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Le
contrat signé en septembre 2008, entre Paris et Brasilia, le 23
décembre 2008, portait notamment la construction au Brésil au sein
d'un nouveau chantier naval de quatre Scorpène 2000 (devenus S-BR
(Scorpène Brasil) mais également d'une cinquième coque : le SN-BR
(Submarino Nuclear – BRasil). Toute la chaufferie
nucléaire est à la charge de la partie brésilienne qui entretient
un programme en ce sens depuis le projet stratégique initié en
1979. Deux dessins d'artiste de l'avant-projet ou deux avant-projets
différents seraient visibles. Le deuxième dessin n'apparaît plus
que sur un seul site, français, depuis sa disparition d'autres
sources ces derniers mois.
Le
futur Sous-marin Nucléaire d'Attaque (SNA ou Ship Submersible
Nuclear (SSN) est d'ores et déjà baptisé en l'honneur du
vice-amiral Álvaro Alberto da Mota e Silva (22 avril 1889 - 31
janvier 1976), un des grands responsables du programme nucléaire
brésilien et représentant de son pays à la Commission de l'énergie
atomique des Nations Unies, remplacée par l'Agence internationale de
l'énergie atomique le 29 juillet 1957.
Le
projet d'un sous-marin à propulsion navale nucléaire de conception
et de facture brésilienne aurait pris corps au cours des années
1970, avec une séquence décisive se situant entre 1976 et 1978.
Trois enjeux cruciaux furent identifiés : la maîtrise du cycle du
combustible (projet
« Zarcão
et Ciclone »),
le développement d'un réacteur nucléaire embarqué (projet
« Remo »)
et la capacité à concevoir et construire une coque apte à recevoir
le réacteur nucléaire embarqué (projet « Costado »).
Le
projet « Zarcão
et Ciclone »
débutait dès 1979 avec la participation de la Marinha do Brasil au
programme dédié du nucléaire civil brésilien, c'est-à-dire en
devenant membre de l'Institut de l'énergie et de la recherche
nucléaire de São Paulo.
L'acculturation
brésilienne aux techniques de construction sous-marine modernes, au
profit du projet « Costado »
bénéficiait du programme de remplacement des sous-marins acquis
auprès des États-Unis d'Amérique et du Royaume-Uni dans le cadre
du Plan de reconstitution des forces de la marine (Plano
de Reaparelhamento da Marinha
(PRM) lancé 1979. Il aboutissait à l'acquisition auprès de
l'industriel allemand Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW) de quatre
sous-marins Type 209/1400 (IKL-209-1400). La classe Tikuna (Type
209/1400 Mod), version agrandie, devait compter deux unités et
servir de prélude à la mise sur cale du premier sous-marin à
propulsion nucléaire brésilien par l'intégration d'une partie de
ses futurs équipements et installations. C'est en raison des retards
additionnés pendant la phase d'industrialisation du programme que la
marine brésilienne révisait ses plans : le deuxième Tikuna est
abandonné, ses crédits sont reversés au profit du lancement du
programme Submarino
Medio Brasilerio
(SMB-10).
Ce
Programme SMB-10 visait explicitement la construction au Brésil de
deux sous-marins d'un déplacement en plongée d'environ 2500 tonnes
pour une coque longue de 67 mètres et fort d'un diamètre de 8
mètres afin qu'ils servent de base de développement au SN-BR
(Submarino com propulsão Nuclear - BRasileiro).
La
classe Riachuelo est l'aboutissement du programme SMB-10. L'offre
française fondée sur une version allongée du Scorpène (Scorpène
- BRasil (S-BR) présentée par DCNS est sélectionnée en
2008 face aux offres allemande (Type 214), russe (Amur 1650) et
suédoise. C'est à cette occasion que le programme Submarino
Medio Brasilerio devient le PROgrama de desenvolvimento de
SUBmarinos (PROSUB).
Le
contrat du 23 décembre 2008 concrétisait le projet « Costado »),
raison pour laquelle Paris fut retenue. Il assurait plusieurs
choses à la partie brésilienne : outre la construction au Brésil
des quatre S-BR, le développement de la partie
non-nucléaire du SN-BR,
ce qui a été qualifié de « coque », la création des
partenariats industriels, les transferts de technologie et la
formation du personnel à la réalisation de cet objectif. Par
ailleurs, l'architecture du programme a été pensé afin de
favoriser un important taux de communalité entre les systèmes et
sous-systèmes des S-BR
et SN-BR
dans l'optique de faciliter tant la construction que l'entretien des
bateaux et leur prise en main par les futurs équipages.
La
conception proprement dite du SN-BR
débutait dès 2010. La première phase (2010 – 2012) voyait la
formation d'un premier noyau de 25 officiers et 6 civils recevaient
une formation théorique sur ce projet de sous-marin nucléaire
d'attaque, dispensée par DCNS (aujourd'hui Naval group). Ils
formèrent alors à l'issue de cette première phase la « Autoridade
de Projeto do SN-BR » (Autorité
de conception du SN-BR) en juillet 2012 et travaillaient aux études
de faisabilité. Les études détaillées du futur bateau débutaient
en juillet 2018 avec une force de travail forte de 200 personnes. Et
il était prévu que ce volume soit triplé au cours de ces mêmes
études.
Un
appel d'offres public était émis afin de recruter le personnel
nécessaire à la formation du « corps technique ». La
procédure fut menée par Amazul, une société créée à partir
d'Empresa GEerencial de PROjetos Navais (EMGEPRON).
Le corps technique entre 2012 et 2018 grossissait jusqu'à atteindre
près de 400 personnes. Il comprend le personnel d'Amazul ainsi que
celui de la Marinha do Brasil. Entre 2013 et janvier 2017,
l'Autoridade
de Projeto do SN-B
et le corps technique étudiaient le dessin préliminaire du futur
sous-marin à propulsion navale nucléaire.
Parallèlement
à l'avancement du projet « Costado »),
ce n'était qu'en 2014 que le projet « Remo »
avançait par la construction du premier réacteur d'essais au Centre
expérimental d'Aramar dont l'objet est de valider les futurs choix
technologiques du futur prototype du réacteur nucléaire embarqué.
Le projet continuait par le début de la fabrication du prototype du
réacteur embarqué baptisé LABoratório
de Geração de Energia Nuclear
(LABGENE). Il serait attendu que ce prototype à terre combinant le
réacteur et toute la chaîne cinématique du futur bateau puisse
débuter ses essais au milieu de l'année 2021 et être déclarée
« opérationnelle » en 2022.
Sur
le SN-BR,
l'industrie brésilienne affirme assurer 90% du programme. Même le
système de combat (Combat
Management System
(CMS) sera développé par des ingénieurs brésiliens à partir du
SUBTICS (Naval group) installé sur les S-BR.
Deux
esquisses du SN-BR
furent diffusées dont la première est cohérente avec la silhouette
de la maquette navigante qui fut essayée en 2018 et qui ressemble à
un « Scorpène augmenté » tandis que la deuxième,
publiée la même année, s'en détache sur plusieurs
caractéristiques architecturales (dôme sonar, forme du massif,
appareil à gouverner) et paraît emprunté certains choix aux
Barracuda. Une maquette présente aussi l'organisation des volumes
internes du SN-BR
mais elle paraît trop caricatural et ancienne pour présenter un
quelconque avant-projet.
© Marinha do Brasil. Une des deux esquisses apparues en 2018, au plus tard. Elle fut déclinée en maquette navigante. |
Quelques
caractéristiques du SN-BR
émergeaient.
Premièrement,
un sous-marin à propulsion nucléaire est dimensionnée par son
réacteur embarqué car celui-ci détermine le diamètre de la coque.
Le réacteur nucléaire embarqué brésilien oblige à un diamètre
de 9,8 mètres pour la coque (contre 8,8 pour les Suffren ou 11,3
pour les Astute). La longueur de coque serait de 107 mètres, ce qui
assurerait un excellent coefficient de finesse de 10,91, contre 11,3
pour les Suffren ou 8,61 pour les Astute. Le déplacement en plongée
serait de l'ordre des 6000 tonnes (contre 5300 pour les Suffren et
7800 pour les Astute), il pourrait être revu à la hausse. La coque
résistante supporterait une immersion opérationnelle de 350 mètres,
et peut être plus dans les faits.
La
propulsion du futur sous-marin nucléaire brésilien se fondera sur
le réacteur nucléaire embarqué de 48 MW thermiques (11 MW
électriques) fournissant en vapeur deux turbines (générateurs de
vapeur ?) couplées à « générateurs électriques »
(turbo-alternateurs ?) dont l'une abreuvera le réseau électrique
bord tandis que le deuxième alimentera un moteur électrique de
propulsion. Il est attendu que le bateau puisse marcher jusqu'à 25,
voire 26 nœuds. Le rechargement des cœurs interviendrait tous les
six ans selon les paramètres actuels.
Il
n'est pas précisé combien d'armes tactiques seront embarquées
(25 ? 30 ?) mais la Marinha do Brasil connaît déjà les
types d'armes : torpilles lourdes, missiles anti-navires à
changement de milieu, missiles de croisière à changement de milieu
(Submarine-Launched
Cruise
Missile
(SLCM) et
mines navales éjectées depuis un tube lance-torpilles. Aucun mot
n'est encore dit au sujet d'une capacité à mettre en œuvre des
drones.
Le
futur équipage serait fort d'environ 100 hommes et les capacités en
vivres lui assurerait une capacité à durer à la mer de l'ordre des
75 jours.
La
mise sur cale du SN-10
Álvaro
Alberto
devait intervenir dès 2020 mais la mise en chantier pourrait être
repoussée au mois d'octobre de l'année 2022. La mise à l'eau
aurait suivie dès 2027 mais serait logiquement attendue en 2029, en
cas de décalage pour la pose de la quille. L'entrée en servie
serait prononcée, au plus tôt, en 2032. Le Plano
de Articulação e Equipamento da Marinha do Brasil
(PAEMB) formalisé en 2009 contenait l'objectif de construction de 15
nouveaux sous-marins à propulsion classique (2015 - 2047) et de six
sous-marins à propulsion nucléaire (2015 - 2047). Selon le PAEMB,
deux SN-BR
auraient du être mis sur cale entre 2015 et 2030.
Bibliographie
indicative
- Vincent Groizeleau, « Itaguaí: Au cœur du chantier des sous-marins brésiliens », Mer et Marine, 3 juillet 2017.
- Alexandre Galante, "O Prosub e o submarino nuclear brasileiro SN-BR", Poder naval, 20 février 2018.
- Alexandre Galante, "Programas da MB em 2019: PROSUB", Poder naval, 12 janvier 2020.
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