© Wikipédia. La frégate Auvergne (2018) opérant avec le Carrier Strike Group du CVN-68 USS Nimitz (1975) dans le golfe Persique, le 19 septembre 2017. |
La
« politique RH » de la Marine nationale a pris ces dernières
années une importance cruciale et de niveau stratégique, confrontée
elle aussi au double défis du recrutement et de la fidélisation des
marins. Le doublement des équipages est la mesure apparue comme la
plus pertinente, face au renforcement des équipages, et certainement
la plus rapidement accessible. Le cas des FREMM est symptomatiques de
ces évolutions.
Le
financement du programme FREMM
(2007 – 2018) s'appuyait sur l'optimisation de l'outil industriel
(une mise sur cale tous les 7 mois) et une manœuvre sur les
ressources humaines. Les 3081 marins des 10 frégates et 9 avisos ne
seraient plus « que » 1598 pour constituer armer 17 FREMM grâce à
des équipages de seulement 94 marins. Les 1483 postes économisés
participaient au financement du programme.
La
réduction de la cible du programme FREMM
(2007 – 2015) causait l'échec de la manœuvre sur les ressources
humaines par l'étalement des constructions dans le temps et la
réduction du nombre de frégates à acquérir (17 à 8). Le format
de la flotte de surface s'est resserré de 24 à 18 (2008) et de 18 à
15 (2013).
L'équipage
des FREMM
est alors devenu un facteur de faiblesse de la politique RH car la
réduction du nombre de frégates se faisait symétriquement à un
accroissement des engagements (5 théâtres contre 2 selon le contrat
opérationnel, en plus de la FOST et de la protection du territoire)
: moins de frégates, plus de missions, plus de jours de mer. Et ce,
sans compter les « alertes », par nature imprévisibles. Et dans la
pratique opérationnelle, cas des frégates de classe La
Fayette
mis à part, le nombre de frégates de premier rang chutera de 10 à
8 (2013 – 2021) avant de péniblement monté de 8 à 15 (2021 –
2030).
Le
segment lutte anti-sous-marine de la flotte de surface fut mis en
difficulté par le retrait du service des Tourville
(Duguay-Trouin
(1999), Tourville
(2011) et De
Grasse
(2013) porteurs du Système de Lutte Anti-Sous-Marine (SLASM). Les
capacités propres aux F70
ne sont pas comparables mais inférieures. L'accroissement de
l'activité sous-marine tant dans l'Atlantique Nord qu'en
Méditerranée, mettait sous pression les équipages des FREMM
dont la suite ASM est à la hauteur des enjeux précédents.
L'Aquitaine
était livrée dès 2012 mais les huit frégates ne sont ou seront
admises au service actif qu'entre 2015 et 2023.
Le
débat entre renforcement ou doublement des équipages des FREMM
agitait l'état-major de la Marine, au plus tard, dès 2016 afin de
répondre aux défis opérationnels que ne pouvaient pas soutenir des
équipages réduits prévus pour une flotte de surface à 24 frégates
dont 8 ASM. Débat tranché quand la ministre des Armées, Mme
Florence Parly, décidait le 25 juillet 2018 d'expérimenter le
doublement des équipages de certains bâtiments de surface. Le plan
Mercator (5 septembre 2018) présentait l'ensemble de la manœuvre RH
et implicitement la Marine sous la férule du CEMM travaille au
doublement des équipages de toutes les FREMM
d'ici 2022.
Certaines
déclarations du chef d'état-major de la Marine nationale, l'Amiral
Christophe Prazuck et de l’amiral Jean-Philippe Rolland, commandant
la force d’action navale, permettaient de comprendre que
l'abondement de la mesure se fera par désarmement anticipé de
certaines frégates, tout en
tenant compte du renforcement des équipages des FREMM
de 94 à 109 marins.
Entre
2019 et 2021, les désarmements de trois F70
(3 x 240) et deux F70
AA (2 x 250) libéreraient 1220 marins pour abonder la création de
quatre équipages A et B (4 x 132) des Alsace
(2022) et Lorraine
(2023) et les créations de six équipages B (6 x 109) des autres
FREMM,
ce qui « consommera » 1182 marins. Il ne serait pas étonnant que
la différence – 38 marins – servent au renforcement des GTR de
Brest et Toulon qui n'ont semble-t-il pas été dimensionnés pour
soutenir deux fois plus d'équipages. Chaque nouvel équipage
pourrait être constitué environ douze mois après son passage par
un GTR, avant sa prise d'armement.
En
2019, les frégates Aquitaine
(2015 – 2045 ?) et Languedoc
(2017 – 2047 ?) bénéficiaient de la création de leurs équipages
B respectifs le 26 août à Brest pour la première et le 28 août à
Toulon pour la deuxième. Ils ont pris en charge les frégates à
l'été ou au mois de septembre 2019. Les 2 x 109 marins nécessaires
proviennent du désarmement anticipé des frégates Primauguet
(240
marins) et
Cassard
(250
marins) en
2019 selon l’amiral Jean-Philippe Rolland, auditionné le 12 mars
2019 par la commission de la Défense nationale et des forces armées.
Par
ailleurs, l'amiral Jean-Philippe Rolland affirmait le même jour que
l'équipage de l'Alsace
(2022) serait abondée par un « noyau » de celui du Cassard
(2019). La première FREMM aux capacités de défense aérienne
renforcées doit être livrée en 2021 pour une admission au service
actif l'année suivante.
En
2020, ce serait la Bretagne
(2019) qui devrait bénéficier de la création de son équipage B
grâce au désarmement du La
Motte-Picquet
(2020).
En
2021, ce serait la Provence
(2016) qui devrait bénéficier de la création de son équipage B
grâce au désarmement du Latouche-Tréville
(2021). Le désarmement du Jean
Bart
(2021) pourrait abonder partiellement la création de celui de la
Lorraine, à la manière de ce qui fut fait pour l'Alsace.
En
2022, ce serait l'Auvergne
(2018) qui devrait bénéficier de la création de son équipage B.
Ne restant plus de F70 à désarmer, celui-ci sera peut être généré
par des redéploiements internes. Cette frégate serait, en outre,
basée désormais à Brest à cette date.
Le
rythme des précédents doublements augurent une première prise en
charge des Normandie
(2020), Alsace
(2022) et Lorraine
(2023) par les équipages B entre 2022 et 2025.
Les
FREMM
sont données dans le cadre des actuelles conditions de leur exploitation pour un potentiel de fonctionnement annuel de 3500 heures. En 2018, il
était dit que les FREMM
naviguaient en moyenne 110 jours, soit 2640 heures. Sur un cycle
opérationnel de 24 mois, par exemple, les équipages A et B se
relaieront tous les quatre mois pour prendre en charge une frégate au
potentiel de 7000 heures sur la période, soit 291 jours de mer au
total. Cela devrait se traduire par 73
jours de mer par équipage chaque année. L'Amiral Christophe Prazuck ambitionnait en
2018 de porter le nombre de jours de mer par FREMM
par année à un minimum de 180.
Soutenir
la politique de doublement des équipages des FREMM
afin de résoudre les défis du recrutement et de la fidélisation
intrinsèques à la politique RH de la Marine nationale passera donc
par un nouveau dimensionnement du Maintien en Condition Opérationnel
de ces bâtiments :
D'une
part, le soutien des FREMM devra évoluer pour passer de 3500 heures de disponibilité à environ 5280 heures afin de satisfaire les recommandations pour l'entraînement des équipages, c'est-à-dire 110 jours de mer pour un bâtiment de
combat. Il en résultera un accroissement du nombre de visites de la propulsion et probablement donc du nombre d'arrêts techniques.
D'autre
part, le doublement des équipages des FREMM
amènera fatalement à renégocier les contrats MCO (6 ans) de ces
frégates car ce seront deux équipages qui travailleront
simultanément à bord ou à terre et ils seront donc en mesure de
ré-internaliser des tâches logistiques et de soutien qu'il ne sera
plus nécessaires de déléguer à l'industriel.
Il
se dessine que le supplément de fonctionnement sera financé par la
ré-internalisation des tâches au sein de la Marine. Reste à
financer le supplément de « munitions complexes » à acquérir qui
devront être tirées tous les 30 mois par l'un des 16 et non plus 8
équipages, sans compter les effets afférents quant à la
disponibilité opérationnelle, supplémentaire demandée, par
exemple, aux flottilles d'hélicoptères et probablement aussi aux
fusiliers-marins et commando-marines, voire d'autres spécialistes.
Je crois me souvenir que cela avait été mis en place sur les navires qui surveillaient le rail d'ouessant dans les années 80. Le désarmement anticipé des frégates F70 revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul alors que ces bâtiments pouvaient facilement et à moindre coût assurer les patrouilles en ZEE outre-mer. Par ailleurs, l'automatisation à outrance des FREMM est un non-sens absolu. Dans le cas ou ce navire est touché par un missile, bombe ou torpille, il faudra décompter un certains nombre de morts et aussi de blessés à évacuer et à soigner, tout en luttant contre les incendies ou voie d'eau, tout en maintenant la propulsion, la navigation, les veilles AA, ASM,et ASF et bien entendu les fonctions armement car on peut supposer que le combat continue. Tout cela avec seulement quelques dizaines de personnels valides et bien bonne chance pour la suite des évènements.
RépondreSupprimerCher Fusco,
SupprimerBonjour, dire que l'automatisation poussée des FREMM est un "non-sens absolu" est peut-être exagéré. Les sous-marins possèdent autant de marins "à la tonne" qu'une FREMM.
Par ailleurs, et c'est pourquoi j'avais débuté le papier ainsi, l'EMM avait fait le choix de réduire la "productivité tactique" des FREMM par un équipage moindre afin d'en financer rapidement la mise sur cale de 17. Le choix stratégique était bien d'avoir rapidement 17 frégates en sus des 2 Horizon et des 5 FLF. Le choix du nombre de plateformes. L'opération Hamilton aurait pu être assurée par la seule contribution française sur un plan théorique.
Et j'ai calculé que porter l'équipage de 94 à 109 marins n'aurait demandé qu'environ 600 marins. Ce qui n'aurait pas été trop difficile à fournir.
Bien navicalement,