s'accompagnerait, tout de même, d'une certaine croissance car le tonnage unitaire grimperait de 18 000 tonnes (BCR) à 30 000 tonnes (BRAVE). Ce surplus consisterait en la prise en compte qu'il manque quelques capacités opérationnelles depuis le retrait du service des navires-ateliers (Loire (guerre des mines) et Jules Verne). Tout aussi intéressant, il faut noter que les volumes supplémentaires des BRAVE serviront pour transporter hommes et matériels au soutien d'une opération amphibie.

Le problème d'une logique qui est portée à son paroxysme, c'est qu'elle crée des déséquilibres propres à déstabiliser tout le système. Cela a été vu avec l' US Navy qui souffre d'une logique mahanienne qui réduit son nombre de navires et donc sa présence mondiale. Dans le cas de la logistique navale française, la concentration observée, constatée, permet, effectivement, de soutenir le groupe aéronaval et ses branches que sont le groupe amphibie et celui de la guerre des mines. Mais c'est un mouvement qui ampute la Marine nationale des capacités nécessaires pour intervenir dans d'autres endroits de la planète quand la nécessité se fait impérieuse. Il y a des choses qui corrigent naturellement les déséquilibres :
  • l'une des premières choses qui redonne de la souplesse au système c'est la plus grande endurance des plateformes actuelles : les sous-marins nucléaires ont très peu besoin de logistique navale dans le cas français (différent dans le cas américain avec des missions de 7 à 9 mois contre 3 à 4 en France) et les frégates sont désormais conçues pour durer plusieurs mois à la mer, avec comme seuls arrêts logistiques les bases avancées.
  • C'est par ailleurs ces bases avancées qui permettent aux unités de la Marine de prendre appui sur des relais terrestres tout autour de l'arc de crises, et même plus grâce aux territoires français d'Outre-mer. 
  • Enfin, il y a donc cette concentration du soutien logistique navale sur un groupe et ses ramifications qui permettent de supporter un si petit nombre de navires logistiques.
Néanmoins, les hypothèses actuelles d'emploi dissocié du groupe aéronaval et de l'un des deux autres groupes ne sont pas si minces. Dans le cadre de la crise syro-iranienne, il ne serait pas étonnant que le porte-avions soit employé dans le bassin oriental de la Méditerranée quand au large de l'Arabie Saoudite Washington demandera l'aide du groupe de guerre des mines français (car la marine américaine n'a presque plus de capacités dans ce domaine et que le groupe de guerre des mines de l'OTAN, s'il a le mérite d'exister, est relativement restreint).

Corriger les déséquilibres constatés ne serait pas simple quand le budget (éternellement, il faut le dire) est contraint. Néanmoins, c'est peut être possible.

Première possibilité, c'est le BPC. Le navire est constitué de grands volumes, vides, pour permettre l'embarquement d'un groupe aéromobile (constitué de voilures tournantes) et et d'un SGTIA (Sous-Groupement Tactique InterArmes) de l'Armée de Terre pouvant être à dominante blindée (il est peut être imaginable qu'un BPC embarque deux SGTIA pour de "courte durée", mais c'est une autre affaire). La proposition se retrouve en bas des billets de blog : pourquoi ne pas utiliser, ponctuellement, un BPC comme navire-atelier ? Cela supposerait que les ateliers soient modulaires et déplaçable pour ne pas faire d'un BPC un navire définitivement spécialisé après installation de tels équipements. Le monde est bien fait puisque à bord des BRAVE "sur l'arrière, une zone modulable peut servir au stockage de matériel, abriter des ateliers de réparation ou accueillir des troupes et des véhicules". Les hangars à véhicules et hélicoptères des BPC devraient bien pouvoir embarquer de telles installations. La plateforme aurait même de belles qualités nautiques puisque ses grandes dimensions et son fort tonnage lui assure une grande stabilité, caractéristique essentielle pour un navire-atelier où peut se dérouler de la micro-électronique (par exemple). 

De cette première possibilité, il découle deux directions différentes, mais complémentaires :
  • un BPC au soutien du groupe aéronaval,
  • un autre, BPC, au soutien du groupe de guerre des mines ou de missions aéroamphibies devant durer dans le temps (comme la mission Corymbe en cas de crise).
Dans le cas d'un BPC navire-atelier, il pourrait soutenir le porte-avions, ses frégates, son SNA et de ses aéronefs. Il pourrait s'approcher de chacune des unités pendant une opération pour livrer des pièces de rechange, des équipements réparés et faire des ravitaillements complémentaires à ceux opérés par les BCR et les futurs BRAVE. Par la suite, le navire s'éloigne rapidement de l'escadre pour se protéger et se ravitailler lui-même au près d'un port amical ou d'une base avancée.

Dans ce cadre là, l'hélicoptère est le moyen incontournable pour faire rapidement le lien pour opérer les échanges entre les navires logistiques et les unités soutenues. Mais est-ce le seul moyen ? Un BPC logistique pourrait se servir de deux EDA-R pour ravitailler plus rapidement les navires de l'escadre et donc écourté une manœuvre qui demeure risqué dans une zone de guerre.

De là, il faudrait peut être proposer un échange de services entre le porte-avions et l'unité logistique. Clément Ader disait que les aéronefs devaient être entretenus et réparés à bord. Mais dans le cadre d'un BPC-atelier qui ferait le lien entre le porte-avions et la terre, il pourrait fluidifier l'entretien des voilures fixes et tournantes. A quoi bon garder à bord un chasseur qui serait bon pour plusieurs semaines de réparations ? Pourquoi ne pas permettre à un BPC qui ferait la rotation entre une base avancée et le porte-avions d'en apporter un directement depuis la France qui serait entièrement disponible et d'enlever la machine indisponible et qui ne pourrait plus quitter le bord par elle-même ? Le porte-avions pourrait délocaliser les opérations lourdes d'entretien vers le BPC et la terre. Ce nouveau partage des tâches allégerait le bateau porte-avions (et peut être son coût - est-ce que le déplacement des moyens de commandement vers un BPC serait de nature à en faire de même pour le PA2 ?). Mais cela permettrait, aussi, de maintenir un groupe aérien embarqué avec des machines en permanence disponible. Mais un tel changement suppose de disposer d'un hélicoptère lourd apte à réaliser de tels mouvements...

Imaginez une autre hypothèse : le soutien d'un BPC-atelier aux opérations offensives du porte-avions. Grâce à l'aide d'hélicoptères lourds, il serait donc possible de transporter des Rafale du pont d'un BPC vers le porte-avions. Ce dernier envoie tout ses Rafale. A ce moment là, pourquoi ne pas concevoir que les Rafale stockés à bord du BPC soient déplacés sur le porte-avions. La suite de l'idée consisterait à les conditionnés pour constituer la seconde vague de l'attaque et donc, à être catapultés. La première vague, à son retour, pourrait être transvasée du porte-avions au BPC et y serait reconditionnée quand la seconde le serait à bord du porte-avions. Dans cette optique, le BPC devient un considérable multiplicateur de forces. L'idée peut être séduisante car elle offre la possibilité de ne plus se laisser limiter aux 32 aéronefs du Charles de Gaulle (dont 24 Rafale) : le poids opérationnel du GAn face à un groupe aéronaval américain serait beaucoup plus relatif.

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© Marine nationale. BCR Var entouré de l'Andromède et du Croix du Sud.

Si le BPC pouvait devenir navire-atelier, ponctuellement, alors il pourrait servir de navire-base au groupe de guerre des mines. Bien que les futurs chasseurs de mines seront plus hauturiers que les actuels, il n'en demeure pas moins qu'ils auront besoin d'un soutien logistique pour renouveler "leurs munitions" nécessaires à la chasse aux mines (constatations de l'opération menée dans le Golfe persique en 1991). Le BCR Var a d'ores et déjà expérimenté une telle formule lors d'un exercice en 2011. Est-ce qu'un BPC pourrait servir dans une telle mission ? Cela permettrait, en tout cas, de délester les futurs BRAVE de missions qui n'emploieraient pas l'intégralité de leur potentiel et où un BPC démultiplierait la force d'une opération de guerre des mines. La protection du groupe pourrait passer, par exemple, par l'embarquement d'hélicoptères Tigre à bord du porte-hélicoptères. Il serait envisageable, à nombre de chasseurs de mines égale, d'embarquer plusieurs équipages afin de travailler presque nuit et jour (grâce aussi aux ateliers et à l'embarquement de consommables). Surtout que, un BPC, avec son radier, pourra emporter deux drones porte-drones (du programme SLAMF) en plus de ceux des futurs chasseurs de mines. Ce ne serait pas un mince avantage quand l'économie mondiale peut être menacée par le minage d'un détroit.

Enfin, il y a le cas où BRAVE et BPC pourraient être au soutien d'une mission aéroamphibie. Il y a clairement la volonté d'utiliser les BRAVE pour renouveler les équipages lors d'une opération qui dure, mais, et peut être aussi, pour soutenir une opération amphibie. Ce serait une option prise sur le  Sea basing : le BPC servirait de porte d'entrée sur un théâtre et le BRAVE transporterait les troupes à injecter sur ce théâtre.

Dans une autre mesure, il y aurait le cas où le BPC dépasse le cas du navire-atelier pour devenir presque un navire-usine. Il est alors engagé dans une mission qui dure et il a besoin de se faire durer, mais aussi de soutenir des moyens qui lui sont rattachés (comme des aéronefs) ou adjoints (d'autres navires qui ne pourraient pas durer aussi longtemps). Ce serait tout l'avantage de coupler les capacités aéroamphibies d'un BPC avec celles d'un navire-atelier. Une telle utilisation du BPC en Somalie permettrait de se passer de quelques frégates dans un contexte où il est difficile d'obtenir les précieuses frégates de la part des Etats engagés dans l'opération Atalante.

Il y a une toute dernière option. La guerre navale à la française permet de se concentrer avec de grands moyens sur chaque crise internationale qui se présente. Cette manière de faire empêcherait d'être ponctuellement présent en d'autres endroits du globe, avec, certes, des moyens moins important. Mais être présent, c'est le minimum pour pouvoir pesé, et c'est le propre d'une marine à vocation mondiale. Les Russes reconstruisent leur puissance hauturière avec des remorqueurs comme navire logistique. Ces auxiliaires de haute mer font rarement partie intégrante d'une escadre. Et pourtant, ils servent très souvent dans la marine russe à appuyer un déploiement de deux ou trois frégates ou destroyers, notamment au large de la Corne de l'Afrique ou dans le bassin oriental de la Méditerranée.
Le cas du groupe de guerre des mines de l'OTAN a été évoqué : lors de son dernier passage à Brest, le SNMCMG1, était composé de quatre chasseurs de mines et d'un navire de soutien polonais, le Kontradm. Z. Czernick. Ce dernier jauge à peine plus qu'un chasseur de mines (6 ou 700 tonnes). Sa présence demeure un puissant moyen pour faire durer la formation à la mer.
Ce ne serait peut être pas une solution à négliger en France que de constituer une seconde ceinture logistique autour de petites unités, comme des remorqueurs de haute mer polyvalent. Dans cette optique, il y a les programmes BSAH et BMM qui pourraient fournir les unités nécessaires. Les BSAH semblent étudiés pour. Mais pourquoi donc ne pas saisir l'opportunité de fusionner, au moins, ces deux programmes pour avoir ce second rideau logistique ? A l'heure où les relations en Asie se tendent, il faudrait peut être plutôt miser sur le déploiement d'une FREMM (avec commandos, MdCN et Exocet block III (donc MdCN aussi) avec l'appui d'un navire de soutien en Asie du Sud-Est pour faire sentir la présence de la France, sans se couper de la présence du GAn en Méditerranée.

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En tout dernier lieu, il y a le cas des EDA-R (Engin de Débarquement Amphibie Rapide). Ils pourraient constituer le troisième niveau du soutien logistique naval. Ils sont de faible tonnage, ce qui fait leur force le jour où il sera possible de remonter des fleuves dans le cadre d'une opération terrestre. Une version agrandie de ces chalands -soit la taille d'un EDIC- avec une plus puissante motorisation pourrait servir de navire logistique et amphibie rapide. Prépositionné, il pourrait faire le lien entre BRAVE, BPC et la base avancée la plus proche. Hors opération, il pourrait bien servir de patrouilleur hauturier : l'EDA-R demeure un catamaran -ce qui est une formule architecturale assez économique- et il n'est pas impératif qu'il navigue à sa vitesse maximale, mais bien à sa vitesse de croisière économique.

Ce ne sont là que quelques pistes qui sont jetées comme sur un brouillon. Le format se réduira à quatre unités logistiques : les futurs BRAVE. Ceux-ci devraient permettre de remplacer une partie des capacités qui étaient offertes par les navires-ateliers et de soutien. C'est le premier rang du soutien logistique naval. Il n'en demeure pas moins que 4 navires est un format bien léger : il faut considérer que le format en SNA à six unités est insuffisant pour protéger la FOST et soutenir le GAn en Libye, face à Toulon. Donc, il y a ces pistes pour combattre les déséquilibres créés par le système : se servir des BPC comme navire logistique auxiliaire, voire comme navire-atelier. La logique pourrait même être poussé pour en faire des porte-aéronefs auxiliaires afin de participer au soutien des aéronefs du GAn, et pourquoi pas d'augmenter le nombre d'avions pouvant être catapultés par le porte-avions. C'est le deuxième rang du soutien logistique naval. En outre, il ne faudrait pas négliger les "nouvelles" capacités de projections (celles des années 60, aujourd'hui perdues, en réalité) qui pourraient être offertes par l'utilisation de navires dédiés initialement à l'Action de l'Etat en Mer comme d'une flotte logistique. C'est le troisième rang. Parfois, il suffit d'une frégate multi-missions et d'un navire de soutien pour participer à une crise à l'autre bout du monde. Enfin, les nouveaux chalands de débarquement, les EDA-R, et une éventuelle version agrandie, les EDA-R XL, pourraient servir d'unités logistiques de bases pour accélérer la manœuvre logistique lors du ravitaillement d'une escadre ou faire la liaison entre la terre et l'escadre. La version agrandie du nouveau chaland de la Marine servirait de moyen prépositionné pour des transports entre théâtres et de patrouilleur en dehors du service aux escadres. C'est le quatrième rang.

Qu'est-ce que ces propositions représentent sur le plan budgétaire ? Les quatre unités logistiques (BRAVE) sont d'ores et déjà programmées : ne pas les commander, c'est une économie comptable et la perte du statut de marine à vocation mondiale. Il y a d'ores et déjà trois BPC, et dans le cadre des propositions, ce ne serait pas un luxe que de monter à 5 unités, sachant qu'une telle commande en lot offrirait des navires moins coûteux (300 millions l'unité) qu'une commande isolée (400 millions l'unité) -soit dit en passant qu'une commande en série et en lot de 5 BPC aurait coûté autant que la méthode actuelle pour en acquérir quatre unités. En attendant, le quatrième BPC est programmé pour la prochaine loi de programmation militaire. Tout comme les programmes BSAH et BMM qui concerneront des unités de 2 à 3000 tonnes. Enfin, il est prévu de percevoir deux EDA-R par BPC. Et la version agrandie n'a pas quitté le brouillon. Donc, au final, il n'est question que d'un BPC de plus et d'EDA-R XL.