Quel fantastique (awesome) ouvrage que celui proposé par les éditions Seaforth
Publishing. Publié initialement en 2003, il est réimprimé en 2012. Malheureusement,
nos deux auteurs n'ont pas survécu à cet héritage qu'ils nous laissent.
David K. Brown a mené une carrière brillante comme architecte naval et a participé à bon nombre de programmes navals qui sont racontés dans cet ouvrage, depuis la fin de la seconde guerre mondial jusqu'à sa retraite en 1988.
George Moore est un passionné de construction navale. Il consacra une étude majeure à la
construction navale durant le temps de guerre : "Bulding Victory".
Qu'est-ce donc que cette monographie qualifiée plus haut de fantastique ? Tout simplement le commentaire de la transformation de la Royal navy de la
seconde guerre mondiale jusqu'au début des années 2000. Il s'agit bien
d'évoquer
la gestion de l'héritage de la seconde guerre mondiale, les plans d'après-guerre pour la transition
vers le temps de paix et les ruptures technologiques (les U-boat à turbines Walter, les missiles guidés, la propulsion nucléaire, les avions à
réaction, etc...) qui imposent des changements de paradigmes important.
C'est tout simplement l'histoire de l'évolution de la fleet de 1945
aux premières années du XXIe siècle sous l'angle des programmes navals, des premières esquisses aux diverses
évolutions, construites ou non.
Tant qu'à parler de berceau de la Navy, évoquons donc ces trois cales sèches à Devonport qui ont été coiffées chacune d'une cathédrale pour faciliter les
refontes des frégates.
Pour les habitués des billets de ce blog, et si jamais ils ont aimé tous les questionnements
sur les frégates et croiseurs, alors ils aimeront observer les difficultés des britanniques sur
le sujet. Dans le chapitre consacré aux croiseurs, nous découvrons une Royal
Navy qui doit gérer l'héritage de la seconde guerre mondiale, lancé ou non. Puis, abandonner les porte-canons
pour aborder l'ère des missiles avec l'idée d'un croiseur à tout faire (cruiser/destroyer) qui n'est pas
sans rappeler ce qui deviendra les frégates lance-engins en France.
Si je n'ai pas trouvé (ou manqué de trouver) l'idée d'un croiseur nucléaire à l'instar de ce qui a
été rapidement envisagé du temps de l'amiral Nomy, nous croisons tout de même une rapide
étude sur une
évolution de la frégate Type 43 avec deux réacteurs nucléaires (chapitre 5).
Le chapitre 8 consacré aux sous-marins nucléaires est lui (comme tous
les autres) aussi très intéressant en ce sens qu'il révèle que Londres a un ou deux
temps d'avance. Quand la France s'engluait sans trop réagir dans
l'échec
(bien instructif) du Q-244, l'Angleterre lançait grâce à une aide technique américaine le Dreadnought. Suivent assez rapidement la
classe des SNA Valiant dont un exemplaire, le Conqueror, sera le premier a coulé un navire adverse : le
croiseur argentin Belgrano lors de la guerre des Malouines (ou Falklands, puisqu'ils sont à l'honneur ce jour). Les classes de vaisseaux noirs nucléaires s'enchaînent. Si c'est
le mauvais tuilage entre les classes Vanguard et Astute qui provoquera bien des déboires, le Fast Attack
Submarine qui succédera à l'Astute, non pas pour remplacer mais compléter montre bien la
résolution
britannique à tenir son rang sur mer.
Les chapitres 1, 3 et 4 éclairent la difficulté pour la Royal Navy
à gérer sa flotte de porte-avions entre l'héritage de la guerre, les difficultés budgétaires qui contrarient la
préservation et la modernisation des unités existantes et la construction de nouvelles (concurrence entre modernisations et constructions neuves). C'est ainsi
qu'après
les abandons des positions East of Aden et East of Suez, Londres replie sa puissance aéronavale sur l'Atlantique
Nord via la construction des Invincible (qui devaient être six, ce qui aurait
changé bien des choses en 1982).
Relevons quelques petites choses pour finir. Nous
croisons dans nos lectures un chasseur de mines sur la base d'un
hydroglisseur (à l'instar de ceux
qui ont été exploités commercialement dans l'English Channel) qui n'est pas sans rappeler le BAMO. Mais aussi nous apercevons l'esquisse d'un OPV à voiles ! La
NATO frigate est elle aussi présente et déjà les
origines du divorce entre franco-italien et anglais sur le programme
Horizon
apparaissent (bien que dans ce programme les Anglais voulaient des
navires moins coûteux, le contraire de ce qui se produira ensuite). Et
nos auteurs écrivent que l'Ocean peut
recevoir des Sea Harrier mais ils peuvent voler avec une configuration légère. Il est dommage de ne pas lire pourquoi ce navire sera construit seul, alors qu'il aurait
pu faire la transition avec les Invincible. En tous les cas, il est l'un des premiers programmes militaires à recourir aux technologies de la marine marchande (suivront
bien des bateaux, dont les BPC).
C'est un très bel ouvrage mais aussi un très bel objet (rien que la couverture) qui montre une Royal Navy qui a
navigué dans une riche seconde moitié du XXe siècle, entre constantes et modes. Ce serait si agréable
de disposer de l'équivalent pour la Marine nationale.
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